Surveillance policière lors de la deuxième édition de la Fête des Barricades

Bure (55) |

Du 5 au 11 septembre 2024, la deuxième édition de la Fête des Barricades s’est tenue à l’ancienne gare de Luméville, près de Bure, dans le contexte de l’opposition au centre d’enfouissement de déchets radioactifs Cigéo. Lors de cet évènement l’État a mis en place un certain nombre de moyens de surveillance, comme il a l’habitude de le faire à chaque évènement organisé dans le coin. Dans cet article, on présente une revue non exhaustive de ces moyens de surveillance.

L’objectif de cet article est double : d’une part, consigner des informations déjà connues mais souvent transmises uniquement par bouche-à-oreille, et d’autre part, encourager d’autres personnes à effectuer un tel travail d’observation de la surveillance policière lors d’évènements militants, autour de Bure ou ailleurs. Observer et comprendre les capacités de surveillance de l’État nous semble être une étape nécessaire si notre objectif est de les déjouer.

Contrôles de véhicules

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Une voiture de gendarmerie en patrouille pendant l’évènement.

Tout au long de l’évènement des gendarmes ont effectué un grand nombre de contrôles de véhicules dans un périmètre large autour du lieu de l’évènement. Ces contrôles ont parfois été accompagnés de la fouille du véhicule et du contrôle de l’identité des passagers, ce qui était permis par de multiples réquisitions couvrant le temps de l’évènement. Ils ont été effectués :

  • Par des gendarmes stationnés au niveau de points de contrôle fixes, souvent des carrefours importants ou autres endroits stratégiques.
  • Par des gendarmes en patrouille, dans des voitures sérigraphiées ou non.

Durant l’évènement, à deux reprises, des contrôles de véhicules ont été interrompus après que quelques dizaines de personnes participant à l’évènement aient volontairement rejoint l’emplacement du contrôle pour le perturber (les gendarmes préférant alors arrêter le contrôle plutôt que de risquer que la situation ne dégénère).

Suite à un contrôle, une personne contrôlée a été emmenée à la gendarmerie pour une vérification d’identité, puis, la personne ayant refusé de donner sa signalétique (empreintes digitales et photo), en garde-à-vue. La personne a passé une nuit à la gendarmerie puis a été relâchée sans poursuites.

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Des gendarmes en uniforme en patrouille dans une voiture non sérigraphiée pendant l’évènement.
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Des gendarmes et leurs véhicules lors d’un contrôle pendant l’évènement.

Hélicoptère de la gendarmerie

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L’hélicoptère de la gendarmerie pendant l’évènement.

La plupart des jours de l’évènement, un hélicoptère de la gendarmerie a survolé différents endroits dans un périmètre large autour du lieu de l’évènement. En particulier, cet hélicoptère passait généralement quelques minutes à survoler les abords de l’ancienne gare de Luméville, vraisemblablement en prenant des photos.

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L’hélicoptère de la gendarmerie pendant l’évènement, vu par une caméra thermique (NETD 40 mK).

Avions privés

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L’un des avions pendant l’évènement, vu par une caméra thermique (NETD 40 mK). À gauche : devant un ciel dégagé. À droite : devant un nuage.

Plusieurs avions privés ont survolé les abords de l’ancienne gare de Luméville lors de l’évènement, vraisemblablement en prenant des photos. On a pu prendre en photo deux de ces avions, immatriculés respectivement F-HCFX et F-GIZH. Une analyse des trajectoires de vol de ces avions sur des sites web tels que Flightradar24 semble indiquer qu’ils sont habituellement stationnés à l’aéroport de Lyon-Bron.

F-HCFX

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L’avion immatriculé F-HCFX pendant l’évènement.

L’avion immatriculé F-HCFX, de modèle Cessna 172S Skyhawk SP, a survolé l’ancienne gare de Luméville lors de l’évènement. Il semble faire partie de la flotte de l’Aéro-Club du Grand Lyon.

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L’avion immatriculé F-HCFX en 2021.

F-GIZH

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L’avion immatriculé F-GIZH pendant l’évènement.

L’avion immatriculé F-GIZH, de modèle Cessna 172R Skyhawk, a survolé l’ancienne gare de Luméville lors de l’évènement. Il semble faire partie de la flotte de l’Aéro-Club du Rhône et du Sud-Est.

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L’avion immatriculé F-GIZH en 2020.

Drones

Pendant l’évènement, plusieurs drones, appartenant vraisemblement à la gendarmerie, ont été aperçus dans un périmètre large autour du lieu de l’évènement.

Postes de surveillance fixes

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En rouge : l’ancienne de gare de Luméville. En bleu : deux postes de surveillance fixes utilisés par les gendarmes lors de la deuxième édition de la Fête des Barricades. On remarquera que ces postes offrent une vue en hauteur sur les chemins reliant l’ancienne gare de Luméville au village de Mandres-en-Barrois, chemins régulièrement empruntés par les personnes participant à l’évènement.

Tout au long de l’évènement des gendarmes se sont stationnés, pour des durées variables, sur des emplacements stratégiques (typiquement en hauteur) le long de routes ou de chemins dans un périmètre large autour du lieu de l’évènement. Contrairement aux points de contrôle fixes, ces postes de surveillance ne semblaient pas servir à contrôler des véhicules mais simplement à observer les environs.

Perspectives

Quelques perspectives sur cet exercice d’observation de moyens de surveillance :

  • Il ne s’agit pas d’observer pour le plaisir d’observer. Idéalement, un tel exercice devrait mener à l’obtention d’informations exploitables. Une information peut être exploitée pour obtenir d’autres informations : par exemple, savoir que les avions qui surveillent le lieu de l’évènement sont stationnés à l’aéroport de Lyon-Bron pourrait nous permettre d’observer leurs décollages afin de savoir qui les pilote. Une information peut aussi être exploitée pour atteindre un objectif immédiat : par exemple, connaître les postes de surveillance fixes des gendarmes pourrait nous permettre de leur rendre visite sur ces postes pour perturber leur surveillance.
  • Cet article est public, notamment dans l’objectif de démontrer la faisabilité et l’intérêt de ce type d’exercice d’observation. Mais on dit souvent que dans le cadre d’un conflit, la valeur d’une information dépend du secret de cette information, et c’est souvent vrai. Certaines informations ne devraient donc pas être rendues publiques si on veut pouvoir les exploiter.
  • Les photos de l’hélicoptère et de l’avion prises par une caméra thermique ont été prises de jour, mais auraient pu être prises de nuit. En effet, l’imagerie thermique permet de « voir dans le noir ». L’utilisation de l’imagerie thermique lors d’évènements ou d’actions pourrait permettre de détecter des appareils volants (hélicoptères, avions, drones), même de nuit, et même lorsque ceux-ci ne sont pas ou peu audibles. La capacité à détecter un appareil dépend notamment de sa taille, de sa distance par rapport à la caméra, de sa signature thermique, et des caractéristiques de la caméra (notamment son champ de vision et sa résolution), et mériterait des analyses plus approfondies.