350 personnes contre les Deux Cités

Nancy (54) |

Samedi 17 octobre avait lieu une manifestation unitaire pour la fermeture des "Deux cités", une librairie et lieu de convergence des extrêmes droites qui a ouvert le 3 octobre au coeur de la ville de Nancy.

Si cette manifestation n’a pas réussi à atteindre l’objectif d’une démonstration large et populaire qu’avaient fixé ses organisateurs et organisatrices, elle a tout de même rencontré un certain succès. En témoigne la diversité des organisations qui ont appelé et se sont affichées ensemble pour dénoncer la constitution d’un bastion fascisant à deux pas de la place Stanislas.

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On a ainsi vu des drapeaux ou chasubles de la CGT, Solidaires, FSE, la CNT, l’UCL, la FSU, le NPA ou le Mouvement de la Paix, des militant·es féministes internationalistes, FSE, des antifas, des LGBTQI+... même des socialistes... et des tas de personnes sans affichage particulier, toutes bien conscientes de la nécessité d’affirmer qu’une librairie fascisante n’est pas une librairie comme une autre, et surtout qu’elle n’est pas bienvenue dans la ville ! Avec la présence notable de quelques personnes venues de Metz, Strasbourg ou Lyon.

Après un rassemblement place Dombasle, le cortège, tonique, a alterné slogans et chants, et le parcours déclaré habituel a été suivi sans débordement. La tête de cortège portait des banderoles : « Non à l’extrême droite : fermeture des deux-cités » ; « NANCY ANTIFA » et « Féministes Internationalistes ». Parmi les slogans entendus, on se souvient de : « Le fascisme c’est la gangrène, on l’élimine ou on en crève ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans les quartiers ! », « A bas l’État, les flics et les fachos ! », « Derrière le fascisme se cache le capital, la lutte antifasciste est internationale ! », « Féministes internationalistes ! », « Aaaaaanti Anti Patriarcat ! », « Y en a assez, assez de cette société qui ne respecte pas les trans, les gouines et les PD ! ».

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Le cortège s’est rendu place Charles III où ont eu lieu plusieurs prises de parole par des personnes syndiquées, encartées politiques, et autres représentantEs, une personne trans (qui exprimait que la transphobie, portée par les mouvances fascistes & le système capitaliste plus généralement, tue à la fois par les agressions et par suicides), une personne venue témoigner de l’augmentation des violences racistes organisées dans les quartiers lyonnais depuis l’ouverture de plusieurs locaux nationalistes, identitaires, fafs...

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Comme annoncé au début par les organisateurs et organisatrices, la manifestation s’est terminée place Maginot pour rejoindre le lieu de rassemblement appelé par plusieurs syndicats en hommage à Samuel Paty, assassiné la veille par un intégriste. Car comme l’ont rappelé plusieurs interventions, notre solidarité doit être affirmée face à tous les fascismes, qu’ils soient politiques ou religieux.

Pendant la manifestation, la librairie accueillait un obscur écrivain originaire de la ville, nostalgique de la rhétorique vichyste des "patriotes" contre "l’Anti-France", sous la protection d’une création tout aussi vichyste, la police nationale.

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Particularité nancéienne qu’on ne retrouve pas souvent dans les autres villes : la proximité des Renseignements Généraux, et flics en civils qui sont présents au sein de la manifestation, font des checks à qui veut bien, et discutent avec énormément de personnes qui les informent librement sous prétexte « d’échanger des informations » (non les flics ne font pas du donnant-donnant !) ou d’avoir un privilège qui protégerait de la répression. Il est à rappeler que la présence de ces flics ne sert qu’à amplifier la répression et détruire dans l’œuf toute lutte. Combien de poursuites judiciaires, de convocation au tribunal ont eu lieu grâce à ces flics qui connaissent très bien l’implication des militant·es au sein des luttes ? Combien de personnes n’osent plus venir en manif de par l’insécurité provoquée par leur présence ?

