Non à tout hommage aux bourreaux du colonialisme, non à la statue de Bigeard à Toul

Toul et Toulois (54) |

En complément de la mise à jour publiée sur la statue de Bigeard, informations sur le collectif en lutte contre ce projet indigne.

Le collectif "Histoire et mémoire dans le respect des droits humains" lutte contre ce projet indigne depuis plusieurs mois et appelle tous les personnes et organisations humanistes et préoccupées par le développement des idéologies d’extrême droite à nous rejoindre.

Pétition en ligne, par le collectif et la LDH Lorraine : https://chng.it/GX76hdCfBS

  • Vous y trouverez notre texte fondateur, un bilan de nos actions, de nombreuses références historiques, une conférence, une liste des personnalités et organisations qui nous soutiennent, ainsi que nos coordonnées.
  • En signant la pétition, si vous en faites le choix, vous serez informé.es des futures actions par le biais des mises à jour.
  • Il est important de diffuser largement, les fachos ont une pétition concurrente.

L’association "Histoire coloniale et décoloniale" nous apporte son soutien :
https://www.humanite.fr/en-debat/algerie/ils-ont-ose-plus-que-jamais-non-a-une-statue-de-bigeard-a-toul

Je recommande ces podcasts Spectre :

Visuels à télécharger :


Extrait du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire

« Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viêt-nam une tête coupée et un œil crevé – et qu’en France on accepte –, une fillette violée – et qu’en France on accepte –, un Malgache supplicié – et qu’en France on accepte –, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et “interrogés”, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. »

Source : https://www.larevuedesressources.org/IMG/pdf/CESAIRE.pdf


Prise de parole lors de la manifestation du 20 septembre 2024

Je viens vous parler de l’Algérie, de la colonisation, de la torture.
Je viens vous parler d’une face cachée que la France a du mal à regarder en face.
Je viens vous parler de la ville de Toul, sous-préfecture de la Meurthe-et-Moselle et de son maire, qui a décidé d’élever une statue à la mémoire du général Bigeard.

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Louisette Ighilahriz

Je viens vous parler de l’Algérie, de la torture, de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes, de ce peuple qui pendant 120 ans ont enduré la répression de l’empire colonial français. Je voudrais vous parler de l’histoire qui s’écrit avec un grand H.
Pas cette histoire que le maire de Toul veut inculquer en glorifiant Bigeard, symbole de la torture en Algérie.
Je voudrais vous parler de l’histoire sans faire fi de la réalité, sans évacuer les témoignages, les preuves.

Mais avec la décision d’ériger une statue de Bigeard à Toul, l’équipe municipale et le maire viennent d’asséner un coup de torchon à l’histoire, un coup de torchon à la face de tous ces jeunes qui habitent à Toul, qui sont issus du Maghreb. Glorifier Bigeard, c’est invisibiliser ces populations meurtries par l’impérialisme français, ces appelés du contingent qui ont pendant des années gardé intérieurement la blessure de cette guerre imposée par l’état colonial, « de cette sale guerre qui a volé ma jeunesse et une partie de ma vie » dira notre camarade Philippe, sous-lieutenant en Algérie.

Certains, avec déni, aveuglés par les médailles de l’enfant de Toul, nostalgiques des colonies, refusant la vérité de la guerre d’Algérie, veulent élever des statues à la gloire de leur héros, acteur criminel de la pacification de l’Algérie française. En mai 1945 Paris fête la fin de la barbarie nazie, alors qu’au même moment, de l’autre côté de la Méditerranée, l’armée française massacre plus de 10 000 personnes en Algérie en représailles au soulèvement nationaliste de Sétif. En 2024, l’histoire se répète. Le maire de Toul, une partie du conseil municipal ont déjà coulé la dalle sur laquelle un piédestal doit recevoir le général Bigeard, technicien de la torture. Et cela à côté même du monument de la résistance, à côté de ceux qui sont morts sous la torture de la barbarie nazie…..

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Monsieur le maire de Toul, je vous en conjure, retrouvez la raison et éloignez de vous cette vision négationniste de l’histoire coloniale.

Ceux qui nous traitent de fauteurs de troubles, ceux qui remettent en cause la légitimité de notre combat, l’existence de notre collectif contre la statue de Bigeard dans l’espace public, ceux-là sont les mêmes qui justifient l’invasion française en l’Algérie au nom de la civilisation chrétienne, les mêmes qui minimisent la répression coloniale française …. la torture, les tueries de masses, les crimes de guerre pendant la bataille d’Alger en 1957 !

Pendant cette période de l’histoire de libération du peuple Algérien, où Louisette Ighilahriz, une indépendantiste algérienne sera pendant 3 mois, torturée, violée par un certain capitaine Graziani sous les ordres du général Massu et du colonel Bigeard qui viennent régulièrement aux nouvelles.
Ce sont ces mêmes gens qui traitent Louisette de menteuse, Louisette qui sera sauvée par le commandant Richaud, médecin qui la fait évacuer à l’Hôpital Maillot.

