Pesticides et glyphosate



Comment l’agriculture industrielle nous empoisonne tous.

Les pesticides sont l’ensemble des substances chimiques utilisées en agriculture conventionnelle pour éliminer les insectes (insecticides), les champignons (fongicides) et les « mauvaises herbes » (herbicides).

Nous sommes tous intoxiqués par les pesticides, manger biologique ne suffit pas, les pesticides sont partout, dans l’air, les sols et l’eau, dans nos cheveux, dans notre alimentation, dans les couches pour bébés et jusque dans les graisses des manchots empereurs en Antarctique.

L’agriculture industrielle s’est développée à partir des années 1950, sous prétexte d’améliorer les rendements et la productivité. Les rendements ont augmenté un peu, mais l’empoisonnement généralisé des écosystèmes, la pollution des sols et des nappes phréatiques par ruissellement ont entraîné des dommages collatéraux très importants. Ce développement a été largement subventionné par les États (en Europe, au travers de la politique agricole commune) et a permis à un certain nombre de firmes agrochimiques de prodigieusement s’enrichir en quelques décennies, au détriment de la santé des populations.

La France est le pays d’Europe qui consomme le plus de pesticides et le troisième consommateur au monde de ces poisons. Or, si les maladies environnementales n’existent peu ou pas en France (pour faire des analyses de la teneur des cheveux ou des urines en pesticides et métaux lourds, il faut envoyer les échantillons en Allemagne), les laboratoires français ne font pas ce genre d’analyses.
Les pesticides sont-ils inoffensifs ?

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Alors pourquoi le DDT, qui a failli faire disparaître les populations de faucons pèlerins en France, a-t-il été interdit ? Les superprédateurs (les faucons pèlerins se nourrissent d’oiseaux), tout en haut de la chaîne alimentaire, concentrent les pesticides, métaux lourds et autre produits chimiques toxiques.

Pourquoi les néonicotinoïdes qui ont exterminé les abeilles et d’autres insectes pollinisateurs ont-ils été interdits ? Cette interdiction est malheureusement arrivée bien trop tard, les néonicotinoïdes agissent à dose infinitésimale et ont entraîné un tel effondrement des populations d’insectes, qu’ils ont entraîné un effondrement concomitant des populations d’oiseaux, car les oisillons de la plupart des espèces de passereaux sont nourris de petits insectes. Les résultats sont sans appel et les insectes étant bien souvent à la base de la chaîne alimentaire, c’est toute la biodiversité qui s’effondre…

Pourquoi l’agent orange, utilisé comme défoliant pendant la guerre du Viêtnam par les USA est-il interdit ? Parce qu’il est tératogène et provoque de terribles malformations fœtales.

Mais dès qu’une molécule dangereuse est interdite ou menacée d’interdiction, les agriculteurs pollueurs de la FNSEA (principal syndicat de cette corporation) et le lobby des pesticides poussent de hauts cris et demandent un équivalent, qui sera vite produit par les firmes agrotoxiques. Une molécule interdite, dix nouvelles tout aussi toxiques produites…

Derrière les pesticides, se cachent d’énormes intérêts politiques et financiers. Ils provoquent des maladies diverses et variées. Les perturbateurs endocriniens, provoquent, par exemple, des pubertés de plus en plus précoces chez les filles (parfois même avant l’âge de 10 ans). Ils sont également soupçonnés d’augmenter les cancers hormonodépendants, tels une bonne partie des cancers du sein et les cancers de la prostate (le cancer du sein touche une femme sur 8, le cancer de la prostate un homme sur 7, statistiquement). Les pesticides peuvent aussi être tératogènes ou entraîner de graves problèmes neurologiques. Ils entraînent probablement des troubles de la fertilité. En effet, la stérilité touche beaucoup plus les couples d’agriculteurs exploitants que d’autres catégories socioprofessionnelles. Il en est de même pour des maladies neurodégénératives, telle la maladie de Parkinson.

