Seconde partie : La Lutte
Du 9 mars et le premier blocage de la faculté du Saulcy au 7 avril avec la fin du blocage des bâtiments, et l’installation des personnes encore mobilisées dans le préfabriqué.
Le 9 mars la fac est bloquée. A partir de là va s’enchaîner un petite routine entre AG, deux fois par semaine et manif.
Les AG se tiennent dans l’amphi Lemoigne qui est occupé jour et nuit par des étudiant-e-s et aussi quelque précaires. Bien que prévues pour être des moments d’organisation, c’est surtout la question du blocage des cours qui prend beaucoup de place en AG avec l’intervention des opposant-e-s au blocage.
Le blocage sera pourtant reconduit de façon continue jusqu’au 29 mars où la levée du blocage a été votée (d’après les anti blocage, 740 voix pour le blocage, 843 étudiants contre.)
Durant tout le mouvement, les manifestations sont énormes à Metz. Le 18 mars, pour la journée nationale de manifestation, ce sont 10.000 personnes qui se rassemblent à Metz. Le 23, le premier ministre est en visite à Metz, 4000 personnes, surtout des lycéen-ne-s, se mobilisent (les étudiant-e-s sont en manif à Paris) contre sa venue aux Arènes. Même les plus petites villes se mobilisent : le 24, manifestation des lycéens à Fameck, par exemple.
La levée du blocage ne sera effective que le 7 avril. Il y a reprise des cours, certes, mais en réaction, nous avons un blocage du pont de l’île du Saulcy, des cours perturbés. Un sit-in d’étudiants grévistes se tient devant la présidence en fin de matinée pour exiger la démission du président LIOGER, une Assemblée Générale se déroule devant le bâtiment SHA, et une manif contre la répression des actions du 30 mars et 3 avril jusqu’au tribunal.
Le président de l’université fait appel à une société de sécurité pour empêcher tout nouveau blocage. Dans le bâtiment de Droit, les grévistes n’ont pas réussi à s’introduire dans l’UFR qui était bloquée par des étudiants. Une étudiante gréviste a été agressé à la bombe lacrymogène.
Un préfabriqué à l’entrée de l’île est tout de même gardé par les grévistes.
Le mouvement, sur Metz, n’est pas encore tout à fait fini.
1. Faisais-tu partie des personnes occupant l’amphi de façon continue ?
A : Oui effectivement (parfois avec des passages par ma chambre d’étudiante quand même) ainsi que le préfabriqué par la suite.
Et : Oui. J’y dormais avec quelques copains. La journée, on tractait aux alentours de l’amphi. La nuit, on mettait en place les blocages et on surveillait l’amphi pour ne pas se faire déloger. On nous traitait de feignasses mais globalement, j’ai rarement été aussi actif durant mes années universitaires :)
T : J’étais quasiment tout le temps à l’amphi et quand j’avais besoin d’un peu de repos, je dormais chez des amis sur Metz. Je pense être très peu rentré chez mes parents.
El : Oui ! A part quelques allers-retours chez mes parents pour me doucher, faire un vrai repas (et la fierté de mon papa), et cuisiner des cookies à vendre pour le mouvement. J’y dors plusieurs nuits par semaine 😊
B : Oui. J’ai passé l’essentiel de mon temps à l’occupation de l’amphi Lemoigne, et je prenais mes douches à l’arrache à la cité U à côté. Mes parents ne m’ont pas vu pendant quelques semaines !
2. Raconte un souvenir d’une AG particulièrement réussie et/ou particulièrement ratée.
A : Ce que je trouvais hallucinant c’est qu’il pouvait y avoir des gens complètement différents qui prenaient la parole, même parfois avec des points de vue très « lunaires », ce n’est pas le bon mot mais c’est un peu ce que je ressentais à l’époque. Je pense pouvoir dire, avec le recul, que j’étais dans une situation précaire (même s’il y a encore bien plus mal loti que moi !) et j’ai trouvé des gens qui me ressemblaient, qui pouvaient me comprendre.
En revoyant certaines photos, je souris… je ne me souvenais pas que nous avions envisagé d’envahir l’hôtel de police ou de bloquer un aéroport ! On avait de l’ambition à l’époque et je trouvais ça super !
Et : Je me souviens d’une AG qui était un peu partie en sucette. Elle avait été organisée devant l’UFR Sciences Humaines puisque l’amphi Demange était trop petit. On devait être autour de 3000, de mémoire. L’AG avait tourné quasiment exclusivement sur la question du blocage. Le vote largement favorable au blocage avait provoqué la colère des antis et c’était un peu parti en couille.
T : Je me souviens des grosses AG où il y avait tellement de monde qu’on faisait ça à l’extérieur faute de place dans l’amphi et où, arriver à reconduire le blocage, c’était toujours un grand moment de soulagement et de joie.
Mais en même temps c’était frustrant de passer la majorité du temps sur ce point et ne pas aller plus profondément sur les sujets importants, comme la loi en elle-même.
El : Pfiou !
Je me souviens de deux AG en particulier, mais pas à Metz !
A Aix, où je faisais partie de la délégation représentant Metz. Mais alors le contenu ! Beaucoup de monde, difficile de suivre les débats mais c’était chouette.
