Grève historique dans les lycées pros… Et maintenant ?

Nancy (54) |

Mardi 18 octobre et jeudi 17 novembre, les lycées professionnels se sont fortement mobilisés pour réussir une grève majoritaire à l’appel d’une intersyndicale académique unitaire (SUD éducation – FSU – CGT – FO – Unsa – Snalc – CFDT). De nombreux rassemblements et manifestations ont eu lieu en Lorraine, devant les établissements et dans les villes de Nancy et Metz. Pourquoi une telle mobilisation et dans une telle unité ?

Parce que Macron, président des riches, et Grandjean, députée de Meurthe-et-Moselle et ministre déléguée à l’enseignement professionnel, ont purement et simplement décidé de mettre la voie pro sous tutelle du patronat.

La réforme Blanquer a déjà saccagé le nombre d’heures d’enseignement disciplinaires. Certaines matières ont perdu plus de 100 heures annuelles d’enseignement, comme les Lettres-Histoire sur le cycle Bac Pro. Mais qu’à cela ne tienne, on en remet une couche : 50 % de stages en entreprises en plus !

Que fait-on des élèves ? De la chair à patrons pardi ! Que fait-on des profs ? On n’a qu’à les recycler !

Tout est prévu ! Un décret paru le 20 juin prévoit même la possibilité pour les PLP d’exercer leurs fonctions dans les collèges et les LGT. Nickel non ? Vu le nombre de fermetures de postes que la réforme de l’enseignement pro va engendrer, en particulier dans les disciplines que Macron ne juge pas « fondamentales », il n’y aura plus qu’à mettre les profs en complément de service dans des disciplines et devant des publics pour lesquels ils et elles ne sont pas formé·es. Pour celles et ceux qui ne seraient pas volontaires, il faudra aller enseigner à 200 bornes. Le choix est vite fait. Déjà mis en souffrance par un travail quotidien qui n’est plus en adéquation avec leurs missions, les personnels de LP vont subir la « flexibilité dans la gestion des ressources humaines ». Face à la crise du recrutement, l’explosion du statut va donner lieu à des mutations de plus en plus impossibles, à une généralisation des postes partagés, à des fermetures de postes, et à une annualisation du temps de travail.

Émanciper les jeunes d’une future subordination dans le monde du travail ? La bonne blague !

« Employables ! » Il faut rendre les jeunes « employables » pour fluidifier le marché du travail, c’est pas compliqué à comprendre, non ?! Survaloriser l’apprentissage, augmenter les stages en entreprises, rien de tel pour favoriser l’insertion précoce des jeunes dans le monde du travail. Et au cas où certain·es en douteraient, le gouvernement fait feu de tout bois et n’hésite pas à faire usage de fake news. Carole Grandjean invente ainsi des chiffres pour servir sa réforme en prétendant que seul·es 1/3 des lycéen·nes pros sont amené·es jusqu’au diplôme, alors que le taux d’accès est de 73% pour le CAP et 68% pour le Bac Pro. A contrario l’apprentissage n’amène qu’un élève sur deux jusqu’au diplôme… Même pas grave, elle veut quand même réformer la voie pro « sur le modèle de l’apprentissage ». Et pour la poudre aux yeux il y a les fameux stages rémunérés : 200€ par mois jusqu’à 18 ans, et de 500€ au-delà, jusqu’à 25 ans. Qui paye ? L’État, surtout pas les boîtes trop heureuses de récupérer de la main-d’œuvre gratuite ! Des gains en plus pour les entreprises, de l’exploitation en plus pour les classes populaires, comme pour le travail gratuit imposé aux allocataires du RSA. C’est qu’ils ont de la suite dans les idées… Ils oublient juste de préciser que cette « rémunération » ne concernerait que les élèves de terminale et serait de toute façon soumise à l’augmentation des périodes de formation en milieu pro (PFMP) et d’alternance.

Et l’air de rien, on bousille tranquillement les conventions collectives et les garanties des travailleurs·ses

Au détour d’une interview dans la presse, Macron annonce le 15 mars la nécessité « d’un outil de gestion des compétences qui sonne la fin de l’hégémonie des diplômes ». Ça n’a l’air de rien mais ça présage tout simplement de la suppression du CAP et du Bac pro. Et par la même, ça détricote les conventions collectives… Macron, les patron·nes te disent merci !! Et pour les jeunes, la fin des diplômes professionnels serait un autre danger majeur : celui de ne plus offrir à tou·te·s la possibilité de poursuivre des études qualifiantes. Ce projet s’assoit sur des années de luttes qui ont permis des lois contre le travail des mineur·es et pour la scolarisation de tou·tes les jeunes, quelles que soient leurs origines sociales. Ce sont ces luttes qui ont également permis l’émergence d’une voie professionnelle scolaire dont l’objectif est de dispenser une formation qui articule savoirs professionnels et savoirs généraux.

Comme pour la retraite, la sécu, le droit au chômage, il n’y a plus tabou ni totem. Tout peut être détruit si nous ne ripostons pas !

Dès maintenant, informons les collègues et les familles. Le rapport de force est entre nos mains ! SUD éducation Lorraine soutient les actions des établissements de la région qui viennent brutalement d’apprendre leur fermeture à la rentrée 2023, et appelle à une semaine d’action dès la rentrée : Heures d’Info Syndicale, Assemblées Générales, information des parents et des élèves, pétitions, tractages, grèves… Faisons tout pour que cette réforme ne voie pas le jour !

Article paru dans SUD éducation Lorraine info n°49, novembre 2022