Le droitard Gérard Longuet, âgé maintenant de 77 ans, aura trusté presque tous les postes d’élu durant sa longue carrière politique : ministre à trois reprises, président du Conseil régional de Lorraine pendant douze ans, député de la Meuse pendant huit ans, sénateur pendant vingt-deux ans, conseiller général de la Meuse pendant seize ans, etc. Le mec n’a fait que ça de sa vie. Lèche-bottes, le quotidien régional L’Est républicain titrait ainsi lors de son départ du Sénat [1] : "Gérard Longuet tire sa révérence avec toute son éloquence". Mais de notre côté, nous pensons que "Stylo plume et manche de pioche", le titre de l’ex-journal du GUD-Nancy, pourrait mieux résumer soixante ans de sa carrière, car il a bel et bien manié les deux.
D’un côté, le stylo plume lui aura permis, pendant quarante-cinq ans, d’écrire, de dire et de décider de toutes les conneries ultralibérales et réactionnaires imaginables (liste malheureusement non exhaustive) : "Nous avons des Français qui ont des poils dans la main, c’est trop dur, c’est trop loin, c’est pas ce que je veux (...)", "Nous avons trop d’inactifs, on commence trop tard, on arrête trop tôt, on ne fait pas assez d’heures par semaine, pas assez de semaines dans l’année, c’est pour ça que le travail coûte cher" [2]. Rappelons qu’il n’a quasiment jamais eu besoin de bosser de sa vie, seulement cinq ans, avant d’être parachuté dans la Meuse, élu et cumulard depuis 1978. Et effectivement, mis en cause en 1998 pour « recel d’abus de crédit » dans une affaire concernant la construction de sa villa de Saint-Tropez, Longuet avait mieux à faire à buller au soleil aux frais du contribuable que de bosser. Notons que la justice bourgeoise l’a depuis relaxé, comme elle l’a fait pour une autre affaire datée de 2001 pour recel de corruption dans l’affaire des marchés publics d’Île-de-France. De plus, il a évidemment été pour la suppression du bouclier fiscal et de l’Impôt sur la fortune, contre les 35 heures, contre les cotisations patronales qui rendraient le coût du travail "écrasant". Il a également dénoncé le travail très mal payé des députés (environ 7 000 euros par mois). Opposant au mariage pour tous, il a aussi dit des insanités homophobes : "qu’il y ait un lien entre homosexualité et pédophilie, ça peut arriver". Et des insanités racistes quand il a dénoncé la possible nomination à la tête de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) de Malek Boutih, qui ne ferait pas partie du "corps français traditionnel". En novembre 2011, Gérard Longuet proposait au gouvernement Sarkozy le transfert des cendres du tortionnaire de la guerre d’Algérie, le général Bigeard, à l’Hôtel des Invalides. Marcel Bigeard a été député UDF de Toul (1978-1988) et secrétaire d’état à la Défense (1974-1976), dans le gouvernement de Valery Giscard d’Estaing. Alors ministre de la défense, Longuet rendait ainsi hommage à l’inventeur des "crevettes Bigeard". "Lorsqu’il arrêtait quelqu’un, il lui mettait les pieds dans une cuvette, y faisait couler du ciment à prise rapide et le précipitait en mer du haut d’un hélicoptère", racontait Paul Teitgen, secrétaire général de la police française à Alger en 1957 [3]. Ou encore en octobre 2012, lorsque Longuet a publiquement fait, sur la chaine "Public Sénat", un bras d’honneur à l’Algérie qui demandait une reconnaissance des crimes perpétrés durant la guerre d’Algérie. Enfin, Longuet soutient mordicus, depuis des années, le projet mortifère d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (55).
