Afin d’alléger l’article et de m’éviter des recherches factuelles éprouvantes qui ne serviraient qu’à convaincre les déjà convaincu.es. J’ai choisi de me concentrer sur les raisons subjectives qui construisent nos convictions et non sur les faits qui peuvent être de toute façon manipulés sans que cela soit facilement détectable par des non spécialistes.
1. Quelques raisons de ne pas se vacciner
Où se trouve notre solidarité de classe et que signifie-t-elle ?
Les personnes qui choisissent de ne pas se vacciner sont souvent des personnes précaires, peu éduquées ou marginales. Les laisser affronter seul.es la honte que renvoient les médias et la bourgeoisie envers les non vacciné.es est impensable. Être solidaires avec les plus opprimé.es, c’est aussi partager leurs quotidien et refuser de parvenir. S’afficher comme non-vacciné.es peut donc être vu comme un geste de solidarité envers ces personnes et partager le stigmate sociale de la non-vaccination.
De plus le débat est tellement dominé par la bourgeoisie des villes pour laquelle la vaccination est facile (nombreux centres de vaccinations disponibles, accès à des informations de qualité en dehors des bavardages médiatiques, etc.) que cela donne envie de ne pas se faire vacciner juste pour lutter contre le mépris de classe.
Les experts ont l’habitude de se tromper : pourquoi les croire sur le covid ?
Quand on lutte contre le capitalisme, on a l’habitude d’aller à contre-courant des paroles médiatiques. On est souvent dans le camp des personnes isolées médiatiquement.
Les paroles d’ « experts » sont remises en question dans le milieu militant. On souhaite repolitiser des sujet qui sont souvent réduits par des discussions techniques ou scientifiques. L’exemple le plus frappant est celui du choix de l’énergie nucléaire qui correspond à un choix de société et qui est souvent réduit à des débats scientifiques et techniques inaccessibles à la majorité de la population.
Refuser le vaccin, c’est refuser la solution unique du vaccin et défendre d’autres perspectives sociales que le solutionnisme technologique et scientifique.
L’industrie pharmaceutique est pourrie par le capitalisme
Accepter les vaccins produits par l’industrie pharmaceutique peut être vu comme dangereux tant l’on connaît les méfaits et les mensonges de ces entreprises. Ces entreprises font des profits énormes grâce à la pandémie : tests, vaccins, etc. Face à ces industries néfastes, les militant.es préfèrent souvent les médecines alternatives à base de plantes et revenir à des savoirs plus anciens que la société capitaliste a préféré oublier. De plus la rapidité de développement du vaccin et des tests laisse planer le doute car on se rappelle de scandales liées aux industries pharmaceutiques (médiator, etc.).
Ne pas se faire vacciner pour lutter contre les dérives totalitaires et les injustices
Le capitalisme utilise et utilisera la pandémie pour faire accepter des technologies de contrôle extrêmement dangereuses (comme le contrôle généralisé de QR-code individuel).
Il y a une injustice quand l’on compare les moyens débloqués pour la recherche sur le covid et les moyens débloqués pour lutter contre d’autres épidémies qui gênent moins l’accumulation de profits (ébola, sida, etc.). La possibilité de donner 3 doses aux personnes vivant les pays riches alors que des pays plus pauvres n’ont pas assez de doses de vaccin est également injuste en plus d’être une absurdité d’un point de vue sanitaire.
D’autre part, on ne peut que remarquer l’incohérence gouvernementale qui détruit l’hôpital public et le système de santé public d’un côté tout en nous forçant à nous vacciner de l’autre.
Ne pas se faire vacciner peut être vu comme un geste de rébellion face à ces dérives et ces injustices.
La puissance idéologique des anti-vaccins a des effets qu’on sous-estime
Nos convictions ne sont pas construites uniquement sur des faits mais à partir de notre subjectivité. Une partie de la population est méfiante face à tous les vaccins : c’est pourquoi de nombreux vaccins sont aujourd’hui obligatoires. Le bilan humain de cette obligation est positif (car les vaccins sont en général très efficaces et avec quasiment aucun effet secondaire) mais l’obligation n’a pas diminué la puissance de conviction des personnes contre les vaccins. Avec la pandémie, ces personnes ont ressorti leurs vieux arguments et ont réussi à créer une vraie caisse de résonance à leurs idées. C’est presque paradoxal que les vaccins soient autant remis en question (plus que les antibiotiques j’ai l’impression) alors qu’ils sont en général très efficaces et avec peu d’effets secondaires (contrairement aux antibiotiques qui ont de nombreux défauts).
