Le printemps électoral voit refleurir les candidatures plus ou moins fantaisistes avec une forte propension à l’autopromotion comme « antisystèmes » de candidats plus ou moins issus du sérail. On pense en premier lieu au pitoyable trio Le Pen – Macron – Fillon, dont la posture de rebelles ferait rire s’ils n’étaient les porte-voix de courants politiques majoritaires qui, en distillant le racisme et l’autoritarisme, l’individualisme et l’esprit managérial, le patriotisme et les valeurs patriarcales, ont réussi à rendre la vie sociale presque irrespirable en trois décennies. Nous allons évoquer ici un autre prétendu « antisystème » dont le seul mérite est de ne pas trop passer à la télévision : François Asselineau, fondateur de l’UPR (Union populaire républicaine). Un candidat qui vient d’obtenir ses 500 signatures et qui va donc maintenant partir à la chasse aux électeurs.
Asselineau est énarque, inspecteur général des finances, donc haut fonctionnaire, ce qui commence mal pour un antisystème. Depuis les années 1990, il déploie une carrière politique bien à droite, comme conseiller dans des cabinets ministériels et comme élu, proche de Pasqua et de de Villiers. En 2007, après avoir quitté l’UMP, il fonde son parti, l’UPR, sur une ligne antieuropéenne, souverainiste et, bien entendu, « au-delà du clivage droite – gauche ». Outre quelques affiches récentes où le héros pose en toute modestie à côté de son dernier slogan, « Les Français et F. Asselineau ont rendez-vous en 2017 », cela fait quelques années que l’on aperçoit de temps à autre ses supporters tenter de sortir avec drapeaux et tracts au milieu de manifestations populaires. Ni gauche ni droite, les militants de l’UPR se réclament du Conseil national de la résistance et jouent la carte de la souveraineté populaire contre les élites… ce qui les conduit à tenter ce genre d’immersion.
Asselineau est un souverainiste (un de plus !) qui transpire le nationalisme, passe son temps à dénoncer l’Union européenne et l’OTAN, soutient Poutine… et finalement présente pas mal de points communs avec Le Pen. À une différence notoire : sa ligne n’est pas raciste, ni antiarabe, ni antimusulmane, ni antisémite. Alors à quoi bon s’énerver contre lui ? Outre que l’UPR contribue au repli nationaliste au même titre que des courants ouvertement racistes et fascisants, Asselineau est connu pour développer un conspirationnisme antiaméricain presque délirant. Selon lui, le complot américain est partout : derrière la construction européenne, derrière les attentats (fomentés par la CIA), derrière le nouveau découpage des régions en France, derrière l’ascension du FN… En remplaçant systématiquement la recherche de causes sociales et politiques par des complots, le conspirationnisme constitue un véritable poison idéologique qui finit toujours par livrer les naïfs aux mains de « ceux qui savent ». En ce sens, au-delà des dimensions fantaisistes ou pathologiques de ses promoteurs, il s’agit bien d’une idéologie rétrograde qui éloigne des voies de l’émancipation.
Cette ligne nationaliste et conspirationniste vaut à l’UPR de drainer toutes sortes de fachos, comme l’ancien bras droit d’Asselineau qui quittera le navire en 2013, « Erick Mary dit Bozz, qui passe son temps sur Facebook à faire de la propagande nationaliste : promotion de la Légion étrangère, des paras et des guerres coloniales françaises ; diffusion des chansons du chanteur d’extrême droite Jean Pax Méfret et de vidéos et textes de divers groupes ultranationalistes ; apologie de Serge Ayoub, le chef des skinheads néonazis parisiens et le leader du mouvement Troisième Voie ; propagande en faveur des dictatures syrienne ou iranienne, etc. » (Lu sur le site de La Horde.)
C’est aussi toute une partie de la fachosphère qui relaye avec gourmandise les délires complotistes d’Asselineau : AgoraVox, le Cercle des Volontaires, Les Moutons enragés… et bien entendu le site prorusse Russia today. Et c’est sans surprise qu’Étienne Chouard, un extrémiste de la confusion politique connu pour ses errements rouges-bruns, appelle à le soutenir, ce qui lui vaut d’être invité par Asselineau à la tribune des dix ans de l’UPR le 25 mars prochain. Si Asselineau n’exprime pas de positionnement raciste, son complotisme et son nationalisme font de l’UPR le point de ralliement de nombre de confus très, très à droite, y compris les racistes les plus crasseux.
Raph
Article paru dans RésisteR ! #48, le 18 mars 2017.
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