Le 5 décembre 1971 à la Centrale Ney de Toul éclate une virulente mutinerie qui va s’étendre rapidement à l’ensemble du pays avec 35 révoltes de prisons.
Le point de départ : une mutinerie de deux détenus à Clairvaux en septembre 1971, qui prennent deux otages et les tuent lorsque survient l’assaut des forces de l’ordre. À la suite, dans la presse c’est la stigmatisation des détenus, et les brimades, coups, privations se multiplient dans toutes les prisons de France. Les colis de noël sont supprimés, ce qui va mettre le feu aux poudres.
Les détenus de la centrale de Toul sont sous le joug d’un violent tortionnaire d’Algérie, le directeur Georges Galiana. Ils lui adressent en vain des revendications écrites collectivement, occupent les atelier, saccagent le bâtiment, allument un incendie puis montent sur les toits. De là ils négocient le départ du directeur et l’amélioration de leurs conditions de détention ainsi que la renonciation à des sanctions par la suite. Le directeur ne part pas, les détenus meneurs, retournés à leurs cellules sont dépouillés de leurs biens et passés à tabac. La révolte reprend, les portes sont arrachées, la gendarmerie mobile est envoyée dans le bâtiment. La psychiatre et l’Aumônier de la prison qui ont fait la médiation avec les prisonniers sont destitués et privés d’accès à la prison.
La révolte de Toul va faire couler de l’encre puis entraîner celles d’autres prisons, dont celle particulièrement virulente, un mois plus tard, le 13 janvier 1972, à la prison de Charles III à Nancy. Toute la prison est ravagée et barricadée par les détenus qui montent sur le toit d’où ils jettent des tuiles en bas auxquelles sont jointes leurs revendications. Autour une foule massée soutient les détenus et la presse afflue. La garde est renforcée dans toutes les prisons sur ordre du ministère de l’intérieur mais va entraîner la création d’une commission d’enquête de la chancellerie et la création d’un bon nombre de Groupes d’Information sur les Prisons militants, sous l’impulsion de Jean-Marie Domenach, Michel Foucault et Pierre Vidal-Naquet qui avaient créé le premier GIP en février 1971.
Un récit raconté dans le film « Sur les Toits » (ou sur YouTube) de Nicolas Drolc en 2014 et qu’on retrouve dans le podcast qui lui a été consacré le 1er juin 2022.
Le 25 juillet 2019, en protestation des délais de transfert de leurs dossiers, deux détenus du Centre de détention d’Écrouves escaladent le toit et sont délogés par les forces d’intervention des ERIS.
Le 17 avril 2020 une mutinerie éclate au Centre de détention d’Écrouves : trente détenus bloquent un étage et incendient leurs matelas durant le confinement, lorsque les visites étaient suspendus dans toute la France.
Et le 25 octobre dernier c’est un homme seul de 25 ans incarcéré depuis 5 ans qui monte sur le toit pour protester contre ses conditions de détention, notamment l’inconfort de son lit. Il lance de nombreuses tuiles vers le sol pour chasser les pompiers qui tentent de le rejoindre, il menace de dégarnir tout le toit si on ne lui envoie pas de négociateur. Il finit par se rendre aux ERIS qui assiègent le bâtiment.
D’un toit à l’autre, les revendications des prisonniers récoltent le bruit ou le silence, nous en sommes en tous cas les porte-voix au-delà des murs. Solidarité avec tous les prisonnièr.es, abolition de toutes les prisons !
katyusha@riseup.net
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