Nazis dans le rétro #2 : attentats anti-immigrés en Moselle



Fin 1977, une vague d’attentats visant des travailleurs maghrébins a eu lieu à différents endroits en France, revendiquée par un groupuscule d’extrême droite, les "Commandos Delta". La Lorraine n’a pas été épargnée.

C’est toujours le mystère. On ne veut pas complètement vous spoiler la fin du papier, mais quarante-cinq ans après, ces attentats gardent toujours une part d’ombre.

Durant l’hiver 1977-1978, les "Commandos Delta" revendiquent en France plusieurs attentats contre des foyers de travailleurs immigrés et des cibles politiques, principalement communistes (dont l’assassinat à Paris du militant anticolonialiste Henri Curiel [1], début mai 1978). Durant la guerre d’Algérie, les "Commandos Delta" étaient le bras violent et armé de l’OAS (Organisation de l’armée secrète), organisation d’extrême droite luttant pour la défense de l’Algérie française. Il semble impossible de déterminer si ceux qui ont commis ces attentats à la fin des années 70 sont les mêmes que ceux durant la guerre d’Algérie, quinze ans plus tôt. Mais en 1977-1978, la référence à l’extrême droite violente et raciste est en tout cas la même.

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La Une du Républicain lorrain du 6 décembre 1977

"Réactions racistes après l’affaire du Polisario. Un groupe extrémiste menace d’exécuter des Algériens en Lorraine", avait titré la presse messine, début décembre 77. L’affaire nommée ici est l’enlèvement par le "Front Polisario" (groupe opposé à l’occupation par l’Espagne puis par le Maroc du Sahara occidental, au sud du royaume marocain) de six salariés français, lors d’une puissante attaque militaire, en mai 77, puis de deux autres civils français en octobre suivant, travaillant tous dans une mine en Mauritanie et ensuite détenus sur le territoire algérien. Le gouvernement français reprochait alors au gouvernement algérien de jouer un jeu trouble dans cette histoire. Quinze ans après la fin de la guerre d’Algérie, la France faisait alors toujours la leçon à son ancienne colonie.

Plus localement, dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 décembre 1977, une forte explosion a endommagé le foyer pour travailleurs immigrés de Marange-Silvange, en Moselle (57). Environ 400 hommes seuls hébergés, pour beaucoup ouvriers maghrébins embauchés dans les usines sidérurgiques Sacilor de la vallée de la Fensch. Mais heureusement aucune victime, la charge ayant été posée du côté de la salle de restauration, vide à cette heure-là de la nuit.

Une bombe contre les Maghrébins de Forbach !

L’attentat a été revendiqué par un homme des "Commandos Delta", auprès d’une agence du quotidien Le Républicain Lorrain : "Nous détenons un Algérien dans la région Metz-Longwy. Il a été jugé. Il sera abattu ce soir, à partir de minuit, si les otages du Polisario ne sont pas libérés. Un Arabe par jour sera tué dans la région. Je suis un ancien OAS. J’ai été détenu à la Santé, à l’Ile de Ré et j’ai été jugé par la Cour de sûreté de l’État. Vous trouverez le corps de l’Algérien dans les environs de Metz. (...)" [2]. Des menaces heureusement non suivies des faits.

De plus, le jeudi 10 novembre 1977, toujours en Moselle, les deux responsables des foyers de travailleurs immigrés de Forbach et de Freyming-Merlebach (les deux structures sont situées à 10km de la frontière allemande) avaient été anonymement menacés : "Hébergez-vous des Nord-Africains ? Si oui, nous vous poserons une bombe." [3]. Après évacuation des résidents et vérification des lieux, aucune trace d’engin explosif n’a été trouvée.

Chez nos voisin.es alsacien.nes, toujours le 10 novembre, une attaque a également visé le Consulat général d’Algérie à Strasbourg. Peu de dégâts et pas de victime. Cet attentat a été revendiqué par l’"Organisation nationaliste pour la libération des otages du Sahara" [3]. Un mois plus tard, le 11 décembre, des cocktails Molotov ont aussi été lancés en pleine nuit, par deux individus masqués, contre un foyer de travailleurs immigrés de Strasbourg (67). Il n’y a pas eu de victime : deux des trois cocktails n’ont pas fonctionné. Et l’attentat a également été revendiqué, auprès de la gendarmerie, par les "Commandos Delta". De plus, à Mulhouse (68), un homme a également menacé anonymement par téléphone de "faire sauter le siège de l’amicale [des Algériens en Alsace, NDLR]. Et nous abattrons des Algériens dans les cafés".

Un nouvel attentat à Marseille en septembre 1983

Enfin, autre exemple, en septembre 1983, ces mêmes mystérieux "Commandos Delta" [4] ont aussi revendiqué l’attentat lors de la Foire internationale de Marseille, contre le stand de l’Algérie, qui a fait un mort et 26 blessé.es [5].

Durant toute cette même décennie 70, un autre groupuscule terroriste d’extrême droite, le "Groupe Charles Martel", a attaqué et tué des ressortissants algériens sur le territoire français. Mais quarante-cinq ans après, les responsables de ces "Commandos Delta" n’ont toujours pas été formellement identifiés...

Signature :
BAF-Nancy (Bloc antifasciste)


Notes

[2Le Républicain lorrain, 6 décembre 1977

[3Le Républicain lorrain, 12 décembre 1977

[4Cet attentat a également été revendiqué par le groupe d’extrême droite "Charles Martel" et par le groupe d’activistes arméniens "Orly" (revendications opportunistes, selon la presse de l’époque)