Voici donc le courrier qui a été envoyé courant septembre, par le Bloc antifasciste de Nancy, à la rédaction lorraine de France 3. Méconnaissance, naïveté, erreur ? Aurons-nous une explication ? Quelle que soit la réponse, ce n’est pas tolérable !
Madame, Monsieur,
Nous vous interpellons au sujet de votre couverture de la "Fête du cochon", organisée le 1er septembre dernier par la mairie RN d’Hayange (reportage "ici 19/20 Lorraine" du 1er septembre 2024).
Cette initiative municipale est une fête certes populaire, mais clairement politique et discriminante. Le RN de Fabien Engelman organise cet évènement afin de mettre au ban les personnes d’origine musulmane ou juive, comme le font d’autres organisations racistes en France, telle l’association pseudo-humanitaire parisienne "Luminis" qui distribue régulièrement aux sans-abris de l’aide alimentaire volontairement à base de porc, afin d’en exclure les SDF d’origine musulmane. Pas dupes, vos collègues du "Républicain lorrain" parlaient eux "d’une fête d’abord clivante" et "d’une manifestation politique à peine voilée", où l’on peut se retrouver "assis à côté de crânes rasés, tatouages de croix gammées ou croix celtiques apparents". "La fête du cochon divise ... et c’est sa raison d’être" titrait alors clairement le RL (article du 25 août 2017). D’ailleurs vous parliez vous même d’une fête "décriée car politisée" (article du 24 août 2017). La même année, BFM TV y montrait un des spectateurs faisant tranquillement des saluts nazis dans la foule (reportage du 6 septembre 2017).
- Fabien Engelmann, maire RN de Hayange, à la fête du cochon le 1er septembre 2024 (capture d’écran France 3)
Ce maire n’a d’ailleurs jamais caché ses fortes amitiés avec les responsables de l’association islamophobe "Riposte laïque", Pierre Cassen et Christine Tasin. Et les skinheads d’extrême droite qui fréquentent chaque année ce rendez-vous (cette année encore) ne s’y trompent pas non plus.
Ensuite, ne perdons pas de vue qu’une partie de la presse locale et nationale vient d’être publiquement interrogée sur sa couverture médiatique, parfois trop complaisante, durant les deux mois de la longue période électorale que nous venons toutes et tous de traverser. La vigilance doit toujours être de mise.
Enfin et surtout, nous avons été très surpris.es de vous voir donner la parole, comme si de rien n’était, à Julien Venturini, un des leaders du groupuscule néofasciste qu’est "Aurora Lorraine". Il s’agit d’une structure locale intolérante qui a récemment œuvré, parmi d’autres faits d’armes, à l’annulation du concert messin de Bilal Hassani, en avril 2023. Une grande partie de la presse généraliste avait alors dénoncé "le déferlement de haine" de ces groupes réactionnaires, dont "Aurora Lorraine". Vous parliez alors vous-même de militant.es "d’ultra droite" et de "catholiques extrémistes", le 5 avril 2023, au sujet de cette mobilisation, ces menaces et ce projet d’attentat.
Ces mêmes identitaires d’Aurora Lorraine que l’on a pu retrouver (fièrement revendiqués sur leurs réseaux sociaux) aux côtés de nombreux.ses militant.es d’extrême droite européen.nes à Vienne en Autriche, lors de la manifestation le 21 juillet dernier, autour du concept de "remigration", lui-même souvent associé à la théorie du "grand remplacement". La presse parlait alors précisément d’une mobilisation de rue "d’activistes identitaires", "de marche néofasciste", "de militants néo-nazis et ultranationalistes européens", "d’extrémistes de droite", etc. Sur sa publication Instagram du 16 août 2024, Aurora prétend dénoncer “l’insécurité due à l’immigration de masse” et affirme la “remigration” comme solution, une thèse bien connue à l’extrême droite.
- Julien Venturini, l’un des porte-parole des identitaires d’Aurora Lorraine (capture d’écran France 3)
Les miliciens d’Aurora n’excluent pas le recours à la violence et s’entrainent pour cela à la boxe chaque semaine, dans des parcs ou des forêts locales (photos sur leurs réseaux sociaux). Et en récupérant la mort récente de différents jeunes, tels Thomas, Matisse ou Lola, ils y justifient régulièrement cette violence : "L’Etat ne te défend pas, prépare toi ! Autodéfense".
Enfin, une partie de la presse française semble lucide et documentée quant aux idées et à l’activité de ce groupuscule mosellan. Une recherche rapide sur n’importe quel moteur de recherche permet de comprendre la dangerosité de ce collectif. Par exemple, le quotidien Libération les a épinglés depuis deux ans sur sa "Carte des groupuscules d’extrême droite actifs en France : une inflation de groupes racistes". La chaine de télévision BFM TV montrait que ces militant.es d’Aurora, sont bien, selon elle, des membres "de l’ultra-droite" (reportage du 13 juin 2024), assimilant la communauté LGBT à "un cancer sociétal" (reportage du 3 avril 2023). Vos collègues locaux de Lorraine actu rappellent qu’ielles se définissent eux-mêmes comme des militant.es "au cœur d’un combat civilisationnel" (article du 3 avril 2023). Le webzine Streetpress explique que "ce groupuscule Lorrain s’est construit sur les cendres de Génération Identitaire, après sa dissolution [par le gouvernement] en 2021" (article du 7 avril 2023).
Ces quelques informations et articles étant totalement publics, nous nous demandons comment vous avez pu donner la parole à l’un des leaders néofascistes d’Aurora Lorraine. Par naïveté ? Par erreur ? Par méconnaissance ? Pour leur donner une visibilité ?
Dans cette période où l’on s’inquiète de la banalisation des idées de haine, de violence et d’intolérance, comment un tel reportage et une telle prise de parole sont-ils envisageables ?
Recevez, Madame, Monsieur, nos sincères salutations.
Bloc antifasciste Nancy (BAF)
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