Leur parler c’est à la fois les informer, détruire toute confiance possible au sein d’une lutte et leur donner une place importante. Ils ne pourraient pas se balader tranquillement si toute personne refusait de leur adresser la moindre complicité / parole. On remercie les quelques personnes qui ont poussé un RG à coup de slogan à sortir du cortège pendant la manif et on regrette que ça ne soit pas organisé plus régulièrement et collectivement de les mettre dehors.

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Sur le parcours, il y a aussi eu des discussions avec des commerçantEs et des passantEs pour leur expliquer la raison de la manifestation, dont certainEs n’étaient pas au courant de l’ouverture des Deux cités (peut-être que ça a manqué de tracts, d’ailleurs ?). Ces courts échanges ont permis l’ouverture de débats sur les processus démocratiques (la liberté d’expression a-t-elle des limites ?) et sur les moyens d’actions possibles face à un local déjà ouvert. En bref, des échanges et discussions pourraient être intéressantes à poursuivre et à creuser avec les gentes au-delà d’une manif éclair, sur l’implantation des Deux cités, sur comment agir face à un local déjà ouvert (au-delà des pouvoirs publics dont il est vain d’attendre quelque chose...) et plus globalement sur comment s’organiser collectivement contre les idées que véhicule cette nouvelle structure.

Loin de leur faire de la publicité, des autocollants contre les Deux cités recouvrent un peu partout la ville « Derrière la librairie, un local fasciste / allez hop ça dégage ! ». Les Deux cités essayent d’insister sur la liberté et la diversité d’expression, mais il faut qu’on insiste sur le fait que c’est un lieu d’organisation fasciste ! Afin de démonter cette belle vitrine conservatrice et enracinée, il serait pertinent d’apporter des archives et témoignages sur les conséquences des ouvertures de locaux fafs à Strasbourg, Angers, Lyon, Lille, Paris... et sur les mobilisations et moyens d’actions possibles pour leur fermeture au plus vite [1].

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Regarder ce qui se passe ailleurs est la meilleure façon de pouvoir répondre aux argumentaires disant que lutter contre un local fasciste c’est le visibiliser. Ainsi les locaux fascistes se sont développés à Lyon au fur et à mesure, au point où certaines personnes (racisées, trans, queer, militantes...) n’osent pas circuler dans les quartiers où ils ont établi leur bastion. Des locaux bien implantés, c’est une invitation aux fascistes de toute la france de venir s’installer, c’est leur laisser une vitrine au sein de la ville, c’est voir un défilé des pires crevures, et diverses tendances d’extrême droite au sein de Nancy, c’est voir ce local évoluer en fonction des besoins fascistes (transformation en local d’entraînement physique, en salle de réunion, etc), c’est avoir des points de départ pour des manifs ou des milices, c’est les laisser s’organiser pour intégrer nos manifs. Lyon a subi la totalité des exemples ci-dessus : milices qui se baladent avec des barres de fer dans les rues pour chasser des Algérien·nes, les Le Pen, les Dieudonné, les néo-nazis qui défilent dans divers locaux, extrême droite présente dans certaines manifs gilets jaunes, rassemblements multiples, travail main dans la main avec la police, une dizaine de locaux syndicaux et militants attaquée par l’extrême droite, etc. Ne pas hésiter à parcourir la bonne centaine d’articles sur l’extrême droite à Lyon sur le site rebellyon.info pour plus d’infos [2].

Ils n’ont pas besoin de l’extrême-gauche, des milieux anti-autoritaires et antifascistes pour se faire de la pub, ils y arriveront bien assez en invitant des personnalités controversées à plusieurs centaines de milliers de vues ou par divers défilés. Pour revenir aux Deux cité, les libraires annoncent d’autres rendez-vous et semblent vouloir développer une activité soutenue de réunions et conférences. À nous en face de ne pas laisser s’installer et se normaliser ce lieu de haine.


Notes

[1À noter que déjà, la vitrine des Deux cités a été taguée et recouverte d’affiches, le lundi suivant son ouverture : voir ici et .