269 Libération animale : antispéciste et anarchiste



Sur le terrain de la cause animale, le collectif 269 Libération animale conjugue sa lutte pour l’abolition du spécisme avec celle pour l’abolition du capitalisme, et l’inscrit dans la lutte des classes.

Pour ses membres, le sort réservé aux animaux est avant tout politique.

Naissance du collectif

L’association 269 Libération animale, qui fonctionne plus comme un collectif, est créée à Lyon en 2016. Sa principale fondatrice et animatrice est Tiphaine Lagarde.

Juriste, originaire de Lorraine, elle a d’abord rejoint L 214, avant d’intégrer 269 Life France, qu’elle trouva plus active sur le terrain. Puis, décidant avec d’autres militants de faire aboutir leur projet de libération animale et d’abolition du spécisme par l’action directe et la désobéissance civile, et de lui donner une couleur politique plus proche du noir, le collectif prend son indépendance de 269 Life France, et Tiphaine Lagarde cofonde 269 Libération animale.

Le nombre 269 vient de l’association 269 Life créée en 2012 en Israël, qui choisit ce nom car le premier veau qu’elle sauva des abattoirs portait ce numéro. Le visuel du veau a quant à lui été retenu dans le logo du collectif, car cet animal est lié à la fois à la production de viande, mais aussi à celle de lait et de cuir. Toutefois, cherchant aujourd’hui à se démarquer de 269 Life, 269 LA utilise plus volontiers le visuel d’autres animaux, comme l’oie ou le mouton.

Lutte antispéciste politique

Soyons clair : 269 LA se dit antispéciste bien sûr, mais aussi anticapitaliste et anarchiste. La différence avec la plupart des autres associations ou collectifs antispécistes, ou faisant la promotion du véganisme, se situe déjà là, sur le plan politique, car ces dernières se retranchent généralement derrière leur croyance en un capitalisme soi-disant propre.

Pour les militant.es du collectif, les animaux sont des personnes ou des individus à part entière et l’exploitation animale est comparable à l’exploitation humaine. C’est pourquoi iels incluent leur lutte pour la cause animale dans la lutte des classes. De même que toutes les formes de domination sont à combattre, le collectif les relie entres elles et s’intègre ainsi dans une grande convergence des luttes de gauche, en se voulant solidaire des autres combats de justice sociale et en promouvant l’intersectionnalité.

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Action directe et désobéissance civile

C’est là la seconde différence majeure avec ses homologues antispécistes. Pour 269 LA, il s’agit de joindre les actes concrets aux mots. Il s’agit d’exproprier la théorie des « salons » pour la remettre au service de la révolte et avancer vers l’insurrection.

Convaincu que l’éducation politique s’acquiert plus par la lutte sur le terrain que par les brochures ou les tracts, le collectif répond aux horreurs que les humains font subir aux animaux par l’action directe et la désobéissance civile. Comme le savent celles et ceux qui luttent pour une cause juste, il arrive un moment où, devant l’indifférence et le mépris des dominants, crier sa colère ne suffit plus.

C’est dans cette perspective que depuis 2016 le collectif multiplie les actions directes contre les structures capitalistes du système d’exploitation animale, comme notamment le blocage d’abattoirs et le sauvetage par exfiltration d’animaux destinés à l’abattage ou à l’euthanasie. Ces animaux libérés sont ensuite emmenés sur des terrains privés afin qu’ils puissent vivre paisiblement sans être exploités ni tués.

Et c’est également dans cette perspective qu’il s’occupe d’un refuge, nommé sanctuaire, destiné à accueillir les animaux libérés des abattoirs, laboratoires et élevages au cours d’actions directes menées partout en Europe, mais aussi les animaux récupérés légalement. Situé en Lorraine, ce territoire en lutte concrétise, selon les mots de 269 LA, les infinies possibilités de complicités politiques fortes et efficaces entre personnes animales et humaines : une « sympraxis », un agir avec !

Abandonnant progressivement courant 2018 la désobéissance civile, par trop coûteuse en répression, 269 LA se concentre désormais sur l’action directe anonyme.

Quant au bilan de ses actions, le collectif revendique la libération de plus de 1800 animaux.

Répression étatique

Représentant une menace pour cette industrie agroalimentaire animale qui continue à broyer des vies à outrance, 269 LA subit bien entendu une répression institutionnelle disproportionnée.

Depuis sa création, c’est 26 procès qui ont été intentés contre le collectif. Certains de ses membres ont plusieurs fois été condamnés à de la prison avec sursis, à des dommages et intérêts, à des travaux d’intérêt général, ainsi qu’à de multiples amendes. Des poursuites judiciaires sont par ailleurs toujours en cours.

