Ce matin, le fascisme a étendu sa nuit de l’autre côté de la frontière



C’est une idée qui peut paraître un peu saugrenue, c’est souvent le cas avec ce qui touche à la colonisation, mais la plus grande frontière de l’État français avec un autre état est un fleuve situé quelque part en Amazonie, et de l’autre côté de la frontière avec ce petit bout de France, il y a le Brésil. Depuis hier soir, le Brésil a élu Jair Bolsonaro, un ancien militaire de 63 ans, à sa tête.

"Car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire."
Leçon, Roland Barthes

C’est une idée qui peut paraître un peu saugrenue, c’est souvent le cas avec ce qui touche à la colonisation, mais la plus grande frontière de l’État français avec un autre État est un fleuve situé quelque part en Amazonie. La Guyane fait partie des terres découvertes par C. Collomb lors de ses expéditions et va attirer l’œil du roi de France dès 1503. [1]. Depuis lors, la zone autour de Cayenne est plus ou moins restée sous le contrôle de l’État français. C’est là-bas qu’il a créé un bagne où ont pu se développer au cours du XIXe siècle des concepts concentrationnaires qui seront repris tout au long du XXe par tous les États totalitaires. [2].
J’en parle parce que de l’autre côté de la frontière avec ce petit bout de France, il y a le Brésil.

Depuis hier soir, le Brésil a élu Jair Bolsonaro un ancien militaire de 63 ans à sa tête. Celui-ci ne se cache pas, il est arrivé au pouvoir en faisant appel à la nostalgie de l’ordre : celui de la dictature achevée en 1985. Comme tout bon fasciste qui se respecte, il arrive au pouvoir avec le soutien des milieux d’affaires brésiliens et des très puissantes églises évangéliques du pays.
Même si, comme Trump, il a joué les outsiders, son programme n’est pas franchement nouveau : c’est la guerre aux pauvres et à la différence. Il a déjà annoncé, comme aux plus belles heures de la guerre froide, que les « rouges » seraient envoyé⋅e⋅s en prisons ou contraint·e·s à l’exil. Il a aussi promis de mettre fin aux enquêtes concernant les meurtres commis par les membres des forces spéciales de la police. [3] chargées d’assurer le contrôle des favelas du pays. Ou encore de s’en prendre au Mouvement des Sans Terre ainsi qu’aux habitant·e·s de l’Amazonie, dont il compte largement exploiter les ressources. Les nombreuses sorties misogynes, homophobes ou racistes ne laissent rien présager non plus de bon pour les droits « des minorités ».

Déjà les nervis fascistes ont commencé à se lâcher : jeudi des descentes de police avaient lieu dans diverses universités du pays contre des militant⋅e⋅s anti Bolsonaro. Samedi, un jeune était assassiné lors d’une manifestation en soutien à l’adversaire de Bolsonaro, le candidat du PT (parti des travailleurs) Fernando Haddad. Le jour de l’élection, plusieurs incidents ont encore été répertoriés.

Si rien ne garantit que Bolsonaro va mettre fin de manière définitive à l’état de droit au Brésil, on sait déjà qu’il a promis d’essayer et que ceux qui le supportent ont montré leur détermination. L’Histoire bégaye, en période de crise le capitalisme sait très bien s’accommoder des montées d’autoritarismes que constitue le fascisme, ceux qui prétendent que les institutions brésiliennes résisteront s’avancent un peu vite. Rien n’est joué pour le Brésil et la période sera certainement dure pour celleux que vise Bolsonaro.

C’est un cycle de luttes pour leur survie que vont devoir mener nos camarades brésilien⋅ne⋅s dès aujourd’hui.
Dans cette épreuve, nous devons montrer une solidarité sans faille avec ceux et celles qui vont devoir lutter pour chacun de leurs droits de l’autre côté de la frontière.


Article paru sur Rebellyon.info

Pour plus d’informations sur la situation au Brésil vous pouvez voir cet article de Rebellyon.info.


Notes

[1Comme souvent dans l’histoire de la conquête de l’Amérique, la population autochtone va rapidement être réduite à quelques villages à force de guerres contre les colons et d’épidémies

[2La déportation au bagne a un taux de décès plus élevé que le goulag soviétique et si, sur le papier, une partie des peines ne sont pas des déportations à vie, dans les faits, la mortalité ajoutée à la longueur des peines transformaient le retour en un rêve

[3Celles-ci sont connues pour leur utilisation systématique de la force, quels que soient les risques de dommages collatéraux,