Tout part de l’intrusion d’un peu moins d’une dizaine d’opposant.e.s dans les locaux de l’Hôtel-restaurant situés dans l’enceinte du laboratoire de l’Andra à Bure. Des pierres brisent des vitres, du mobilier est chahuté dans le réfectoire et un départ de feu sur une flaque d’essence est maîtrisé par le cuistot tandis que les intrus quittent les lieux. Le départ de feu devient un incendie dans la presse, la présence de clients dans l’hôtel une mise en danger de la vie d’autrui pour le procureur : les critères sont réunis pour caractériser le crime en bande organisée. Et s’il y a crime organisé, il y a organisation, il n’en faut pas plus pour que toute la lutte et ses opposant.e.s deviennent suspects et ouvrent ainsi le champ à une instruction sans limites.
En quelques mois une vingtaine de perquisitions et de nombreuses auditions puis gardes à vue vont suivre. Les expertises d’ADN, informatiques, chimiques s’accumulent et multiplient les cabinets d’experts et les divisions de police scientifique chargés de décortiquer les m³ de saisies provenant d’une vingtaine de perquisitions. Ainsi ce sont au moins 55 000 euros de frais qui sont déjà déboursés et sans doute plus près de 100 000 euros engagés en réalité. Pour une trentaine d’ordinateurs et de téléphones et une cinquantaine de disques durs, on compte ainsi, par exemple, 30 000 euros de frais d’expertise informatique ; et 1 400 euros pour l’ADN d’un t-shirt et un pantalon.
C’est sans compter le salaire de la trentaine d’officiers de gendarmerie de la section de recherche de Nancy et des brigades de recherche locales qui les épaulent et ont consacré des milliers d’heures à dépiler et compiler les données extraites de centaines de scellés, de dizaines d’heures d’auditions, écoutes téléphoniques et perquisitions pour pondre des procès-verbaux fleuves.
Des centaines de milliers d’euros qui égaleront, sinon dépasseront, au final les frais des dégâts occasionnés aux infrastructures de l’Andra, à l’origine de cette gargantuesque instruction. Celle-ci ne semble pouvoir parvenir à satiété que lorsqu’elle aura avalé jusqu’aux derniers des opposant.e.s ayant lutté contre le projet Cigéo entre l’été 2016 et le printemps 2018.
104 000 communications écoutées/lues intégralement sur 26 lignes téléphoniques interceptées des mois durant. Parmi celles-ci des responsables et locaux associatifs, des journalistes, des avocats. Une voiture de gendarmerie banalisée surmontée d’une antenne IMSI Catcher qui s’est baladée durant un mois pour capturer tous les numéros de téléphones sur une aire située dans un rayon de 5km autour de Bure et même ponctuellement aux abords du Tribunal de Grande Instance de Bar-le-Duc. Des géolocalisations d’une vingtaine de lignes de téléphones portables en temps réel durant trois semaines. Deux balises GPS implantées sous des véhicules personnels, et une tentative d’intrusion avortée de micros-espion dans les locaux associatifs de la Maison de Résistance durant un week-end de mobilisation. Et enfin, des centaines de réquisitions téléphoniques auprès des opérateurs pour connaître les identités reliées à l’ensemble des téléphones bornant sur les antennes-relais à proximité des manifestations autour de Bure durant plus d’un an.
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