Pour se rencontrer et s’organiser avant, pendant, après les manifs !
Appel à rassemblement et AG de rencontres le 21 septembre à l’arrivée de la manif’, Place Stanislas.
Se trouver et se rencontrer, à Nancy et ailleurs
« Oh, tu sais, Nancy pour les luttes c’est pas fou non plus... » Combien de fois a-t-on entendu cette phrase ? Ben oui, c’est l’Est, la grisaille, la désindustrialisation, le FN et les fachos qui prospèrent, la fatalité, les embrouilles plus ou moins latentes des milieux militants, tu sais ici c’est comme ça.
Vu l’état de dégradation général auquel nous sommes arrivés, il faut pourtant bien que quelque chose survienne. Mais chacun sent que cela ne viendra pas d’une impulsion des appareils – quels qu’ils soient -, mais de la base, de nous. De nous tous-tes qui ne nous rencontrons jamais vraiment, en manif, dans les transports en commun, dans nos taffs, dans toutes les étiquettes et les boîtes qui quadrillent nos vies.
Depuis Bure, où des dizaines d’entre nous sont installés, l’essentiel est ailleurs que dans les victoires partielles contre l’Andra et le projet de poubelle nucléaire, les manifs, l’action, bref tout ce qui est visible publiquement. L’essentiel est cette sensation que nous nous sommes trouvé-e-s dans cet espace, dans cette lutte. L’essentiel est ce commun qui nous traverse et nous tient chaud, l’impression d’être en prise chaque jour un peu plus sur nos vies et de ne plus séparer ce qui nous fait vibrer de nos idées politiques. Même si, comme le 15 août lors de la répression d’une manifestation, ou lors d’une vague de perquisition le 20 septembre, cela ne va pas sans de grands heurts.
On peut dérouler toutes les analyses qu’on veut sur le pouvoir macronien, sa morgue absolue, sa symbiose totale avec le patronat, son offensive foudroyante contre tout ce qui reste du code du Travail, gamberger sur la radicalisation de l’État policier et d’urgence, se plaindre du fait que comme d’hab les prolétaires sont toujours plus pauvres, les riches toujours plus riches et les puissants toujours plus puissants... Qui n’en est pas déjà convaincu ? Qui reste-t-il à convaincre dans une France où le parti majoritaire est maintenant l’abstention ?
Le problème n’est pas d’argumenter au plus juste mais de réapprendre à sentir ensemble. Que ça touche, que ça prenne les tripes. Et agir, ensemble, selon de nouvelles formes. Que cette rage et l’amour de changer les choses se communiquent, se déplacent, et nous permettent de ne pas rester dans notre coin – seul dans son appart’, avec son orga bien balisée, avec son groupe affinitaire, dans son tronçon de vie ou de cortège.
Nous voulons trouver des espaces où nous rencontrer. Partager d’abord ce qui nous tient, ce dont nous rêvons, depuis quoi nous parlons.
Nous sommes fatigué-e-s de dénoncer toujours ce qui nous dégoûte - nous savons bien qu’où que l’on tourne la tête il y a des raisons de se battre. Cette loi travail XXL n’est qu’une goutte de plus dans un ras-le-bol général que nous sentons tous-tes.
Nous sommes fatigué-e-s de parler dans l’abstrait toujours de ce que nous voudrions : la société sans classes, genre, distinctions de toutes sortes ; l’écologie sociale ; le municipalisme libertaire ; la 6ème République ; la taxe tobin ; le SMIC à 1700, et on en passe en fonction des chapelles et des couleurs…
Nous voudrions, sans repousser à plus tard, tenter d’agir par nous-mêmes, même si c’est dur, même si ça rate, même si on se demande parfois « à quoi bon ». Et se poser ensemble les questions stratégiques : où en sommes-nous maintenant ? Quels sont les mouvements ennemis ? Comment grandir en puissance et faire obstacle, progressivement, aux projets mortifères de l’État ou du Capital ? Pourquoi ça foire ? Comment se renouveler, se réinventer ?
Ce qui nourrit nos combats c’est d’essayer de partager nos raisons de vivre, tenter de les emmêler et les approfondir toujours plus ensemble – même si c’est difficile.
Se mettre en jeu ensemble
Que l’on soit défini, ou que l’on se définisse comme syndiqué de base, jeune, lycéen-ne, étudiant-e, retraité, précaire, squatteur-euse, chômeur-euse… toutes ces catégories sont comme des couloirs balisés qui rendent nos vies parallèles. On peut bien décréter la « convergence des luttes » et des revendications sectorielles, mais nous devons d’abord trouver des moments et des lieux pour faire consister nos existences, se mettre en jeu, se tenir chaud ensemble, tenter de refaire mouvement. Les luttes convergent quand les corps se rencontrent.
On a beaucoup parlé l’an dernier du « cortège de tête », souvent caricaturé à un « black bloc » émeutier. Mais, derrière les gestes bien visibles, il s’agissait de bien autre chose : d’un espace de rencontre politique entre des gens d’horizons différents, déterminés à tenir la rue ensemble par-delà leurs catégories sociales.