Longuet, la tête pensante d’Occident
D’un autre côté, le manche de pioche lui a servi, durant ses dix années dans les troupes néofascistes parisiennes. "Tout comme son nouvel ami [Alain Robert, NDLR], Gérard Longuet [est] racolé à la sortie du lycée Henri-IV [à Paris, NDLR] par François Duprat, un vieux de la vieille, qui a adhéré à Jeune Nation en 1958" [4]. Il a donc tout d’abord été, de 1962 à 1964, membre de la Fédération des étudiants nationalistes. La FEN a été créée en 1960, pendant la guerre d’Algérie, par des étudiants parisiens pro-Algérie française. L’ex-FN de Nancy, Jean-Claude Bardet, en a été un des fondateurs. D’ailleurs, en 1978, Longuet, tout jeune député UDF et Bardet, un des dirigeants du droitier Club de l’Horloge, se sont rencontrés pour savoir s’ils pouvaient travailler ensemble [4]. Puis le bagarreur nationaliste Longuet [5] a été exclu de la FEN fin janvier 1964, après s’être opposé à la direction du mouvement qui lui demandait de calmer le jeu. Car "depuis l’automne 1962, les groupes lycéens de la FEN ont multiplié les opérations commando devant des lycées [parisiens, NDLR]. Ils ont même saccagé le siège de Tribune socialiste, l’organe du PSU. Ils n’entendent pas renoncer à leur stratégie d’affrontement (...)" [4]. "Une fois les dissidents évincés de la FEN, les liens entretenus jusqu’ici entre eux et Pierre Sidos peuvent s’afficher au grand jour" [4]. Pierre Sidos est un ancien milicien, condamné pour cela aux travaux forcés, après la seconde guerre mondiale, avec toute sa vie un parcours fidèle à l’ignoble Pétain : Jeune nation, OAS, Occident, L’Oeuvre française.
Puis le 1er mai 1964, le nouveau mouvement Occident, créé avec l’aide et la bénédiction de Sidos, tient sa première réunion publique dans le 15ème arrondissement de Paris. Pierre Sidos en est l’orateur principal. A la tribune, "à ses côtés, Gérard Longuet. C’est lui la tête pensante d’Occident. Lunettes, costume et cravate, l’air studieux, il compte parmi les plus assidus des visiteurs de l’ancien militant franciste (...)" [4]. "La seule décision prise à cette occasion est l’attaque du meeting anticolonialiste organisé par les étudiants africains à la Mutualité le 8 mai. (...) Dans la pratique, Occident est dirigé par le trio Longuet, Madelin, Robert" [6]. C’est cette "troïka (...) qui prend les décisions, noue les contacts politiques et connait tous les petits secrets internes" [4]. "Des petits nervis activistes, adeptes des actions commandos musclées plus que des longs débats théoriques, qui, au fil des années, ont troqué la panoplie du parfait petit faf pour décrocher des brevets de respectabilité", disait d’eux un journaliste de Libération [7].
Gérard Longuet a aussi fait partie de l’équipe de rédaction de "Occident-Université", l’organe politique et intellectuel d’Occident [4]. Il pratique donc "avec le même entrain la cogne et la gamberge" [4].
Longuet, une matraque à la main
"En mars 1966, au coude à coude, les deux formations [Occident et la Fédération des étudiants nationalistes, NDLR] attaquent la Sorbonne. Ce jour-là, Gérard Longuet, armé d’une longue matraque télescopique, défie Henri Weber, un des dirigeants de la future JCR trotskiste (...)" [4].
Puis le 12 janvier 1967, un commando d’un peu plus d’une vingtaine de castagneurs parisiens d’extrême droite est parti en camionnette de location et en voitures attaquer des militant.es d’extrême gauche mobilisée.es contre la guerre au Vietnam, sur le campus de la faculté de Rouen. Grosse bagarre : barres de fer, trident en main, boulons, clé anglaise, matraques, vitres brisées, coups violents, flaques de sang, etc. Plusieurs étudiant.es restent au sol : blessé.es, traumatismes crâniens, jambes cassées et un jeune étudiant dans le coma. Après différentes plaintes, la police a fait son boulot (non, pas celui d’éborgner les manifestant.es !) et a arrêté la vingtaine de cogneurs. Gérard Longuet fait partie des militants qui ont été incarcérés quelques jours à la prison de Rouen [8]. Leur procès a ensuite eu lieu en juillet 1967 et Gérard Longuet (21 ans à l’époque), comme trois autres militants nationalistes, a seulement été condamné à 1 000 francs d’amende, pour "violences et voies de fait avec armes et préméditation". Alain Robert, le principal organisateur, est condamné à dix mois de prison avec sursis. Huit autres prendront aussi entre huit et trois mois de prison avec sursis. La justice bourgeoise a été plutôt clémente. La plupart des prévenus étaient mineurs. Et une partie des dommages et intérêts destinés aux victimes ne sera jamais intégralement versée. La honte... !