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L’exemple de Paul François [1], intoxiqué accidentellement au Lasso (herbicide commercialisé par Monsanto avant 2010), en avril 2004, et ayant eu d’énormes problèmes de santé depuis, dont plusieurs comas prolongés, est particulièrement édifiant. Il a dû mener une bataille juridique pendant des années pour ses gros problèmes de santé et pour que son invalidité soit reconnue en maladie professionnelle. Après avoir inhalé du Lasso, « j’ai été saisi de violentes nausées et de bouffées de chaleur. J’ai aussitôt prévenu ma femme, infirmière, qui m’a conduit aux urgences de Ruffec, en prenant soin d’emporter l’étiquette du Lasso. J’ai perdu connaissance en arrivant à l’hôpital, où je suis resté quatre jours en crachant du sang, avec de terribles maux de tête, des troubles de la mémoire, de la parole et de l’équilibre. » « Après son hospitalisation, Paul François est en arrêt de travail pendant cinq semaines, pendant lesquelles il souffre de bégaiements et de périodes d’amnésie plus ou moins longues. » « Pour Paul François, l’accident du travail tourne au cauchemar. Le 29 novembre 2004, il tombe brutalement dans le coma à son domicile et ce sont ses deux filles, alors âgées de neuf et treize ans, qui donnent l’alerte. Il est hospitalisé au CHU de Poitiers pendant plusieurs semaines. Dans un bilan de santé, établi le 25 janvier 2005, le médecin du service des urgences décrit un “état de conscience extrêmement altéré”, le patient “ne répond pas aux ordres simples”, “l’électroencéphalogramme […] montre une activité aiguë, lente, subintrante pouvant faire penser à un état de mal épileptique”. Le même jour, un neurologue note : “Il persiste des troubles d’élocution (dysarthrie) et amnésie.” S’ensuivent sept mois rythmés par les hospitalisations, dont soixante-trois jours à l’hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière, les transferts de service en service et les comas à répétition. »

En France, à Blaye, en Gironde, dans le vignoble bordelais (les vignes sont les cultures les plus traitées ou les plus maltraitées en France), les enfants d’une école maternelle ont été intoxiqués par un agriculteur qui traitait en toute illégalité trop près de l’école et avec un vent important. En effet, d’après l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à l’épandage des pesticides : « Quelle que soit l’évolution des conditions météorologiques durant l’utilisation des produits, des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. En particulier, les produits ne peuvent être utilisés en pulvérisation ou poudrage que si le vent a un degré d’intensité inférieur ou égal à 3 sur l’échelle de Beaufort. » Le seuil de 3 est dépassé quand l’on voit les feuillages bouger à l’œil nu. Les agriculteurs ne respectent que rarement cet arrêté. Notre Micron préféré a annulé récemment l’arrêté municipal d’un maire breton interdisant la pulvérisation de pesticides à moins de 150 m des habitations et propose à présent une législation ridicule interdisant de pulvériser les pesticides à moins de 5 ou 10 m des habitations.

Le pesticide le plus pulvérisé au monde est cette saloperie de glyphosate, l’agent actif du Roundup commercialisé par la firme Monsanto, puis par Bayer (Monsanto ayant été racheté par Bayer à la suite de divers déboires commerciaux). Pour les personnes qui n’auraient pas vu le documentaire ou lu le livre de Marie-Monique Robin, Le monde selon Monsanto (voir son blog)), Monsanto détient la moitié du marché mondial des pesticides et le glyphosate est le pesticide le plus répandu dans tous les pays du monde. 800 000 tonnes de Roundup sont répandues tous les ans sur terre. La France en répand 10 000 tonnes par an, l’Argentine dont les 2/3 de la surface agricole sont occupés par du soja et du maïs transgénique Roundup Ready en répand 240 000 tonnes par an.

Que sont ces cochonneries, les semences Roundup Ready ? Ce sont des semences génétiquement modifiées qui ont un gène résistant au glyphosate. Les plantes des variétés Roundup Ready ne sont pas affectées par l’herbicide, aussi des doses massives de Roundup sont-elles pulvérisées dans les champs où sont cultivés ces OGM (organismes génétiquement modifiés) et toutes les « mauvaises herbes » sont-elles miraculeusement éliminées, ce qui est censé augmenter les rendements. Les OGM sont interdits en France mais massivement cultivés en Amérique du Nord et du Sud. Les problèmes de santé sont énormes : respiratoires, dermatologiques, neurologiques, cancéreux (en mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer a déclaré le glyphosate très probablement cancérogène). Chez des souris nourries au soja ou au maïs OGM, certains cancers et tumeurs se développent, alors pourquoi pas chez l’être humain ?