Au début du XXème siècle, les Bourses du Travail ont constitué de tels espaces pérennes de rencontre pour la construction d’une force révolutionnaire prolétarienne. Ces lieux tenaient autant de la vie en commun – instruction autonome, entraide, repas, etc – que de la lutte pied-à-pied dans l’usine. Il n’y a jamais eu d’un côté l’exploitation dans la production, et de l’autre la vie. Il y a toujours eu les deux mêlé, comme un tissu sans coutures. En 1936, les chants et les danses résonnaient furieusement dans toutes les usines occupées. La grève générale massive en France tenait chaud aux corps, aux coeurs.
C’est cette chaleur qu’il nous faut retrouver, ce sentiment de se tenir ensemble, par des espaces, des moments, des luttes où nous retrouver. À Bure, dans les places occupées, à la Zad de Notre-Dame-des-Landes, dans les assemblées du Front Social de certaines villes comme Rennes ou Nantes, dans certains piquets de grèves, de tels espaces de brassage mêlant vie collective et lutte sont en germe. Nous avons besoin de nous tenir chaud, nous sommes tous-te-s déjà là, il n’y a qu’à essayer.
Agir par soi-même sans attendre une "massification" qui ne vient pas
Bure nous a aussi appris à ne pas attendre une hypothétique massification, qui du fond de la Meuse ne vient pas depuis 25 ans, mais à agir ici et maintenant par nous-mêmes, avec ce que nous sommes, avec audace, stratégie et amour. On peut manifester à 10 000, 50 000, 100 000, et que rien ne se passe. On peut aussi, parfois, à 500, abattre un mur, bloquer un débat public, occuper une forêt, etc. Et rater, aussi, évidemment. Et essuyer des coups durs. Et douter, etc, etc. Il faut tenter ce que nous pouvons, avec audace, stratégie, amour, en agissant par nous-mêmes avec celles et ceux qui sont là. Le « nous » est à construire.
Les mouvements sont faits pour construire
Nous savons très bien que ce n’est pas ce nouveau « mouvement social » qui va faire basculer la donne et abolir l’État et le Capital – ou même simplement inverser le rapport de force en faveur des travailleur-euses. Les « mouvements sociaux » ont en France une fonction rituelle de soupape sociale, que ça pète une fois de temps en temps, qu’on intègre les leaders les plus remuants à la machine gouvernementale, qu’on octroie deux ou trois miettes, on attend les vacances et on passe à autre chose.
Ces moments cristallisation sont par contre des occasions de se rencontrer et de densifier les réseaux de résistance et de constructions entre tous-tes celles et ceux qui n’attendent plus rien des fadaises politiciennes – et ça commence à faire du monde. Sur ces ruines sur lesquelles nous sommes forcé-e-s de vivre, année après année, luttes après luttes, dans toute la France c’est un terreau de lutte et de solidarités qui se construit qu’il s’agit de relier toujours plus.
Les bureaucraties s’effondrent, organisons-nous !
La principale limite des « mouvements sociaux » est aussi, pour l’instant, notre faiblesse : leur temporalité reste calquée sur l’agenda du patronat et du gouvernement, dictée par les directions syndicales dont le rôle de trahison et d’étouffement est chaque année plus criant. Cette année, le leader de FO n’a même pas pris la peine d’appeler du bout des lèvres à manifester comme en 2016, et il est absent de la photo. Pendant ce temps là, près de la moitié de sa base est furieuse, dégoûtée, enragée devant le mépris de Macron et sa clique pour les « fainéants, cyniques et extrêmes ».
Les fractures deviennent de plus en plus béantes entre les bureaucraties – qu’elles soient syndicales ou gouvernementales -, et celleux qu’ils prétendent gouverner. Cela déborde de rage, de mécontentement contenu, de mépris accumulé. Il est plus que jamais nécessaire de se doter de formes d’organisations autonomes des directions de partis et des appareils, pour se retrouver et ne plus être un pion dans une stratégie qui nous dépasse et nous mène à l’échec depuis près de 40 ans maintenant.
La prochaine assemblée de lutte du Front Social à Nancy aura lieu le 29 septembre au LEM. Avant cela, nous souhaitons pouvoir commencer à nous rencontrer dés la fin de la manifestation du 21 septembre entre toutes celles et ceux qui n’en peuvent plus, qui veulent s’organiser, et partager ce qu’ils-elles font déjà.
Rendez-vous à la fin de la manifestation du 21 septembre Place Stanislas : assemblée de rencontre et de partages pour que chacun-e dise où il en est, pour réfléchir à la suite du mouvement, pour renforcer nos liens ! Infokiosques et (peut-être quelques choses à grignoter, si on arrive à cuisiner après le passage des flics !)
Quelques habitant-e-s de Bure et des environs
bureloitravail@riseup.net
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