Après avoir échappé à une première dissolution fin juin 1968, notamment suite aux violences durant les grosses manifestations de mai 68, puis après d’autres violences et des saccages de locaux politiques et syndicaux courant octobre, le gouvernement s’est décidé à dissoudre Occident le 31 octobre 1968.
Orphelin politique, le cogneur Longuet [9] participera à la création du GUD (alors "Groupe union droit", premier nom du GUD) en décembre 1968. Toujours très engagé et "à titre amical, Gérard Longuet a rédigé la plate-forme politique du futur mouvement. Par son mariage, il est entré dans une grande famille bourgeoise [10] et, tout en poursuivant ses études, il s’apprête à rejoindre le service de presse du CNPF [11]. Son texte paraît à beaucoup timoré et bien éloigné des anciens programmes nationalistes, plus tranchants et musclés." [4]
Puis, comme d’autres, Gérard Longuet montera dans le train fasciste suivant, celui d’Ordre Nouveau, créé en novembre 1969, avec sa croix celtique comme emblème. Il sera également membre de sa direction et, fidèle, il y restera jusqu’à sa dissolution par le gouvernement le 28 juin 1973.
Ensuite, en 1973, alors qu’il était encore étudiant à l’ENA, Longuet a rédigé la partie économique du premier programme du Front national (nommé "Défendre les Français"), parti tout juste naissant, sur les cendres encore chaudes d’Ordre nouveau. Interviewé en 2013 à ce sujet, Longuet a déclaré : « Alain Robert m’a amicalement demandé d’écrire un "programme économique solide" (...) À l’époque, Ordre nouveau n’avait pas 50 énarques sous la main. Comme il ne m’a donné aucune orientation, j’ai fait ce que je voulais et j’ai rédigé une plaquette libérale qui est devenue le programme économique du FN : ouvert à l’économie d’entreprise et à l’économie de marché. (...) Je savais qu’Alain Robert et Jean-Marie Le Pen étaient sur deux planètes différentes : le premier, totalement dénué d’ego, voulait créer un parti de droite musclé ; le second n’avait pas d’idées affirmées, mais un ego surdimensionné. » [12].
Enfin, en 2005, Gérard Longuet commentait ainsi, pour le quotidien Le Monde, ses dix années violentes à l’extrême droite : "Nous étions jeunes et libres. Il s’agissait là de rites initiatiques de jeunes gens, de folklore d’aspect paramilitaire. (...) Pour des raisons personnelles, j’étais Algérie française et anticommuniste. J’ai fait un bout de chemin avec la fédération des étudiants nationalistes, avant de basculer vers Occident. Nous étions une bande de copains. Je n’ai jamais supporté que l’on m’interdise de m’exprimer. J’ai fait la campagne de Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965 (...). On se spécialisait dans la relation conflictuelle et musclée avec l’extrême gauche. On s’est pris des raclées, j’ai eu le cuir chevelu entamé (...). Quand j’ai reçu un coup, je l’ai rendu. J’assume avoir été d’extrême droite. On s’est simplement trompés sur le modèle colonial, qui ne pouvait perdurer." [13]. Simplement ? Simplement fasciste, oui !
En conclusion, pour celleux qui ne seraient pas totalement convaincu.es du caractère encore extrémiste de Gérard Longuet, nous rappelons que dans son livre de politique-fiction "Le séisme. Marine Le Pen présidente" [14], le sociologue Michel Wieviorka raconte l’accession fictive de Marine Le Pen à l’Elysée en 2017 et surtout la nomination de son ministre des affaires étrangères ... On vous le donne en mille : Gérard Longuet ! CQFD.
Bloc antifasciste - BAF Nancy
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