Nos corps, ta gueule !

Strasbourg (67) |

En fait, un pays sans avortements, ça n’existe pas. Un pays anti-avortement, c’est un pays où les personnes qui avortent sont contraintes à des interventions médicales clandestines. C’est un pays qui interdit l’accès aux structures de soin et d’accompagnement nécessaires à la santé physique et mentale des personnes concernées. C’est un pays qui alimente les inégalités sociales, en séparant celleux qui ont les moyens d’aller à l’étranger et/ou de payer cher des interventions illégales, et celleux qui n’ont pas ces ressources matérielles et qui sont poussé.e.s vers des solutions beaucoup plus dangereuses, voire mortelles. Lutter contre l’avortement, c’est oeuvrer contre la santé et contre la liberté de ces personnes. C’est se rendre complice d’inégalités et de violences sexistes, classistes, racistes, validistes, putophobes etc…

Aussi, le droit à l’avortement ne concerne pas uniquement les femmes cisgenres et dyadiques : les personnes intersexes et les personnes transmasculines sont elles aussi concernées, et sont encore trop facilement invisibilisées ou silenciées. On rappelle également que les personnes concernées ne sont pas toutes blanches, bourgeoises et valides. La lutte pour le droit à l’avortement est une lutte intersectionnelle, au même titre que n’importe quelle autre lutte féministe.

La question de l’avortement touche toutes les personnes opprimées et exploitées par le patriarcat et par le capitalisme. S’attaquer au droit à l’avortement, c’est s’attaquer à toutes les personnes qui subissent le sexisme. C’est s’attaquer à notre droit à disposer de notre corps et de nos libertés. C’est faire de nous des objets, et non des sujets, de la société. 

Les pays qui reculent sur le droit à l’avortement reculent aussi sur les droits des personnes trans*, des personnes migrantes et des personnes précaires. Bien souvent, ces vagues liberticides vont de pair avec un accès de plus en plus réduit aux soins et à la médecine, tout particulièrement pour les classes populaires et marginalisées. Quand un pays s’attaque à un droit fondamental, c’est tous les autres droits acquis par les luttes qui sont mis en péril. Contre cela, nos ressources sont et ont toujours été communautaires et collectives : on ne peut pas lutter seul·e.

Mercredi 23 novembre (2022) de 18h à 19h se tient au parlement européen de strasbourg une réunion anti-avortement. Cette réunion s’intitule : « S’opposer à l’avortement aux états-unis et en europe : la voie à suivre ». Le ton est donné. Elle est organisée par l’european centre for law and justice (« centre européen pour le droit et la justice » en français), une ONG chrétienne conservatrice fondée à strasbourg, en lien avec de nombreux pays dont les états-unis, l’italie, la pologne et la russie. Elle s’inscrit dans la continuité des valeurs patriarcales racistes et liberticides portées par le centre américain pour la loi et la justice. 

Le 17 novembre 2022, le directeur de l’ECLJ Grégor Puppinck avait envoyé à la députée Pascale Martin une lettre anti-avortement sur laquelle était scotché un fœtus en plastique. Ce courrier visait clairement à déstabiliser cette députée avant qu’elle aille défendre l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution française. 

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Quelques jours plus tard, l’ECJL organise sa réunion anti-avortement au parlement européen de strasbourg. Prêter des locaux pour organiser une réunion, c’est soutenir les personnes qui se réunissent. C’est leur donner accès à des moyens matériels considérables (une salle, des équipements), à une visibilité et à une légitimité. On devrait être inquiet·es et révolté·es de savoir que le parlement européen soutient les actions anti-avortement de l’ECJL. Un parlement qui soutiendrait la défense du droit à l’avortement refuserait d’accueillir une telle organisation. En fait, la présidente actuelle du parlement européen, Roberta Metsola, élue en janvier 2022, est ouvertement anti-avortement. 

Un rassemblement est prévu mercredi 23 novembre à 18h devant le parlement européen. Venez avec rage et pancartes !

Pour information : En 2022 aux états-unis, une dizaine d’états ont interdit l’accès à l’avortement. La cour suprême a également annulé un arrêté datant de 1973 qui avait pour rôle de protéger le droit à l’avortement dans tout le pays. Prochainement, plus de 16 états pourraient suivre la même voie et interdire l’accès à l’avortement. Cette même année, environ 300 lois qui discriminent, marginalisent et oppriment les personnes trans* ont été voté aux états-unis. En Pologne, l’ECLJ a participé au recul de l’accès à l’avortement, qui est interdit depuis 2020. A Malte également (ou 91% de la population est catholique), l’avortement est illégal, passible de 18 mois à trois ans de prison.

Le droit à l’avortement est un droit fondamental qui ne devrait jamais être considéré comme acquis : nous devrons toujours lutter pour ce droit, comme pour tous les autres. Dans tous les pays où la droite et l’extrême droite arrivent au pouvoir, il est sûr que le droit à l’avortement est menacé et qu’il faut se battre pour le conserver !