Homophobie, transphobie : l’extrême droite lorraine en roue libre !

Nancy (54) |

Autocollants, réseaux sociaux, banderoles ou affiches, les fachos locaux déversent leur haine et leur intolérance dans les rues de Nancy et de Metz. Ces derniers temps, la communauté LGBT est leur cible favorite.

Mais sur quoi n’est-elle pas en roue libre, en ce moment, l’extrême droite ? Avec la complaisance du gouvernement et des forces de l’ordre, les fachos se sentent de nouveau pousser des ailes : ratonnades, assassinat, coups, défilés fascistes, appels aux meurtres et aux viols, incendie criminel, armes, etc. Et tout le monde y passe : migrant.e.s, homosexuel.le.s, étranger.ère.s, transgenres, féministes, opposant.e.s politiques, syndicalistes, etc. Et ici en Lorraine, la communauté LGBT en prend aussi largement pour son grade.

Le samedi 3 juin dernier, les militant.e.s progressistes les plus attentif.ve.s ont pu apercevoir, lors de la Marche des fiertés de Nancy, une banderole faite à la peinture, accrochée depuis le toit d’un immeuble, rue Saint-Jean à Nancy : "LGBT hors de nos écoles". Le discours classique et haineux sur un pseudo lobby LGBT qui chercherait, via l’Éducation nationale, à "pervertir" les enfants scolarisés. Le même type d’argument que lors de la campagne droitière contre les ABCD de l’égalité, outil éducatif ministériel de lutte contre les stéréotypes, en 2013-2014, en pleine hystérie réactionnaire contre le mariage pour tous.

Effectivement, tristes souvenirs pour les Nancéien.ne.s. Les militants nationalistes du GUD Nancy étaient des habitués de la violence et de l’homophobie, comme en avril 2013, avec ce genre de publications violentes sur leur page Facebook ou avec des collages haineux en ville : "Pas d’adoption, pas de mariage, pas de défilé. Pas de quartiers pour les enfilés !".

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Banderoles homophobes (Pride Nancy en mai 2014 puis en juin 2023)

En janvier 2015, deux militants du groupuscule nancéien "Lorraine nationaliste", Pierre-Nicolas Nups et Maxime Auburtin, avaient été condamnés à six mois de prison avec sursis pour des menaces de mort en raison d’une orientation sexuelle. Fin mai 2014, avec quelques autres jeunes nationalistes, ils avaient accroché une banderole "Allez brûler en enfer", accompagnée de deux croix celtiques, lors du passage de la Marche des fiertés, dans le centre-ville de Nancy [1]. Ils ont ensuite été relaxés en mars 2017, par la Cour d’appel de Nancy.

En avril 2017, toujours le même Pierre-Nicolas Nups, ancien responsable du GUD Nancy et candidat Front national, mais maintenant en crush sur Zemmour et Thomas Joly (responsable du pétainiste "Parti de la France"), a été condamné à six mois de prison avec sursis et cinq ans d’inéligibilité pour incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle [2]. Il avait posté, en mai 2013, sur le compte Facebook du mouvement fasciste nancéien GUD, un court extrait du dessin animé "Southpark", appelant à "casser du pédé". Jugement ensuite confirmé par la Cour d’appel de Nancy en février 2018 puis par la Cour de cassation en décembre 2018 [3].

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En chanson ou en portrait, l’amour de Pierre-Nicolas Nups pour l’ignoble Pétain ! (Auburtin à gauche - Nups au centre)

Projets d’attentats à la bombe

Plus récemment, des fachos haineux.se.s se sont défoulé.e.s sur le concert de Bilal Hassani à Metz. L’artiste, égérie de la jeunesse LGBT, devait se produire dans la belle salle de spectacle Saint-Pierre aux Nonnains, une ancienne basilique désacralisée depuis cinq cents ans. Subissant la menaçante pression de groupes réactionnaires, comme les jeunes identitaires d’Aurora Lorraine (avec une partie des anciens de "Génération identitaire Moselle"), les catholiques intégristes de CIVITAS Moselle (avec, à leur tête, la condamnée Cassandre Fristot [4] et Neo Salva [5], le complotiste encarté à CIVITAS et qui médiatise cela sur sa chaîne YouTube), le Rassemblement national de Moselle et "Lorraine catholique" (traditionalistes et intégristes), le chanteur et son producteur ont été contraints d’annuler, par prudence, cette soirée du 5 avril 2023.

Comme l’a expliqué dans la foulée le journal Streetpress, "sur plusieurs chaînes Telegram, des militants d’extrême droite évoquent l’idée de commettre un attentat contre le chanteur Bilal Hassani (...)". Les menaces étaient très violentes et les militant.e.s parlaient ouvertement de "ma petite lame auto, ma ptite (sic) cagoule verte et mes coqués", discutaient de commettre "une dinguerie", de fabriquer "des cocktails molotovs, des projectiles de fou", "des grenades (...) et des petites bombes" "d’attaquer le PD à l’acide", d’organiser des "attaques simultanées (...) et des incendies", etc. [6] Sur une de leurs chaines Telegram, certains appelaient également aux viols des féministes. Globalement, trois groupes fascistes bavardaient tranquillement mais rageusement de leurs projets d’actions : "FR DETER Moselle", "Discussion natio Metz" et "Les Vilains fachos", ces derniers étant des habitués des appels au meurtre [7].

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Nationalistes haineux lors de la venue du chanteur Bilal Hassani à Metz, en avril 2023

Des stickers à vomir !

