Covid-19 : des nouvelles de la situation dans un squat strasbourgeois

Strasbourg (67) |

Après la confirmation d’un cas de Covid-19 dimanche 21, on craint une contagion massive dans un squat hébergeant 200 personnes dans l’agglomération strasbourgeoise. Mais que fait la mairie ?

Depuis le début du stade 3 de l’épidémie de Covid-19 en France le 14 mars 2020, on ne dépiste plus que les cas qui présentent des signes de gravité. Et compte tenu du manque de lits, seules les personnes dont l’état est jugé suffisamment préoccupant sont hospitalisées. Tous les autres patients sont renvoyés chez eux. C’est la règle. Mais voilà, tous les « chez-soi » ne se valent pas.

Pendant la première semaine du confinement, une femme âgée de 58 ans, traitée pour un cancer, s’est rendue deux fois à l’hôpital, avec des symptômes du coronavirus. Par deux fois, elle a été renvoyée chez elle sans avoir été testée.

Seulement, chez elle, c’est aussi chez deux cent autres personnes. Elle vit au squat Bugatti, dans la zone d’activité d’Eckbolsheim, à l’ouest de Strasbourg. Les locaux, immenses, occupés depuis 6 mois, appartiennent à Lidl. Un temps menacé d’expulsion, le lieu s’est imposé comme un refuge pour de nombreux sans-abris de Strasbourg, migrant·es pour la plupart. Parmi les hommes seuls qui y résident, un bon nombre sont là depuis l’ouverture. De nombreuses familles demandeuses d’asile y habitent aussi. Ce sont elles qui ont le plus de chances d’être relogées. De temps en temps, une famille part, laissant sa place à la suivante, dans des conditions sanitaires déplorables.

Le bâtiment est un ancien immeuble de bureaux de 2200 m², sur deux étages, un rez-de-chaussée, un sous-sol. Pendant longtemps, il n’y a pas eu de douche, il y en désormais une par étage. Dans la cuisine partagée, les familles se succèdent à tour de rôle, autour des gazinières. Il y a aussi des machines à laver qui tournent une bonne partie de la journée. Les quelques toilettes sont sur-utilisées. Régulièrement, les efforts de ménage des résident·es sont réduits à néant en quelques heures en raison de la surpopulation. Dans les étages, les bureaux font office de chambres partagées. Les open-spaces sont divisés à l’aide de bâches en plastique scotchées. Ce sont les espaces qui abritent les familles avec enfants.

Cette dame est depuis dimanche 22 mars hospitalisée au CHU de Hautepierre dans un état grave, enfin testée, et reconnue positive au Covid-19. Le SAMU a fait le choix de laisser sur place un autre homme, également atteint d’un cancer, et fiévreux. Le lendemain son état semble s’être amélioré. Un jeune homme a également été admis à l’hôpital le dimanche 22 à la suite d’un malaise. Le lundi, ses symptômes ne nécessitent plus qu’il reste hospitalisé. Il a été testé positif cependant. L’hôpital demande s’il peut le ramener "chez lui"…

En début de semaine dernière, des mesures étaient annoncées par la municipalité pour « désengorger » les squats (façon de rappeler que, s’ils sont hors-la-loi, ceux-ci remplissent un rôle essentiel dans la gestion de la misère à Strasbourg). Une quarantaine de résident·es particulièrement vulnérables de l’Hôtel de la rue ont ainsi été relogées dans des chambres d’hôtel pour 3 mois depuis le samedi 21 mars. Lundi 23, toujours rien de tel à Bugatti. L’Agence régionale de santé et l’État tardait encore, semble-t-il, valider la réquisition de chambres d’hôtel. Le SIAO (le Service intégré d’accueil et d’orientation, le 115) juge « légitime » l’incapacité des hôteliers à accueillir « ce type de public », dans un de ses points par mail… Dans la soirée, la Mairie annonce la réquisition d’un bâtiment public désaffecté pour les cas "suspects".

Des masques, des gants et du gel ont été livrés, et des examens médicaux seraient prévus pour mardi 24. Mais de tests Covid-19 en bonne et due forme pour toustes les résident·es, il n’en est pas question. Sur place, on attend aussi l’installation des points d’eau et sanitaires supplémentaires, peut-être même de tentes, pour mettre à "l’abri" (à l’extérieur... ?) certaines personnes, dans une grande opération conduite par DDCS, l’ARS et la Sécurité Civile avec le soutien de la Préfecture, Médecins du Monde et le SIAO 67.

Dans ce monde-là, combien de pros sont sur le coup pour changer une ampoule ?


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