Dominique Potier, député PS de la circo de Toul depuis 2012 et de nouveau candidat, fait partie des élu·es qui ont sauté sur l’occasion du Plan Prison pour construire une nouvelle taule dans le toulois [1].
Le Plan Prison, c’est un énième plan de construction et d’agrandissement de prisons en france porté par Manuel Valls en 2016. L’objectif : construire 15 000 places de prisons supplémentaires en france d’ici 2027. Avec ce plan, l’idée est aussi de diversifier les types de taules sur le modèle de la carotte et du bâton. Plus d’autonomie pour les prisonnier·es qui respectent les règles de l’Administration Pénitentiaire (AP) et qui jouent le jeu de la « réinsertion », plus de surveillance et de répression pour celleux qui présentent un potentiel de dangerosité.
Dans le toulois, après s’être battu pour la construction d’une prison « classique » de 600 places à Dommartin-lès-Toul (ancien hôpital Jeanne d’Arc), et suite à l’annulation par le ministère de la justice de ce projet, Dominique Potier a fortement sollicité la création d’un nouvel établissement pénitentiaire dans le quartier de la Croix de Metz (près de l’espace K, anciennement Kleber). Cette nouvelle prison de type InSERRE [2], basée sur le travail et la formation, accueillerait 180 détenus dès 2027.
Que cette prison soit basée sur le travail avec un peu moins de restriction (cellule individuelle, libre circulation dans l’établissement en journée, permissions de sortie en fin de peine,..) ou qu’il s’agisse d’un établissement pénitentiaire classique comme c’était le projet initialement, cette nouvelle prison est l’infâme conséquence de la pugnacité carcérale d’une poignée d’élu.es convaincu.es que le business de l’enfermement est un moyen comme un autre de « développer le territoire » et qu’il ne faudrait pas en rougir. Pire que ça, il faudrait même en être fier.e, ou du moins c’est ce que semble affirmer Dominique Potier pour qui l’arrivée d’un nouveau lieu d’enfermement sur le territoire équivaut à « la concrétisation d’une forte mobilisation collective, et l’arrivée d’un projet innovant, humain, et qui va créer de l’emploi ».
On pourrait bien se demander ce qu’il y a « d’innovant » ou même « d’humain » dans le fait d’enfermer des individuEs contre leur gré dans des lieux qualifiés de « privation de libertés ». L’humanisme de Dominique Potier ne semble se résumer qu’à la création d’emplois pour les entreprises du bâtiment, du nettoyage, de la restauration et de la surveillance pénitentiaire [3] dont le gagne-pain dépend de l’incarcération de leurs semblables. D’ailleurs, il a lui-même exprimé récemment être « pour une humanisation de la mondialisation » [4] : à ce niveau-là, il s’agit de rendre le système capitaliste plus acceptable aux yeux de toustes, et pour ça, ça passe par la promotion d’établissements pénitentiaires avec le sourire et en vantant les bienfaits de l’emploi dans un territoire désastré par le chômage.. Bravo, l’artiste ! Bravo, l’humaniste !
Tout comme celles d’Arras (Pas-de-Calais) et de Donchery (Ardennes), le projet de prison expérimentale de Toul est centré sur le travail et la formation des détenu·es condamné·es à une peine de moins de cinq ans et qui devront passer un entretien d’embauche. Si dans sa communication sur ces taules expérimentales, l’État met en avant les améliorations de conditions de détention pour celles et ceux qui en « bénéficieraient », la réalité de l’exploitation des prisonnier.es est bien moins reluisante. En effet, ces dernières années se développe une véritable organisation de l’exploitation pénitentiaire au profit des patrons, par le biais de l’agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice (ATIGIP), créée en 2018. Cette agence a pour rôle de développer le travail pénitentiaire, et de le rendre plus attractif via la plateforme promotionnelle de www.travail-prison.fr. L’ATIGIP fait également la promotion du travail gratuit suite à condamnation pénale (Travail d’Intérêt Général) via la plateforme www.travail-interet-general.fr, qui n’est autre qu’un Pôle Emploi ou un Service Civique du travail gratuit. Rien de très étonnant, quand on se rappelle que le travail en prison n’est plus obligatoire en france que depuis 1987.
La volonté de poursuivre le business carcéral se retrouve également à travers une communication publique qui met en avant le statut des personnes détenu.es comme particulièrement profitable aux entreprises. Lors d’une visite de prison en décembre 2021, le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti a rappelé les avantages du travail pénitentiaire pour les entreprises : coûts maîtrisés, flexibilité, et engagement sociétal, avant de dire : « Je ne veux plus que vous vous sentiez gênés de faire appel au travail en prison. Au contraire, vous pouvez en être fiers. Le travail en détention est utile aux patrons, aux détenus, à la société en faisant chuter le risque de récidive. » … Les masques tombent ! Tout ce qui n’est pas (encore) possible dans l’exploitation salariale conventionnelle le devient grâce à la taule ! Et pour encore plus d’acceptabilité sociale, on accolera l’étiquette « made in france » sur cette délocalisation à domicile (où la main d’œuvre est payée 45 % du SMIC, avec 6 jours de congés par an) !
Alors qu’en 2021, près de 400 entreprises sont implantées en détention (L’Oréal, Bic, La Redoute, Yves Rocher, Bouygues, Suez, Microsoft, Vinci, Safran,..) et que 31 % de la population carcérale, soit 20 000 personnes détenues, travaillent chaque mois en moyenne ; ce Plan Prison s’inscrit dans un processus d’exploitation généralisé et va permettre, comme ici à Toul, de gaver de nouvelles entreprises en développant de véritables prisons-usines.
Plus de 200 ans après que l’on conçoive la prison comme peine, il est évident que la justice et ses lieux ignobles ne suppriment pas les rapports de domination mais les entérinent. Et qu’au-delà de cela, enfermer des individus est inacceptable pour qui désire la liberté de toustes. C’est en réalité une façon d’occulter les problèmes, qui sont intrinsèques à cette société fondée sur des rapports de pouvoir et notamment d’argent.
Attaquons les entreprises qui construisent ces prisons, celles qui en profitent et les élu·es qui permettent à ce que tout cela soit possible !
Feu aux prisons, les patrons au milieu !
En attendant, force à celleux qui survivent en prison !
Vive l’anarchie ! Vive la révolte ! [5]
(Communiqué anonyme)
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