La firme Monsanto a construit sa fortune sur le Roundup et les OGM « Roundup Ready ». Dès 1983, des documents internes à l’entreprise montrent que les dirigeants étaient au courant de la toxicité possible du glyphosate, mais ont continué à le commercialiser et osent encore prétendre que leur saloperie est inoffensive.
Demandez donc l’opinion de Théo Grataloup et de sa mère Sabine (voir ici), exposée au glyphosate en cours de grossesse. Son fils est né en 2007 avec un système digestif et respiratoire communicant : il a subi 53 opérations au cours des 11 premières années de sa vie à cause de cette molécule de cauchemar. Les enfants sont plus vulnérables que les adultes face au glyphosate, l’exposition à cette saleté multiplie par 5 les cancers infantiles et par 4 les malformations fœtales.

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Mais les intérêts financiers liés au glyphosate sont énormes : le soja et le maïs Roundup Ready sont la nourriture de base pour l’élevage intensif (bovins, volaille, etc.). La fin de ces OGM et du glyphosate, ce serait la fin de la production de viande à bas coût (bourrée à partir de glyphosate et d’antibiotiques) en grande quantité, ce serait aussi la fin de l’habitude de manger de la viande tous les jours, car si l’on veut manger de la viande de bonne qualité, le prix n’est pas le même… Donc la fin du glyphosate remettrait beaucoup de choses en cause, à commencer par le régime alimentaire en Amérique du Nord et en Europe occidentale.

Nos députés n’ont pas voulu interdire définitivement le glyphosate, il y a un an, des dérogations sont encore prévues pour au moins deux ans. Pourtant, il est totalement interdit au Sri Lanka et interdit en Autriche depuis juillet 2019. L’Union européenne l’autorise encore jusqu’au 15 décembre 2022 !

Sur le continent américain, les batailles judiciaires ont bien avancé : en août 2018, Dewayne Johnson a obtenu des dommages et intérêts énormes de Monsanto pour son lymphome non-hodgkinien (cancer du système lymphatique), diagnostiqué en 2014 (voir ici). Entre 2012 et 2015, ce jardinier californien a répandu du Roundup et du Ranger Pro (herbicides fabriqués par Monsanto, très riches en glyphosate) dans les cours et les terrains de sport des écoles de la baie de San Francisco. Les médecins lui accordent une espérance de vie de deux ans. 90 % de la surface de sa peau est atteinte de lésions cancéreuses. À un peu plus de 50 ans, aucuns dommages et intérêts ne peuvent compenser un tel verdict, sans parler des terribles souffrances physiques… Depuis cette condamnation historique, 5 000 à 8 000 autres plaintes contre le glyphosate et Bayer Monsanto sont en cours d’instruction aux USA.

En France, les deux seules plaintes contre Monsanto sont celles de Paul François et des parents de Théo Grataloup. De toute façon, nos ministres de l’Agriculture et de la Santé affirment presque que le glyphosate est inoffensif.

En réaction aux procès en cours et aux jugements iniques qui ont déjà eu lieu (en France, Bayer Monsanto est presque soutenu par la justice, par rapport aux USA), la campagne glyphosate a commencé en Ariège (voir ici).

Cette campagne propose à des volontaires de faire analyser leurs urines pour connaître leur teneur en glyphosate. Les échantillons sont analysés dans un laboratoire allemand. Toutes les personnes testées ont du glyphosate dans leurs urines, la limite légale étant de 0,1 ng/ml, pour la plupart des analyses le taux de glyphosate est au moins 2,5 fois supérieur à ce seuil légal et jusqu’à 19 fois plus ! 3 800 personnes ont déposé une plainte individuelle, mais portée collectivement, « contre les personnes en responsabilité des firmes fabriquant des pesticides à base de glyphosate et contre celles en responsabilité des organismes ayant contribué à leur mise sur le marché pendant les 3e et 4e trimestres 2017 et le 1er trimestre 2018 ». Cette plainte est déposée pour « mise en danger de la vie d’autrui, tromperie aggravée et atteintes à l’environnement (destruction de la biodiversité, pollution des cours d’eau, des nappes phréatiques, des sols, etc.) ».

La plainte est identique pour qu’elle soit jugée par le pôle « santé publique » du tribunal de grande instance de Paris. Les frais d’avocat et d’analyse sont pris en charge par l’association Campagne Glyphosate.

Nous pissons tous du glyphosate, hélas !, et beaucoup d’autres pesticides, nous avons tous des métaux lourds dans le corps…

Seule l’opinion publique peut faire bouger les choses.

In Furore

Article paru dans RésisteR ! #64, le 20 septembre 2019


Notes

[1https://blog.m2rfilms.com/category/roundup-face-a-ses-juges/ : faire défiler et lire sous le titre « Victime d’une intoxication aiguë, par l’herbicide « Lasso » de Monsanto ».