Dernièrement, fin mai et début juin, des autocollants haineux ont été anonymement stickés dans les rues du centre-ville de Nancy. Certains assimilant pédophilie et transidentité et appelant très clairement au meurtre de personnes transgenres. Et ce n’est pas une vaine incitation car les meurtres de personnes trans apparaissent de temps à autre dans les pages "Faits divers". L’affaire récemment la plus médiatisée fut celle concernant l’assassinat de Vanesa Campos, tuée au Bois de Boulogne, en août 2018. Deux des neuf hommes inculpés ont de nouveau été condamnés en appel à 14 ans et 17 ans de réclusion criminelle, fin mars 2023 [8].

Et évidemment, les militant.e.s progressistes de Nancy n’oublient pas le meurtre homophobe de Jean-Pierre Humblot, travesti connu des Nancéien.ne.s et des noctambules, mort noyé par deux jeunes adolescents homophobes, le 1er août 2003.

Enfin, au sujet de ce genre d’inepties irresponsables (l’amalgame entre homosexualité et pédophilie), le magazine "Têtu" avait déjà alerté et publié une tribune [9], en novembre 2021.

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Appels au meurtre et au viol : affiche, visuel et autocollant insupportables et très violents dans les rues de Nancy

Une lutte à mener au côté et avec les concerné.e.s

Dans ce marasme fascisant, il faut aussi marquer notre camp social et le faire avec et aux côtés des personnes concernées. Malheureusement, dans cette lutte contre les droits des personnes trans, l’extrême droite a du soutien et une petite partie du mouvement féministe prétend respecter le droit des personnes trans tout en les excluant, formant ainsi un socle transphobe, dans le féminisme radical. Celui-ci insiste sur la primauté de la biologie ou de la « socialisation primaire » comme source des oppressions patriarcales, alors que les apports théoriques scientifiques et sociologiques récents tendent à montrer qu’il est bien compliqué, voire impossible, de définir ce que pourrait être stricto sensu un homme ou une femme, que ce soit du point de vue chromosomique, hormonal, du ressenti de son genre, de son expression sociale, etc. Ces militantes féministes transphobes se sont parfois rapprochées de l’extrême droite, comme Marguerite Stern et Dora Moutot l’ont fait en participant à la mobilisation contre une affiche du Planning familial, destinée à informer les patient.e.s du Planning et montrant un homme trans enceint [10]. D’un autre côté, malheureusement, l’écologie radicale a aussi son lot de militant.e.s qui versent dans la transphobie, notamment du côté des mouvances techno-critiques et primitivistes qui parfois flirtent avec l’écofascisme [11]. Ces groupes dépeignent les transitions de genre comme contre-nature et issues d’une idéologie transhumaniste.

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L’affiche du Planning familial qui a fait hurler la droite et l’extrême droite, en août 2022

Pourtant, de nombreux droits sont à conquérir et sont revendiqués par la communauté transgenre comme par exemple l’accès au soin, l’arrêt des discriminations et violences médicales, la dé-psychiatrisation des parcours de transition, que ce soit au sein des pratiques médicales ou pour leur remboursement, la simplification des procédures de changement d’état civil, la suppression du marqueur de sexe, l’accès des personnes trans à la procréation médicalement assistée (PMA) et ce quels que soient leur état civil, orientation sexuelle ou situation de couple, etc. Il est urgent que la gauche, syndicale et politique, ainsi que les collectifs de lutte prennent position clairement en faveur des luttes LGBTQIA+.

Des hommes exilés, déportés et internés

Et tout cela n’est pas qu’un simple désaccord politique et idéologique, entre la gauche et la droite. Car certaines personnes sont violemment tuées du fait de modes de vie jugés, entre autres par l’extrême droite, comme inacceptables et à éliminer. La mort au bout de la haine...

Cette vague de haine contre les personnes trans’ et les homosexuel.le.s est directement liée au réveil du fascisme occidental qui puise ses racines dans des théories biologiques et naturalisantes. N’oublions pas que la lutte contre l’homosexualité fait partie des thèmes structurants du fascisme. À la fin des années 1930, sous le régime de Benito Mussolini, des centaines d’hommes ont été arrêtés, du nord au sud de l’Italie et envoyés en exil. Accusés de « crimes contre la moralité et l’intégrité de la race », beaucoup ont été déportés et internés dans l’île de San Domino. Quant à l’Allemagne nazie, leur persécution est connue : 100 000 homosexuels ont été arrêtés et une partie d’entre eux envoyée en camp de concentration. La lutte contre l’homosexualité est pour le fascisme une question identitaire, structurellement liée à la vision biologisante et hiérarchisée de la société qui est la leur.

En affirmant le droit à la parole et à vivre librement, la communauté LGBTQIA+ remet en cause le dogme patriarcal que tentent de sauver les fascistes, de CNews au GUD, en passant par les Le Pen et Zemmour, mais aussi la Librairie nancéienne "Les Deux Cités". C’est pour toutes ces raisons que le combat antifasciste, à Nancy comme ailleurs, doit comprendre, soutenir et inclure les personnes concernées et directement visées par l’extrême droite qui la combattent pied à pied depuis plusieurs décennies.

Face aux LGBTI-phobies et à l’extrême droite, faisons pink bloc antifa !

Bloc antifasciste - BAF Nancy


Notes

[5https://manif-est.info/Media-Jaune-de-Lorraine-Salva-pas-le-faire-1911.html (NB : depuis la publication de cet article en novembre 2021, Neo Salva ne fait plus partie du Média Jaune et leur ligne a évolué positivement sur ces questions)