Nos vies valent plus que leurs profits !



Communiqué du 13 avril 2020 de l’AG interpro interluttes du 54.

Communiqué qui fait le constat que l’hôpital public est malmené depuis des décennies, que malgré la pandémie, la privatisation de la santé est toujours d’actualité et qui apporte le soutien au personnel des hôpitaux et des EHPAD !

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L’hôpital public malmené depuis des décennies

De gouvernement en gouvernement, les politiques mortifères d’inspiration libérale ont laminé l’hôpital public, à coup de suppressions massives de lits et de postes (100 000 lits supprimés en vingt ans selon Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) et délégué CGT de l’AP-HP). De la réforme honteusement nommée « Hôpital, patients, santé et territoire » de Roselyne Bachelot sous la politique de « Révision générale des politiques publiques » (RGPP) de Sarkozy, en passant par la politique dite du « Pacte de confiance avec les hospitaliers » de Marisol Touraine, la ministre de la santé d’Hollande, sous couvert de « Modernisation de l’action publique » (MAP), et actuellement avec l’activisme militant de Macron et de ses ministres successifs Agnès Buzyn suivie d’Olivier Véran.

La situation actuellement vécue par les usagers.ères et les personnels dans les hôpitaux publics en cette période de crise sanitaire de Covid-19 est une conséquence directe de l’effet destructeur des politiques menées. Manque d’investissements dans la recherche fondamentale, manque de lits et de matériel, manque d’équipements dans tous les services, manque de valorisation des personnels, développement concurrentiel du secteur privé. Tous ces faits ont une cause commune : la volonté constante des gouvernants de faire du secteur de la santé un domaine marchand et rentable, répondant ainsi aux doctrines libérales des dirigeants européens au profit des entreprises privées de santé. Mais nos vies valent plus que leurs profits ! Assurer le droit à la santé pour toutes et tous n’a pas à être rentable ! Vouloir aborder le droit à la santé avec une approche libérale comme celle de Macron, Hollande et consorts revient, en fait, à renoncer au droit à la santé, ni plus ni moins. Dans ces approches libérales, seules celles et ceux qui en ont les moyens sont en bonne santé.

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Malgré la pandémie, la privatisation de la santé est toujours d’actualité

Macron s’ingénie, en fin communicant, à faire bonne figure sur le plan médiatique en déclarant qu’il veillerait à défendre l’État-providence [1]. Pourtant, il a sollicité la Caisse des dépôts et consignations pour élaborer un plan pour l’hôpital public et, comme révélé dernièrement par Mediapart, la première ébauche de ce plan va totalement à rebours des déclarations présidentielles. Loin de remettre en cause les orientations délétères des réformes conduites depuis plus de vingt ans, ce plan accélère la casse et la privatisation de l’hôpital public : soutien aux Partenariats public-privé (PPP), développement de secteurs privés de la recherche, propositions d’investissements dans l’affrètement de navires-hôpitaux, etc. C’est une nouvelle fois les mêmes recettes qui nous sont proposées, de celles qui sacrifient la santé publique sur l’autel des profits privés. Par conséquent, contrairement au mot d’ordre de Macron, nous ne sommes pas « en guerre ». Nous sommes en lutte contre une pandémie mais aussi contre les politiques successives qui nous ont mené à l’état actuel de l’hôpital public.

Soutien au personnel des hôpitaux et des EHPAD !

L’urgence de la lutte contre la pandémie ne freine en rien la ligne politique de Macron, au contraire : depuis l’annonce du confinement, les ordonnances à l’encontre du droit du travail se multiplient, les mesures liberticides s’endurcissent, certains secteurs de production non essentiels continuent de faire travailler les salarié.es en dépit des dangers de contamination, et les personnel.les soignant.es dans les EHPAD et les hôpitaux sont en première ligne et contraint.es de faire avec les moyens du bord. Dans les EHPAD, les résident.es sont quasiment abandonné.es, et le personnel travaille sans matériel de protection.

L’AG interpro interluttes du 54 soutient la démarche qui avait été initiée par la section de Nancy du Syndicat des avocats de France (SAF), qui a récolté tout récit ou témoignage de terrain sur la situation actuelle dans les EHPAD. Des outils juridiques permettent de défendre les résident.es, leurs familles ou le personnel des EHPAD, et de demander que les pouvoirs publics prennent les mesures qui s’imposent. Il semblerait que ce type de démarche commence à porter ses fruits puisque des dépistages systématiques doivent être mis en place dans les EHPAD de Meurthe-et-Moselle.