Le rayonnement idéologique des antivax a pu pénétrer notre inconscient. On se méfie des vaccins spontanément sans forcément relier cette méfiance à la propagande antivax.
2. Pourquoi j’ai choisi de me vacciner, moi ?
Des privilèges qui m’ont évité le bavardage médiatique et la confusion gouvernementale
J’ai eu accès à des informations de qualité via des personnes en qui j’ai totale confiance grâce à des privilèges de classe (ami.es médecins, chercheur.euses, etc). Ces personnes ont pris le temps de m’expliquer les recherches médicales en cours, les espoirs, les fausses solutions, etc. Ainsi je n’ai eu aucun doute sur le fait que les charlatans (Raoult avec sa chloroquine, Perrone avec l’artémisia par exemple) étaient bien des charlatans et n’apportaient aucune preuve convaincante de leurs affirmations (qui ont été par la suite prouvées comme fausses d’ailleurs).
Dès le début, on m’avait expliqué que la vaccination serait la meilleure solution pour sortir le mieux possible de la pandémie mais qu’il était rare qu’on puisse développer des vaccins rapidement. J’ai donc été agréablement surpris quand les vaccins sont arrivés si tôt. Les vaccins reproduisent le schéma standard de notre système immunitaire et ont en général des effets secondaires à court terme et non sur le long terme. Donc même si j’aurais souhaité que le vaccin soit testé plus longtemps (afin de tester s’il y avait des effets secondaires à moyen-long terme), j’ai décidé de me vacciner très tôt.
Ce qui m’a convaincu est l’absence d’effets secondaires graves à court terme et la conviction qu’un vaccin aiderait grandement à lutter contre le Covid.
Une vaccination qui a prouvé à la fois son utilité et l’absence d’effets secondaires graves
Au final, je ne regrette pas du tout ce choix de la vaccination. Même si de nouveaux variants deviennent résistants à ce vaccin en particulier ou s’il faut de nouvelles doses, le temps gagné grâce à la vaccination a déjà permis de limiter énormément les effets négatifs de la pandémie jusque là. Et chaque mois gagné permet d’améliorer la recherche et nous rapproche de l’immunité collective,
Le vaccin est encore aujourd’hui, malgré les nombreuses mutations du Covid, toujours très efficace pour prévenir les formes graves. En me vaccinant, je me protège donc moi-même car même si j’ai peu de chances de développer une forme grave, le risque est loin d’être nul. Je protège également les autres en limitant les chances que j’occupe un lit d’hôpital. Je regrette que plus de personnes capables de le faire ne se vaccinent pas pour permettre aux hôpitaux d’avoir plus de lits disponibles pour les personnes en ayant besoin (personnes non vaccinées, immunodéprimées, etc.) et éviter la surcharge.
Cette question de la surcharge hospitalière n’est pas uniquement une question de moyens alloués aux hôpitaux : sans vaccination et même avec une capacité bien supérieure en lits, il y aurait eu beaucoup trop de malades du Covid avec les variants Delta ou Omicron extrêmement transmissibles. La vaccination avec le vaccin actuel d’une grande partie de la population a déjà permis d’éviter la catastrophe. Ainsi le variant Delta était beaucoup plus dangereux que la souche initiale de Covid-19 mais les effets ont été grandement atténués par la vaccination de masse.
Le vaccin permet également de réduire un peu les chances d’attraper le Covid ou de le transmettre. Cela n’est pas négligeable pour ralentir la dynamique de l’épidémie et atténuer les pics de nombres de formes graves qui surchargent les hôpitaux.
Quelques doutes et espoirs
Les doses répétitives posent cependant évidemment question. Pour les personnes souffrant d’effets secondaires chiants (du style 2 jours HS), se faire vacciner tous les 3 mois est un vrai problème. Mais on est dans une situation de pandémie où malheureusement, il faut quelques fois attendre avant qu’on trouve une meilleure solution et il s’agit d’une question de solidarité avec les personnes qui n’auront pas de chance et développeront une forme grave. J’espère qu’on arrivera à trouver de nouveaux vaccins qui demanderaient moins de rappels et qui serait globalement plus efficace.
