Lettre ouverte du 13 mai 2024 à la Présidente de l’Université de Lorraine

Nancy (54) |

Cette lettre du Mouvement Étudiant et citoyen Lorrain pour la Palestine présente à la Présidente de l’Université de Lorraine ses revendications relatives à la situation coloniale et au génocide en cours en Palestine.

Datant du 13 mai, cette première lettre ouverte à la Présidence de l’UL a fait l’objet de réponses formelles et informelles et de contre-réponses, que vous retrouverez sur le compte Instagram du MELP (https://www.instagram.com/melp_54).

« Madame la présidente de l’Université de Lorraine,

Notre inquiétude est grande face à la montée des violences en Cisjordanie à l’encontre du peuple palestinien et face aux massacres en cours dans la bande de Gaza, notamment avec la menace d’une invasion terrestre imminente à Rafah, dernier refuge des Gazaoui·e·s. L’offensive de l’armée d’occupation coloniale n’a épargné aucune forme d’activité humaine à Gaza et a touché toutes les infrastructures, y compris les universités, qui ont toutes été détruites. Des milliers d’étudiant·e·s et universitaires ont été tué·e·s.

Face à cette réalité, certains désignent les crimes de guerre commis le 7 octobre comme le point de départ du génocide en cours. Nous considérons que cette lecture de l’Histoire est erronée. En effet, en occultant le rôle de la colonisation, de l’apartheid, du nettoyage ethnique en Palestine, cette lecture ajoute une violence symbolique supplémentaire et compromet toute avancée dans la résolution de ce conflit colonial. Cette interprétation tend en effet à essentialiser la violence qui peut provenir d’organisations palestiniennes en l’attribuant à une hostilité innée des Palestinien·ne·s vis-à-vis des Israélien·ne·s.

Nous prônons résolument la paix entre Palestinien·ne·s et Israélien·ne·s. Cependant, nous reconnaissons que plusieurs obstacles majeurs entravent cette paix. Parmi eux : le refus d’Israël d’appliquer un cessez-le-feu immédiat à Gaza, la prise d’otages de près de 10 000 Palestinien·ne·s par l’État d’Israël ainsi que la prise des 125 otages israélien·ne·s restant·e·s par le Hamas. Nous ne croyons pas en la possibilité d’une paix tant que le déni des faits coloniaux et une impunité totale persistent. C’est pourquoi nous pensons que des sanctions ciblées contre les institutions coloniales peuvent contrecarrer le développement de la colonisation, de l’apartheid et du nettoyage ethnique. Ces sanctions ciblées favoriseraient en plus des voix pacifistes israéliennes qui font face à une élite politique extrémiste.

En outre, nous exprimons également notre inquiétude face à un néomaccarthysme qui fait de la simple publication de ce texte une prise de risques, et qui mène une campagne sévère de répression et de diffamation contre les étudiant·e·s mobilisé·e·s, notamment en France, où les plus hautes instances gouvernementales s’en prennent aux étudiant·e·s. La liberté d’expression et la pluralité d’opinion sont pourtant au fondement du système universitaire. Dans ce contexte, nous voulons exprimer notre solidarité avec les étudiant·e·s mobilisé·e·s partout dans le monde.

Par conséquent, nous exigeons de l’Université de Lorraine les actions suivantes :

  • 1. LA CRÉATION D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE QUALIFIÉE : Nous demandons la mise en place d’une commission pour examiner les collaborations et futures collaborations de l’Université de Lorraine avec les institutions académiques et les entreprises israéliennes. Cette commission devra s’assurer que ces organisations ne sont impliquées ni dans l’expansion coloniale, l’apartheid ou le génocide en cours en Palestine, et devra en outre vérifier que les personnes qui collaborent ponctuellement expriment clairement leur engagement en faveur de la paix et du respect du droit international.
  • 2. LA RÉVISION DES COLLABORATIONS DE RECHERCHE LIÉES À L’ARMEMENT : Il est impératif de réviser les collaborations des laboratoires de recherche liés à l’Université de Lorraine avec les entreprises, françaises ou internationales, d’armement et de matériel militaire. Ces entreprises tirent profit des conflits armés et des violences, notamment dans la bande de Gaza.
  • 3. L’ADHÉSION AUX DIRECTIVES DU MOUVEMENT BDS : Nous exigeons que l’Université de Lorraine s’engage à suivre les directives du mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) afin de limiter ses collaborations avec toutes les entreprises françaises et internationales qui participent, directement ou indirectement, à la colonisation, à l’apartheid ou au nettoyage ethnique des Palestinien·ne·s.
  • 4. UN PROGRAMME DE SOUTIEN AUX COMMUNAUTÉS PALESTINIENNES : Nous exigeons la création d’un programme de soutien dédié aux communautés étudiantes, universitaires et scientifiques palestiniennes. Ce programme doit inclure l’assurance de conditions d’accueil optimales pour les étudiant·e·s palestinien·ne·s, des bourses, un protocole d’accueil pour les chercheur·euse·s palestinien·ne·s, un engagement dans la reconstruction des universités palestiniennes détruites depuis le 7 octobre, ainsi qu’un renforcement de la coopération (dont des partenariats, échanges, etc.) avec les institutions académiques palestiniennes.
  • 5. LA GARANTIE DE NOS LIBERTÉS FONDAMENTALES : Face à la censure gouvernementale, l’Université de Lorraine doit s’engager à garantir la liberté d’expression et la liberté académique.
  • 6. UNE CONDAMNATION DE LA RÉPRESSION ET DE LA DIFFAMATION QUI TOUCHENT LES ÉTUDIANT·E·S : Nous demandons à l’université de condamner fermement la répression et les diffamations subies par le mouvement étudiant en solidarité avec le peuple palestinien, et par conséquent de refuser l’intervention des forces de police au sein de l’université.
  • 7. UNE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS : L’université doit activement combattre toute forme de discrimination, notamment l’antisémitisme et l’islamophobie, et éviter l’instrumentalisation de l’antisémitisme comme outil de disqualification.
  • 8. UNE VALORISATION DE LA CULTURE PALESTINIENNE : Nous proposons l’organisation de moments culturels tels que des conférences, des débats et des projections, afin de mettre en lumière la cause et la culture palestiniennes au moment où l’existence de celle-ci est plus que jamais menacée.

Dans l’attente que vous receviez la délégation que nous avons désignée afin de nous entretenir avec vous, nous vous adressons nos sincères salutations.

Mouvement Étudiant Lorrain pour la Palestine »

P.-S.

Suite à cette première lettre ouverte et au refus de ses principales revendications par la présidente de l’Université de Lorraine, une seconde lettre ouverte a été rédigée et transmise lors du Sénat académique du 24 mai 2024 :

Lettre ouverte à la Présidente de l’Université de Lorraine

Le Mouvement Étudiant Lorrain pour la Palestine (MELP) a sollicité la Présidente par deux fois afin que l’Université de Lorraine (UL) sorte du silence. C’est parce que nous sommes conscient·es de la responsabilité de nos institutions, que nous estimons qu’il est de notre devoir d’agir par tous les moyens à notre portée en vue que cesse le génocide en cours et la dépossession des Palestiniens et des Palestiniennes de leur terre.

Le 4 juin 2024, la Présidente de l’Université de Lorraine a présenté la motion suivante, qui a été votée par le CA : https://www.univ-lorraine.fr/raa/wp-content/uploads/sites/6/2024/06/ca-2024-06-04-delib-01-motion-sur-la-situation-au-proche-orient.pdf