La justice reconnaît le droit de manifester et de se rassembler pendant l’état d’urgence sanitaire

Nancy (54) |

Le 7 septembre 2021, le tribunal de police de Nancy a prononcé deux dizaines de relaxes en faveur de militants qui avaient manifesté en mai 2020. Un bref retour s’impose pour comprendre la portée de ces décisions.

En janvier 2020, en plein mouvement contre la réforme des retraites, des militants nancéiens se rassemblent devant le dépôt de bus de l’agglomération. La répression est féroce. Ils y sont accueillis par la police armée de chiens. Quelques semaines plus tard, le Covid fait irruption et gèle tout le paysage. Mais à peine sortis du confinement, une partie des militants se retrouvent convoqués au commissariat central pour y être interrogés. Leurs camarades se rassemblent en soutien devant les locaux. Les identités sont relevées et quelques semaines plus tard arriveront des contraventions à 135 euros pièce, pour avoir violé l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes alors en vigueur.

Une première action est initiée en urgence devant le Conseil d’Etat par plusieurs syndicats contre le décret d’interdiction des rassemblements. Elle aboutit à la très belle décision du 13 juin 2020 qui considère que cette interdiction porte gravement atteinte à la liberté fondamentale de manifester et la suspend.

Au pénal, un collectif de défense est constitué et les contraventions sont massivement contestées. Après des débats animés entre les avocats des militants et les responsables de la sécurité publique, le tribunal de police a rendu une première salve de 20 relaxes. Autant d’autres sont attendues.

Dans ses jugements, le tribunal n’est pas resté prisonnier des textes qui incriminaient et sanctionnaient les rassemblements. Quand bien même l’infraction était formellement constituée, il s’est livré à un contrôle de proportionnalité. Pour justifier la répression pénale, les faits doivent dépasser le simple exercice de la liberté de manifester. Ils doivent occasionner un trouble qui excède celui que peut ordinairement causer l’expression collective des idées et des opinions (comme d’inévitables troubles de circulation par exemple). A défaut de tout trouble anormal, la répression des rassemblements en question a été jugée disproportionnée et les militants ont été relaxés.

Quelques jours plus tard (le 22 septembre 2021), la cour de cassation rendait une décision dans le même sens dans l’affaire des décrocheurs du portrait d’E. Macron. Le principe est clairement posé : dès lors qu’il est question de liberté d’expression (qu’elle soit individuelle ou collective comme les manifestations), le juge pénal effectue préalablement un contrôle de proportionnalité. Avant de condamner, il doit évaluer si l’importance du trouble justifie (l’atteinte à la liberté d’expression que constitue) la répression.

Au vu du nombre (toujours croissant) de textes qui en France criminalisent les manifestants et les militants, quand les forces de l’ordre continuent à verbaliser à tour de bras de simples manifestants pour avoir, qui dévié du parcours autorisé, qui posé un autocollant... ce principe est promis à de nombreux (et prochains) développements.