J’espère qu’on aura un jour des vaccins qui bloqueront plus efficacement la transmission et la contamination notamment. Avec un vaccin aussi peu efficace sur la transmission, on ne protège pas les personnes immunodéprimées mais seulement les personnes pour lesquelles le vaccin fonctionne car le virus circule au sein de la société.
3. Pourquoi je considère que les raisons citées avant ne sont pas suffisantes pour ne pas se faire vacciner ?
La plupart des raisons ne concerne pas le vaccin contre le Covid-19 mais son intégration dans le monde capitaliste (laboratoires pharmaceutiques, injustices sociales, privatisation de l’hôpital, etc.). Je pense qu’il est important de faire la part des choses : on peut être contre le passe sanitaire tout en choisissant de se vacciner. Mais voici quelques réflexions que m’inspirent la crise du Covid-19.
Comment faire confiance à la science tout en se méfiant d’elle ?
Il est important de faire la distinction entre l’institution scientifique en tant que rouage du monde capitaliste que nous combattons et les connaissances que cette institution peut quelques fois produire et qui peuvent être utiles à la société.
La méthode scientifique de production de connaissance est biaisée de plusieurs manières par le capitalisme : contrôle du choix des sujets de recherche par l’état et les entreprises (financement de la science par projet), doute entretenu par les entreprises quand des résultats ne leur conviennent pas (par exemple sur la nocivité du tabac ou sur le réchauffement climatique), positivisme scientifique (essayer d’appliquer la méthode scientifique partout même quand cette dernière ne semble pas adaptée), etc. Cela ne veut pas dire que toutes les connaissances produites scientifiquement sont fausses.
Dans le cadre de l’évaluation des médicaments et des vaccins, la méthode scientifique a fait ses preuves. Là où la médecine moderne nous arnaque, c’est en n’appliquant pas ces méthodes d’évaluation à d’autres remèdes que ceux produits par l’industrie pharmaceutique : ainsi on a peu de données fiables pour la plupart des traitements utilisant directement des plantes et non des médicaments produits par l’industrie.
Aujourd’hui, il y a un réel consensus scientifique sur l’efficacité et l’intérêt du vaccin : on est loin de l’impression de controverse entretenu par les médias. Il y a une unanimité proche de 100 % dans le monde médical sur le fait que le vaccin est une excellente protection face au covid-19 (avec des limites identifiées évidemment). Les chercheur.euses en médecine ne sont pas contrôlé.es par le capitalisme au point où quasiment l’intégralité de ces dernièr.es mentiraient ou seraient trop bêtes pour se rendre compte qu’on les manipule.
Il est important de savoir faire confiance quand on n’a pas les compétences ni les moyens d’évaluer par nous-mêmes. Le refus de l’expertise n’est pas le refus du savoir ou de la connaissance.
Être solidaire avec les personnes non-vaccinées tout en protégeant les plus fragiles
Ne pas insulter les personnes (de complotisme, d’eugénisme, d’individualisme ou autres) qui ont choisi de ne pas se vacciner me paraît aujourd’hui extrêmement important. Ce n’est pas via la colère ou l’insulte que l’on arrivera à convaincre. Ce n’est pas non plus en refusant d’aborder ce sujet compliqué que l’on aide des personnes qui ont peur ou qui n’ont pas eu accès à des informations de qualité. C’est en apportant de l’information sans forcément chercher à convaincre que l’on aidera réellement les personnes ayant des doutes.
Polariser le débat, c’est encourager les dérives complotistes et sectaires. Face à ces dérives, il est important de continuer d’expliquer à nos proches, de débattre en respectant la parole des autres, de prendre le temps de partager des informations, d’expliquer pourquoi on a choisi de se vacciner, etc.
Car la solidarité de classe n’exempte pas de solidarité avec les personnes fragiles. Se vacciner, c’est se protéger soi-même (car la balance bénéfice-risques du vaccin est positive même pour les personnes sans facteurs de risques) et protéger les autres (en prenant moins de risques d’occuper un lit d’hôpital alors qu’on aurait pu l’éviter et en diminuant la transmission).