En outre, depuis l’été 2019 et son installation en Lorraine, en Meurthe-et-Moselle (54) plus exactement, le collectif subit l’acharnement de l’ensemble des autorités étatiques du département, préfet, maire et gendarmerie en tête. Ces derniers ont tenté de faire résilier leur bail rural en faisant pression sur le propriétaire de terrain. N’y parvenant pas, ils les soumettent à des contrôles incessants et diligentent des dépôts de plainte pour chacun de leurs faits et gestes. À cela s’ajoute une surveillance policière quotidienne, avec des bénévoles contrôlés lors de leur arrivée au sanctuaire, et des flics en planque partout autour du site.

Cherchant à atteindre et à affaiblir coûte que coûte 269 LA, les autorités du département ont trouvé un nouveau prétexte : c’est l’histoire de Rambo que nous vous résumons ci-après.

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Rambo, le veau sans papiers condamné à mort par l’État

En janvier 2016, 269 LA accueille Rambo, un jeune veau, sur son sanctuaire alors basé dans la Loire (42). Non déclaré à sa naissance et vendu illégalement par un éleveur à l’une de ses connaissances pour sa consommation personnelle, il est sauvé par un proche de cette personne qui le confie au collectif. Mais, étant donné que l’éleveur n’avait pas rempli les obligations légales quant à sa naissance, Rambo se retrouve démuni des papiers d’identification exigés par l’État. Le collectif a alors dû négocier pendant des mois avec la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations) de la Loire afin de trouver une solution de régularisation, et il a été octroyé à Rambo, non sans mal, un statut spécial, dérogatoire, lui permettant d’obtenir une identification, et par conséquent, de vivre paisiblement.

Puis, à l’été 2019, le refuge déménage en Meurthe-et-Moselle, en déclarant son changement de lieu à la DDPP du département. Cependant, et malgré de multiples sollicitations, la DDPP du 54 refuse de faire perdurer le statut dont jouissait Rambo dans la Loire. Selon cette dernière, l’identification obtenue dans le 42 n’a plus aucune valeur en Meurthe-et-Moselle. La DDPP du 54 somme donc 269 LA de prouver les origines de Rambo, sous peine d’abattage administratif. Mais cela lui est impossible, car la personne qui l’a sauvé quatre ans auparavant refuse toujours de donner le nom de l’éleveur par peur de représailles. Et bien évidemment, l’État ne diligente aucune enquête pour retrouver cet éleveur malhonnête à l’origine du problème, qui du reste, à tout le loisir de poursuivre son trafic en toute tranquillité.

S’ensuit cette aberration : Rambo est aujourd’hui condamné à mort dans le 54 alors qu’il pouvait vivre sereinement dans le 42 !

La situation est pour le moment, toujours en suspens.

Déconstruire les idées reçues sur l’antispécisme

Tout en s’inscrivant dans une démarche de reconstruction de la lutte contre l’exploitation animale afin de lui donner une réelle dimension révolutionnaire et politique, 269 LA cherche à déconstruire les idées reçues sur l’antispécisme, qui génèrent fantasmes et aprioris s’avérant, la plupart du temps, sans fondement. Le but est de casser les idées reçues sur le mouvement, souvent créées de toutes pièces par ses opposants afin de le décrédibiliser.

Pour ce faire, le collectif vise à sensibiliser à tous les stades de la société, y compris dans les milieux militants, afin de conscientiser et de faire évoluer les mentalités sur la question animale.

269 LA ne lutte pas pour « véganiser » le monde, mais pour le débarrasser de toute forme de domination. C’est en ce sens que sa lutte entre dans une lutte globale contre le capitalisme, et pour l’anarchie.

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Les partisan.es de la cause animale ont su mettre en avant des questions essentielles telles la brutalité et la cruauté envers les animaux, la consommation de viande et de poisson, ou encore l’élevage industriel. De plus, réalisons bien qu’antispécistes, véganes et anarchistes partagent l’idéal selon lequel toute souffrance doit être évitée, aussi bien pour les animaux que pour les humain.es.

Dès lors, à l’instar par exemple de la cause féministe ou antiraciste, les anarchistes se doivent de prendre en compte la cause animale. Une société libertaire ne se fera pas sans l’émancipation de tous et toutes. Et par tous et toutes, nous devons entendre : y compris les animaux. [1]

Alexandre Kaspar du Faouët
Le 22 avril 2023

Notes

[1Sources : 269 LA & Wikipédia.