Croyez-moi, non, la guerre d’Algérie n’a pas commencé en 1954.
Non, la guerre d’Algérie n’a pas commencé le jour de la manifestation pour l’indépendance à Sétif en mai 1945, … manifestation réprimée dans le sang qui laisse dans la société algérienne une cicatrice béante.
En réalité, toute cette barbarie, ces crimes, ces exactions de l’armée française, ces viols, ces vols de terres riches cultivables, ces camps de regroupements et la torture ont commencé dès le début de la colonisation française, en 1830, et depuis la France n’a cessé d’imposer sa loi du talion sur cette terre volée à un peuple qui n’avait rien demandé...
En novembre 1954 la guerre d’indépendance en Algérie s’organise et la victoire vietnamienne de Dien Ben Phu en mai 1954 suscite d’immenses espoirs chez tous les colonisés.
« L’Algérie c’est la France. Des Flandres au Congo, une seule nation, un Parlement, pas de négociations » martèle François Mitterrand, ministre de l’Intérieur ; niant aux peuples le droit à disposer d’eux-mêmes, le droit à l’autodétermination dans le cadre du processus de décolonisation.
Les choses ont-elles changé depuis : en Kanaky, Nouvelle Calédonie pour les européens voilà comment on traite le problème de la colonisation sur le caillou : Jour férié sur l’île, le 24 septembre, qui marque la prise de possession de l’archipel par la France en 1853, reste une date sensible en Nouvelle-Calédonie, même si elle a été rebaptisée, depuis 2004, Fête de la citoyenneté. De quelle citoyenneté parle le gouvernement quand il embastille l’indépendantiste Kanak Christian Tein dans le quartier d’isolement du centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach.

Depuis 1830 que le peuple algérien subit la dictature coloniale, la France, elle, ne parlera jamais de guerre pendant les événements de 1954 à 1962. Pourtant c’est bien une guerre coloniale et ce n’est qu’en novembre 1999 que l’Assemblée Nationale officialise le mot guerre pour parler de ce conflit.
Alors comment peut-on encore aujourd’hui remettre en cause les pratiques de l’époque, qui consistaient à terroriser non seulement les combattants, mais toute la population considérée comme complice, donc coupable :
Comment peut-on évacuer de sa mémoire les ratissages, les arrestations, l’usage de la torture, l’évacuation de villages entiers, le regroupements par la force des populations civiles, les bombardements au moyens du sinistre napalm et les ratonnades en Algérie et en métropole nationale.

Aujourd’hui nous sommes présents pour dénoncer le fait colonial, dénoncer la politique impérialiste de la France, dénoncer ce gouvernement de l’époque qui a couvert les exactions de la féroce chasse à l’homme pudiquement appelé bataille d’Alger au début 1957.

Nous somme là pour dénoncer l’amnistie qui a permis aux criminels de guerres, aux tortionnaires, au Le Pen, Bigeard et à leurs complices de ne pas avoir été déférés devant la justice des hommes.
Mais dénoncer ne nous suffit pas, nous nous battons pour que la mémoire et la justice fassent jour et si nous sommes présents ici de manière symbolique c’est pour construire un avenir de paix et de fraternité.

C’est pour dire haut et fort aux édiles de Toul, aux nostalgique des colonies, aux idéologues de l’OAS :
Pas statue de Bigeard dans l’espace public

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Marcel Bigeard : https://www.4acg.org/Honorer-le-colonel-Bigeard-c-est-honorer-la-torture-coloniale
Louisette Ighilahriz : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louisette_Ighilahriz


Conclusion du 25 mai

Le projet d’érection d’une statue pour honorer Bigeard, est une violence symbolique, contraire au respect des droits humains, comme déjà exprimé par les précédents militants.

Nous nous y opposons parce que nous avons conscience que la République n’est pas toujours exemplaire, elle a trahi ses valeurs dans sa politique coloniale et par les méthodes abjectes qu’elle a tolérées de son armée et de sa police.

Nous subissons aujourd’hui encore les séquelles de ce passé colonial, de conquête et de domination.

Les lois d’amnistie de 1962 ont exonéré les gradés militaires et, donc aussi les dirigeants politiques qui leur avaient donné les pleins pouvoirs, de leur responsabilité pendant cette sale guerre. Elles ont provoqué une amnésie collective toxique et ont laissé persister les mentalités et représentations forgées à l’époque des colonies. Il nous faut sortir de cet impensé colonial pour comprendre ce que les émeutes urbaines, tout comme les émeutes d’outremer, expriment : il s’agit d’assumer enfin les nouvelles réalités sociales de notre pays, de construire un avenir post colonial commun, avec toutes nos diversités et nos origines.

Le but du collectif, c’est aussi de mettre des mots sur ce passé, c’est une pédagogie citoyenne nécessaire, c’est lire la page de cette sombre époque, avant de la tourner dans le respect de toutes les mémoires.

Les discours racistes sur « l’immigration » et les « immigrés », la diabolisation des migrants exilés, celle de l’islam et des musulmans, la théorie complotiste et raciste du « grand remplacement », tous ces poisons des esprits, sont l’héritage direct de la colonisation.

Ils sont dus en partie au silence politique sur le passé colonial. Le silence enferme dans la culpabilité, à la manière des secrets de famille qui génèrent de la honte et trop de souffrances, alors que la parole et la responsabilité humanise l’Histoire, quand bien même elle fut sanguinaire et cruelle.

En rester à la légende auto construite d’un Bigeard glorieux, c’est instiller dans les imaginaires un idéal guerrier, nationaliste, dominateur et viriliste qui est le fondement des idéologies haineuses et racistes actuelles. Nous refusons un tel exemple pour les générations futures.

Nous espérons la participation des organisations amies, pour sortir de l’entre soi toulois dans lequel on souhaiterait nous enfermer, alors que cette lutte a une large portée humaniste.

Ainsi que le disait Jean-Marie Tjibaou, militant kanak non violent et un des artisans de la paix calédonienne, assassiné en 1989 :

« Nous voulons que soit brûlée la haine, et que soit clair le chemin de notre avenir, et fraternel, le cercle que nous ouvrons à tous les autres peuples. Tel est le cri que je lance »


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