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Concernant le CHRU de Nancy, une polémique nationale a enflé depuis le 4 avril, date à laquelle le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand-Est, Christophe Lannelongue, a déclaré qu’il n’était pas question de revenir sur les décisions du plan du COPERMO (Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins), qui prévoit pour le CHRU de Nancy une fermeture de 174 lits ainsi qu’une suppression de 598 postes dans les cinq ans à venir. Cette déclaration a provoqué une vague d’indignation syndicale, politique et populaire.

Alors, malgré les démentis successifs d’Olivier Véran et d’Édouard Philippe, qui ont affirmé que les plans de réorganisation des hôpitaux étaient suspendus à la grande consultation qui suivra, comment ne pas voir dans cette provocation une confirmation de la mise en œuvre rapide du plan commandé par Macron à la Caisse des dépôts et consignations ? Édouard Philippe lance ici une nouvelle « concertation » pour étouffer la colère. Pour autant, l’actualité ne permet pas à Macron d’en sortir gagnant rapidement : en témoigne le limogeage en conseil des ministres de Lannelongue, qui a certainement servi de fusible. Toujours est-il que la polémique locale permet à certains de retourner leur veste sans vergogne : le maire de Nancy, Laurent Hénart (également président du conseil de surveillance du CHRU de Nancy), Bernard Dupont, directeur général du CHRU de Nancy, et Christian Rabaud, président de la Commission médicale d’établissement, tous les trois soutiens indéfectibles du plan de réorganisation des sites hospitaliers proposé par le COPERMO, se retournent maintenant contre le président de l’ARS.

Quel bel opportunisme électoral pour le maire-candidat aux municipales, qui adopte le credo présidentiel : soutenir le plan COPERMO d’un côté et « en même temps » s’indigner de la polémique créée par Lannelongue. On notera que l’opposant Mathieu Klein, président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, a écrit à Emmanuel Macron « pour lui demander d’annuler la dette de l’hôpital public, notamment du CHRU de Nancy, et ne pas engager de suppressions de postes supplémentaires ». Serait-ce aussi par opportunisme électoraliste, ou s’agit-il d’un véritable éloignement des idéaux politiques qui ont inspiré, sous Hollande, la politique du premier ministre Manuel Valls, dont il a été soutien lors de la primaire de la gauche il y a trois ans ?

L’AG interpro interluttes du 54 soutient les salarié.es du CHRU de Nancy ainsi que les camarades de la CGT qui ont été insulté.es dans la presse par le président de l’ARS Grand-Est. Nous appelons dès maintenant à nous retrouver nombreux.ses pour soutenir l’ensemble des personnel.les des hôpitaux et des EHPAD avec slogans et banderoles à nos balcons, et à être à leurs côtés et en soutien des revendications des syndicats de lutte du secteur dès la sortie du confinement pour renverser ensemble ce système qui détruit l’hôpital public au mépris de la santé du plus grand nombre et au profit des capitalistes.

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Ne nous laissons pas endormir par la gravité de la situation actuelle, ne les laissons pas appliquer la « stratégie du choc ». Préparons-nous à contrer par notre mobilisation toutes les tentatives d’intégrer au droit du travail et à notre système politique toutes les mesures diligentées par les ordonnances qui tombent en masse grâce à l’état d’urgence sanitaire :

  • congés payés imposés,
  • augmentation du temps de travail hebdomadaire,
  • travail du dimanche, réduction du temps de repos obligatoire entre deux périodes travaillées,
  • contrôles policiers à tout va,
  • projet de surveillance numérique de la population.

Un exemple ? Extrait de l’éditorial de Serge Halimi dans Le Monde diplomatique d’avril 2020 : « En 2001, déjà, dans l’heure qui suivit l’attentat contre le World Trade Center, la conseillère d’un ministre britannique avait expédié ce message à des hauts fonctionnaires de son ministère : “C’est un très bon jour pour faire ressortir et passer en douce toutes les mesures que nous devons prendre.” »

Communiqué de l’AG interpro interluttes du 54 - 13 avril 2020


Documents joints

Notes

[1Déclaration de Macron le 12 mars à Mulhouse : « Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, [pour] notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe [...]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché.