Manifester pour quelle liberté ?



Macron a encore parlé le 12 juillet pour de nouvelles annonces. Il commence avec l’instauration d’un pass sanitaire, pour pouvoir aller dans différents lieux culturels ou autres, il argumente, très mal comme à chaque fois, sur l’utilité de ce pass. Il faut dire que la gestion de cette crise est plus que chaotique et on finit par ne plus rien comprendre. Puis, dans les dernières minutes de son discours, il annonce de nouvelles réformes sur les retraites (avec un départ plus tardif) et sur le chômage.

On remarquera qu’il n’annonce pas de nouveaux soignants, pas de moyens supplémentaires pour les hôpitaux, qui en ont pourtant bien besoin. Il continue sa politique floue concernant la pandémie et sa politique clairement ultra-libérale concernant les acquis sociaux.

On pouvait s’attendre à une montée au créneau des syndicats concernant les réformes annoncées à la va-vite en fin d’allocution. Rappelons que juste avant le COVID il y avait un mouvement d’ampleur contre une nouvelle réforme concernant les retraites. Les gens n’étaient pas contents et étaient partants pour le faire savoir.

Or, rien, ou pas grand chose : des communiqués syndicaux de mécontentement mais pas d’appel à la grève ou à des manifs. Mais d’autres ont pris le champ libre pour déposer des rassemblements et manifestations dans les heures qui ont suivi les annonces. Leur cible principale ? Le pass sanitaire.

Étrangement, les appels sont bien plus suivis et il n’y a pas que les antivax qui sont mobilisés. La peur des contrôles généralisés, du fichage de tous par tous, de la violation du secret médical. La peur du vaccin aussi : sans vaccin pas de sortie au ciné ou au restaurant, il faut donc se faire vacciner pour retrouver sa vie d’avant. Et un vaccin, c’est pas anodin.

Pourtant, tout ceci ne sonne pas totalement juste. Il est difficile de comprendre pourquoi certains se mobilisent plus maintenant que lorsque les pandémico-sceptiques appelaient à des manifestations contre les confinements et les couvre-feu à répétition, pourtant tous privateurs de liberté. Pour ce qui est de la violation du secret médical, personne ne s’insurge contre le fait que l’État ait fait appel à Doctolib, société privée, pour prendre les rendez-vous des vaccins. D’ailleurs, personne ne demande la nationalisation de Doctolib ; pourtant, à chaque fois que vous l’utilisez, vos données médicales ne sont déjà plus à vous.

On voit aussi quelques personnels hospitaliers : il n’y a pas que les soignants qui ne sont pas contents d’être obligés de se faire vacciner. Il n’est pas ici question de les stigmatiser mais de les protéger. Ils sont déjà obligés de le faire pour plusieurs maladies comme l’hépatite B, mais ici c’est la peur (bien légitime) des potentiels effets indésirables qui l’emporte.

Pourtant, la vaccination doit être un acte collectif pour pouvoir fonctionner. Elle permet la protection de chacun et empêchera le COVID de muter car sa multiplication sera très fortement atténuée. Pour cela, des mesures pourraient être réclamées par les manifestations, comme la levée des brevets, la réquisition des groupes pharmaceutiques ou la livraison gratuite des vaccins dans les pays pauvres. Mais ce sont des choses que les manifestants contre le pass sanitaire n’envisagent même pas de réclamer.

Très clairement, après les annonces de Macron, on aurait préféré des manifs spontanées et rapides pour avoir des moyens pour les hôpitaux ou le droit de vieillir dans la dignité, de ne pas mourir au travail, de ne pas vivre dans la rue. Là, la gauche avait une carte à jouer ; c’est loupé. Encore.

On se retrouve avec des manifs sans réel message contre les réformes du chômage et des retraites, ou alors toujours en second plan. Le pass sanitaire, avec tout ce qu’on peut lui reprocher, est mis en place pour essayer de faire en sorte que des gens ne soient pas malades, mais les réformes, elles, vont faire que des gens mourront au travail avant leur retraite. Elles vont mettre des gens à la rue et les faire mourir dans la misère. Là est l’enjeu important.

Mais alors, pourquoi on se rassemble dans ces manifestations ?

Il y a quelques illuminés antivax qui pensent puce 5G et au « grand reset ». Ils sont minoritaires et peu intéressants.

Certains crient à l’apartheid, ou se comparent aux Juifs durant l’Allemagne nazie en arborant une étoile jaune. Alors non, il faut être abruti pour ne pas comprendre que de ne pas pouvoir aller au restaurant relève du choix personnel de ne pas vouloir se faire vacciner, alors que durant l’apartheid les Noirs était opprimés car Noirs : ce n’est pas un choix, et la comparaison est scandaleuse. Mais encore une fois, les personnes de ce type ne sont pas nombreuses.

Il y a aussi les figures de l’extrême droite, Philippot et autres, peu fréquentables.

Restent les autres, ceux qui sont là pour la « liberté », concept abstrait. Leur liberté est celle de pouvoir sortir où ils veulent avec le risque de tomber malade. Cette conception de la liberté, on la retrouve dans les idées de droite. On la retrouve chez les exploiteurs de tous les pays, qui le font au nom de la liberté d’entreprendre, de la liberté de commerce. On la retrouve chez ceux qui roulent à plus de 200 km/h en Porsche sur l’autoroute au nom de la liberté. Drôle de liberté.

Faute de temps, beaucoup de points sont survolés ou pas abordés du tout, mais il est difficile d’écrire sur un contexte aussi complexe que celui-ci. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est important, dès maintenant, de s’organiser pour une riposte contre ces nouvelles attaques libérales qui arrivent. Il faudra tout de même être attentifs à ce pass, qu’il ne devienne pas pérenne. Et si on n’empêche personne d’aller à ces manifs pour la « liberté », il faut juste se poser la question : « À quelles idées elles profitent ? »

Chamsmile