Fac off...

Nancy (54) |

Le 19 avril dernier, s’est déroulé à Nancy un événement assez plaisant et qui pourrait donner des idées…

Ce jour-là, Laurent Hénart, maire de Nancy, se produisait devant une assistance bien propre sur elle dans l’amphi K12 de la fac de droit. À l’invitation de l’« association libérale humaniste », il pérorait sur la jeunesse, ainsi que le font tous les politiciens qui n’ont rien à dire. Ça faisait une bonne demi-heure que les quelques jeunes présents se demandaient ce qu’ils foutaient là et que les porte-serviettes à cravate qui suivent partout le maire étaient au garde à vous, quand une clameur monta dans le bâtiment. Une trentaine de militant-e-s contre la loi Travail étaient dans le hall pour rappeler tout ce petit monde à l’urgence du moment. Aussitôt, les vigiles recrutés pour l’événement justifièrent leurs maigres salaires et les gros profits de leurs patrons en verrouillant les portes. Puis ils se mirent en position : jambes écartées, une main sur la matraque, l’autre sur l’oreillette. Ils appelèrent la police et, dans la foulée, rendirent compte de la situation aux porte-serviettes qui étaient dans la salle. Le temps que l’information aille des gros bras de la fac aux cerveaux du boulevard Lobau, les manifestants-e-s avaient épuisé leur stock de slogans, pourtant conséquent. C’est à ce moment précis que le signal d’alarme incendie du bâtiment a retenti. Qui l’a actionné ? Sans doute un vigile apeuré, peut être un manifestant incontrôlable, quoique cette dernière hypothèse paraisse peu probable. On penche plus volontiers pour un membre de l’association libérale humaniste radicalisé. Ils étaient quelques-un-e-s dans l’amphi, chaussures pointues cirées, chemises blanches cintrées sous une veste de bonne coupe jouant d’un air menaçant avec leurs porte-clés Audi… Toujours est-il que tout le monde a dû sortir sur le trottoir, dans le calme, les manifestants comme les spectateurs et le maire. Aucun incident à signaler, sauf, paraît-il, un des porte-serviettes à cravate qui aurait fait sous lui, de peur.

Tout à coup, débouchant en trombe de la rue de Serre est arrivée la première voiture de police banalisée. L’entrée en scène ponctuée d’un demi-tour au frein à main rue de la Ravinelle de celui qui semblait être l’avant-garde peu éclairée fut appréciée à sa juste valeur. Quelques manifestants donnèrent au chauffard des conseils de prudence. La situation jusque-là fort banale devint confuse. Hénart qui était sur le trottoir, avait l’air agacé, ses porte-serviettes rassurés par l’arrivée tonitruante des forces de l’ordre reprenaient des couleurs. Les manifestants repartirent alors en cortège vers la foire. La police sur les dents les prit en chasse. Perspicace, le maréchal des logis au volant de son bolide, fenêtres ouvertes et micro en main hurlait : « C’est les anars ! C’est les anars… », ce qui ne manqua pas d’étonner les passants. C’est alors que Hénart décida d’aller continuer sa causerie au bistro du coin. Faisant avec détermination ce qu’elle sait faire le mieux, sa suite le suivit. Sur ces entrefaites, les manifestants s’étaient tranquillement dispersés. Les croyant sur le champ de foire place Carnot, le maréchal des logis se gara incontinent sur une piste cyclable et bondit hors de son véhicule, pour rejoindre les véhicules de police arrivés en renfort. Ils s’étaient garés, sans façon, en double file, près de la foire qui battait son plein sous un radieux soleil printanier. Après avoir couru un peu partout, entre la pêche au canard et les autos tamponneuses, les pandores rentrèrent bredouilles à la maison mère. Hénart, quant à lui, a terminé sa prestation au bistro, en accablant Hollande, tandis que ses porte-serviettes grommelaient d’importance contre cette atteinte à la démocratie.

Le seul média qui suivait l’affaire, Radio Campus, nous apprend qu’un responsable des jeunesses communistes qui était en pleine joute oratoire avec Hénart au moment de la manifestation a tenu à ne pas cautionner l’action. Il préféra cautionner la com’ du maire.

On espère que Hénart a payé la tournée avec ses sous et pas avec ceux des impôts…

Quant à la loi Travail… c’est toujours non !

Victor K
[Article paru dans RésisteR ! #42, mai 2016]