Alors ? Ça va mieux au CHRU de Nancy ?

Nancy (54) |

En plein confinement Manif-est publiait une compilation d’articles nommée "Compilation d’articles sur un désastre annoncé au CHRU de Nancy" revenant sur les problèmes que rencontrait, avant le covid, le Centre Hospitalier Régional Universitaire de Nancy et expliquant le désastre qu’a été la gestion de la crise liée au virus.

Mais maintenant qu’on nous annonce une seconde vague venant avec l’automne on peut espérer que tout va mieux et que l’hôpital est prêt ?

Inquiétez-vous, il n’en est rien.

Depuis le 1er janvier 2020 les services fonctionnant en 12h, dont les services de réanimation, ainsi que le personnel fixe de nuit en 10h, ont vu leurs roulements chamboulés par la mise en place de nouveaux cycles. Cette application de la règle des 48h maximum de travail par période de 7 jours glissants ne prend pas en compte les postes non pourvus et l’absentéisme. Les résultats sont nombreux, nous n’avons plus de régularité dans les roulements, les jours de repos ne sont pas respectés, les bascules poste jour/nuit très fréquentes, il est même demandé à certain-e-s de faire du 60h sur 7 jours "par nécessité de service". Tout ceci entraîne fatalement un suivi dégradé des patients pouvant conduire à une démotivation de ces derniers, une incompréhension des familles sur la continuité des prises en charge.
Tout ceci entraîne fatalement une détérioration du climat des équipes, des difficultés d’organisation dans nos vies personnelles et une fatigue tant physique que psychologique.
Et la crise du COVID n’a pas permis de changer cette façon de faire.

A la fin du confinement, le gouvernement, au lieu de répondre favorablement aux demandes de hausse de salaire demandées depuis des années par les hospitaliers, a préféré leur octroyer une prime de 1500€. Faible consolation.

Un peu plus tard, suite au Segur et à la grogne montante, il a cédé 180 euros c’est loin d’être à la hauteur des besoins. A noter que les deux premières revendications sont d’avoir des ouvertures de nouveaux lits et l’embauche de personnel. Rien ne viendra de ce côté.

Mais pire encore, beaucoup de tâches essentielles aux bon fonctionnement du CHRU sont maintenant sous-traitées par des boites extérieures et leurs salariés, pourtant eux aussi en première ligne, n’ont pas bénéficié de cette prime. À Nancy on peut citer la société de nettoyage ISS qui n’a pas donné suite à la demande d’une prime COVID à ses salariés pourtant en charge du nettoyage des parties communes du CHRU.

Partons pour l’Institut de Cancérologie de Lorraine se trouvant sur le site de Brabois. Appartenant au groupe privé Unicancer, l’ICL refuse à ses manipulateurs en électroradiologie médicale que leur soit appliqué le même régime qu’au CHRU qui eux ont depuis longtemps acquis la reconnaissance de leur niveau BAC+3 (120€ en plus sur la paie). Le 17 septembre une vingtaine d’entre eulles se sont mis-es en grève.

On ne vas pas quitter Brabois sans parler du bâtiment Philippe Canton. Construit entre 2008 et 2011, le bâtiment repose sur un unique plateau ambulatoire, une hospitalisation de jour commune et une hospitalisation de semaine mutualisée (dermatologie, maladies infectieuses et tropicales...). C’est aussi le bâtiment dédié aux hospit COVID. Le problème c’est que ce bâtiment se fissure un peu partout. Les premières sont apparues dès août 2017, on ferme alors 4 bureaux. Fin 2018, les successions d’expert-e-s amènent à la fermeture de 12 bureaux supplémentaires. Le 26 mai 2020 les expert-e-s judiciaires rendent leur rapport provisoire, iels y font mention de malfaçons et de dégradations de la structure. En effet les murs se déforment dans des bureaux et des couloirs, des faux plafonds sont tombés, on parle également de l’affaissement de certaines dalles et poutres porteuses.
Il faut savoir que le bâtiment n’appartient pas au CHRU, en effet c’est la société Icade qui à mené la construction de Philippe Canton pour un coût de 82 millions d’euros, le CHRU lui récupérera le bâtiment (si il est toujours debout) après avoir payé un loyer annuel de 7,3 millions durant 32 ans (coût pour l’Hôpital : 230,4 millions). Vous ne trouvez pas ça juste ? C’est ce qu’on appelle un Partenariat Public/Privé. Et ce sont ces mêmes partenariats que le gouvernement veut utiliser pour son "investissement massif dans la santé"...

Pour ce qui est des sur-blouses ? Eh bien il n’y en à toujours pas, les patients COVID sont toujours pris en charge par des soignants vêtus de sacs-poubelles. La pénurie serait mondiale... C’est beau le capitalisme.

Il faut bien avoir en tête que tous ces problèmes viennent de décisions qui sont d’ordre politique. Ils sont le fruit d’années de reformes voulues par les différents gouvernements. Et ils continuent à se foutre de nos têtes.

Le 21 juillet, le ministre de la santé a annoncé la fin du COPERMO (énième plan pour l’hôpital qui prévoyait la suppression de 598 lits et 174 emplois) mais celui-ci est remplacé par un Conseil National d’Investissement. On change le nom mais changeons-nous vraiment les objectifs ? Rien est moins sûr.

Nouvellement élu président du conseil de surveillance du CHRU de Nancy Mathieu Klein aimerait débloquer le projet de reconstruction du CHRU et entreprendre l’édification d’un CHRU de dimension régionale capable de se hisser dans le top 3 des CHU. Les politiques sont donc incapables de sortir de la logique compétitive même quand il s’agit de la santé des gens. Si l’on traduit, cela veut dire reprendre le travail de faire monter l’ensemble des activités du CHRU sur le plateau de Brabois, à 8km du centre-ville, et créer un Centre Hospitalier Lorrain absorbant sans doute Metz et Épinal dans une logique de réduction des coûts déjà défendue par ses prédécesseurs.

Pour cela le chèque demandé à l’Etat sera de 675 millions d’euros. On attend de voir les contre-parties demandées par l’Etat en termes de suppressions de lits et de postes. Mathieu avait promis de s’y opposer lors de sa campagne mais on sait ce que valent les promesses de candidats une fois ceux-ci au pouvoir.

Enfin on pourrait espérer, comme pour les aides aux entreprises qui abondent de plus belle suite à la crise COVID, avoir de l’argent pour les hôpitaux afin de les sauver. Mais non ce n’est pas la priorité. On ne fera rien pour faire en sorte qu’une telle crise ne se reproduise pas.

Il faut faire en sorte que le CHRU garde sa mission principale de service public, assurer à la population des soins sécuritaires. Le profit recherché par les secteurs privés n’est pas compatible avec les missions de l’hôpital public.


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