Je suis convaincu que dans une société anarchiste où l’on prendrait le temps de débattre entre nous, il n’y aurait aucunement besoin de rendre des vaccins obligatoires. Une grande majorité des personnes seraient convaincues grâce au débat collectif et se vaccineraient spontanément.
Comment se repérer politiquement dans cette période ?
- Défendre le vaccin quand des personnes en parlent sans rentrer dans des confrontations stériles (cela ne sert à rien de discuter quand on ne s’écoute pas). Notez cependant qu’on ne peut pas espérer convaincre pendant une discussion de 10 minutes des personnes ayant passé des dizaines d’heures à lire des articles et à regarder des vidéos sur Internet.
- Défendre l’accès à la vaccination gratuite pour toustes : dans les campagnes, dans les pays pauvres, etc. Le vaccin est actuellement le meilleur rempart actuel contre le Covid et le sera encore à l’avenir s’il est amélioré (pour s’adapter aux nouvelles mutations, limiter le nombre de doses, etc.). Les probabilités que des médicaments miracles face au Covid apparaissent sont extrêmement faibles alors que la vaccination permet de renforcer nos défenses immunitaires et d’éviter les formes graves en amont. Les deux approches (développement de la vaccination et des traitements pour les formes graves) sont évidemment complémentaires.
- Protéger les personnes les plus fragiles en limitant de son mieux la circulation du virus. On ne voit pas extérieurement si une personne est immunodéprimée ou pas. Même si cela peut être chiant, la pandémie rend l’utilisation de masques FFP2 indispensable dans de nombreuses situations... Avant d’aller voir une personne immunodéprimée ou à risques, se faire tester est une idée simple et efficace.
- Critiquer la privatisation des bénéfices du vaccin alors qu’ils ont été développés sur de l’argent public. Les vaccins ont été majoritairement développés grâce à des financements publics et non privés. Pourtant ce sont bien des firmes privées qui posent leurs marques sur ces vaccins et qui font des bénéfices dessus : il est important de lutter contre cet accaparement surtout quand cela concerne de la santé publique. Le vaccin devrait être gratuit dans tous les pays du monde et accessible à toustes !
- Critiquer la destruction du service public de la santé et les dangers qui y sont liés. Aujourd’hui, nous avons besoin d’un hôpital public qui soigne gratuitement toustes celleux qui en ont besoin. Les médecines alternatives plus douces défendues par de nombreuxes militant.es ne sont pas capables aujourd’hui de remplacer l’hôpital public et ses capacités de soin notamment pour les maladies les plus graves. Les techniques de la médecine moderne ne sont pas à jeter en bloc : de nombreuses méthodes ont fait leurs preuves et ne sont applicables qu’avec des moyens importants. Développons notre autonomie face à la médecine moderne et la science tout en acceptant nos limites actuelles et en défenfant l’hôpital public !
- Critiquer les dérives totalitaires. La méfiance légitime envers les gouvernements et l’industrie pharmaceutique complique légitimement la vaccination des populations (méfiance, etc.). Face à cela, le gouvernement choisit la pire solution : l’obligation (passe vaccinal) et le contrôle. Ce choix de stratégie ne fait qu’encore plus polariser le débat et renforcera à long terme les mouvements complotistes et anti-vaccins. Et ce contrôle créera des précédents qui seront utilisés ensuite dans d’autres cadres : à quand un QR-code pour prouver que l’on a un casier judiciaire vierge ou autres ?
Post-scriptum
Je voulais finir cet article en donnant quelques sources que je considère comme fiables sur le Covid-19. Malheureusement, je me rends compte que je n’y suis pas arrivé...
Je pense que le meilleur réflexe pour se protéger de la désinformation est d’éviter de se retrouver uniquement seul.es face à son écran d’ordinateur pour se renseigner. Ce n’est qu’en discutant collectivement, qu’en débattant de vive voix que l’on peut se protéger de techniques de manipulation sur Internet. Faire le tri ensemble de la masse d’informations disponibles, demander à des ami.es de confiance ce qu’iels pensent est sûrement la façon la plus simple de limiter les erreurs de jugement.
Illustration : Virus de la BU sur Wikimedia Commons (CC-BY-SA 4.0)
Compléments d'info à l'article