Depuis l’aube de l’humanité, l’homme a toujours reproché aux syndicats d’être "trop politiques" et ne pas se cantonner au "monde de l’entreprise". La charte d’Amiens, souvent invoquée pour justifier un souhait de dépolitisation des syndicats, est mal connue. Elle précise en fait que les syndicats doivent agir
- pour la défense immédiate et quotidienne des travailleurs (conditions de travail, salaires, etc.) ;
- pour la transformation de la société en toute indépendance vis-à-vis des partis et de l’État - ce qui ne signifie pas qu’il ne peut y avoir des convergences entre syndicats et partis.
L’action syndicale a donc toujours été politique, au sens le plus pur : elle vise à peser sur l’organisation et le fonctionnement de la société, en partant du travail et des travailleurs.
Depuis les années 1980, l’influence des syndicats diminue en France. Pour diverses raisons internes (baisse du nombre d’adhérents, professionnalisation des représentants, etc.) comme externes (changements institutionnels, économiques et sociaux), les syndicats sont de plus en plus restreints à la démocratie sociale dans leur entreprise. La dépolitisation des syndicats tient donc à la fois de leur éloignement des mouvements politiques et des travailleurs.
Les élections législatives 2024 semblent avoir rebattu quelques cartes : le danger de l’extrême-droite et la possibilité de délégitimer le bloc bourgeois central ont fait sortir les syndicats de leur réserve habituelle. Avec d’autres associations, ils ont appelé (à des degrés divers) à voter contre l’extrême-droite, voire à voter NFP.
La montée de l’extrême-droite et la radicalisation du bloc bourgeois inquiètent et appellent à des réactions fortes et les plus unitaires possibles. Désormais, certains syndicats et leurs unions locales participent de près ou de loin au "NFP élargi", où partis de gauche, syndicats et associations se rencontrent, échangent, et proposent des actions communes pour éviter le pire et proposer des alternatives pour un monde juste.
Présentation du livre (éditions La Dispute)
Le syndicalisme est politique : le grand mouvement social pour nos retraites du printemps 2023 vient d’en faire la démonstration, à rebours des discours dominants qui dissocient la démocratie sociale de la démocratie politique.
En remettant sur le devant de la scène les réalités du travail, la grève, la solidarité interprofessionnelle, les syndicats ont enclenché une dynamique de politisation des classes populaires qui dessine une alternative au néolibéralisme et à l’extrême-droite. Mais ils sont en même temps percutés par les bouleversements politiques de la période. Les transformations de l’État et du personnel politique, l’irruption d’un mouvement social inattendu comme les Gilets jaunes, les répercussions de la nouvelle dynamique féministe dans l’ensemble de la société et au sein même des organisations syndicales, ainsi que les nouvelles luttes contre la crise climatique, contre le racisme et contre la gestion capitaliste du travail et de l’emploi, imposent au syndicalisme de redéfinir les formes autant que le périmètre et l’horizon de son action.
Le temps est venu de rouvrir le débat stratégique dans le mouvement syndical. Le but de cet ouvrage, écrit par des chercheur·ses et militant·es spécialistes du syndicalisme, est d’y contribuer.
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