A Nancy, quand c’est les univ de Nancy et Metz qui co-organisent l’AG nationale. Je me souviens vaguement que l’organisation avait été compliquée, c’était sur la fin du mouvement, il n’y avait pas beaucoup d’universités représentées… D’après mes souvenirs…
Après, en gros, dès qu’un certain personnage intervenait pour la CNT, cela me gonflait…
B : Il n’y a pas eu beaucoup d’AG particulièrement réussies vu qu’on passait notre vie à voter le blocage, à écouter les même anti-bloqueurs seriner des variantes de « laissez-nous étudieeeeer »… Et l’organisation des actions et de la mobilisation en pâtissait forcément. De même, il n’y a pas eu d’AG particulièrement ratées, sauf à la fin du mouvement où on sentait bien que c’était la fin des haricots…
3. Raconte un souvenir d’une manif particulièrement réussie et/ ou particulièrement ratée.
A : Une manif réussie à mon avis car d’une ampleur énorme, je ne me souviens plus de la date mais nous étions montés à Paris en bus. Il y avait un monde de dingue. C’est la première fois (et presque la seule) que j’ai eu peur dans une manif. Des mecs rentraient dans le cortège malgré nos services d’ordre et dépouillaient les gens de leur appareil photo, leur portable… certains se faisaient taper sur les trottoirs… par des gens qui n’avaient clairement rien à voir avec notre mobilisation. Et puis j’ai vu pour la première fois quelque chose que je refusais un peu de croire au départ : des flics en civil (même « déguisés » en casseurs comme on disait) et qui tabassaient des gens sur le bord de la manif. Ils faisaient tout pour que ça pète et accuser les manifestants.
Ensuite à la place des Invalides, je me souviens m’être retrouvée parmi les CRS suite à un mouvement de foule, j’étais complètement perdue, je me suis vite faufilée pour m’échapper car je savais que je n’étais pas du tout dans le bon camp ! il y avait le feu à des endroits, pour moi, à l’époque c’était un décor et une ambiance de guerre civile !
Et : Rah je n’ai plus de souvenirs particuliers de réussites ou de ratages… Juste que j’avais vraiment l’impression qu’on était très nombreux et solidaires. La manif à Paris était impressionnante, par le nombre de manifestants, de forces de l’ordre mobilisées qui nous empêchaient de prendre les rues adjacentes en cas de problème. Je ne me sentais pas en sécurité ce jour-là. Il y avait des casseurs venus foutre le boxon, mais surtout des RG en civil au milieu du cortège, des interpellations arbitraires, et déjà, de nombreuses charges violentes.
T : J’ai très peu de souvenir de manif, je me souviens que je m’y amusais et aussi ne pas comprendre pourquoi, avec tous les syndicalistes présents, il n’y avait que la fac de bloquée.
El : Un seul ? Ah ah
Pour moi, le jour où nous avons bloqué les rails de la SNCF. Un souvenir de fou ! Par contre, le retour devant la gare, où la CNT propose de continuer la manif à l’arrach, alors que pas annoncée (je ne sais même plus avec quel objectif), en mode vénér et provoc. Et tellement de monde a suivi ! Cela m’a tellement fait l’effet d’un mouvement de moutons, ça ne pouvait que tourner mal ! Et il me semble me souvenir qu’il y a eu des arrestations suite à cela…
Aussi, la manif de Paris, avec certains messins (quasi que de la CNT mais je me trompe peut-être), qui ont quitté le cortège pour courir aux invalides cagoulés… Et la prise de tête pour savoir s’il fallait rentrer sans eux, attendre, bref… Tout ça pour affronter les flics…
B : L’envahissement de la CCI (Chambre du Commerce et de l’Industrie) était un moment particulièrement drôle, avec une occupation bon enfant qui a duré une bonne demi-heure et l’encerclement des CRS en sortant... Même si ça s’est mal fini le long de la place de la République. Il y a eu aussi le blocage des rails et la sortie en cortège dans la gare en hurlant « retrait, retrait, retrait du CPE ! » Je ne me souviens pas d’une manifestation ratée. J’avais vraiment l’impression qu’on était en train de gagner. Et c’était le cas !
4. Le temps libéré par le blocage et la création d’un lieu de lutte à permis à beaucoup de monde de se rencontrer, d’échanger et de créer ensemble. Raconte ce à quoi tu prenais part lors de l’occupation des facs.
A : J’ai participé à leur blocage concrètement en « obstruant » les accès avec les meubles et autres objets que l’on pouvait trouver. Ensuite j’ai participé aux occupations, c’est-à-dire qu’on restait dans les locaux occupés jour et nuit pour éviter qu’ils ne soient débloqués (par les « anti-blocage » ou par le personnel de la fac). Concrètement, des « tours de garde » s’organisaient, on était relayés et d’autres personnes pouvaient parfois nous ramener à manger. Je me souviens même que certains profs nous ont donné un peu d’argent un soir pour commander des pizzas, c’était une forme de soutien.
Et : Oui, je me suis fait la plupart de mes potes de fac à cette occasion.
Je bloquais les bâtiments la nuit, les surveillais le jour. Je tractais, collais des affiches en ville… Et comme j’étais en filière artistique, je participais aux différents moments de création, happenings etc organisés sur et en dehors du campus.
T : J’occupais l’amphi, on y avait des formidables discussions politiques, j’ai pu mettre des mots sur mes idées, me rendre compte que j’étais anarchiste sans le savoir.
On y faisait pas mal la fête aussi.
J’avais vraiment l’impression de participer à quelque chose d’historique et je voulais que ça prenne plus d’ampleur aussi.
El : C’est vrai… De belles rencontres, certaines éphémères, certaines qui ont duré plus longtemps, certaines toujours là. Des débats, des discussions, de la confiance. C’était top ! La création des affiches, les idées d’actions (horodateurs, sit-in baillonnés, les slogans, les affiches….).
Les kebabs ! Sans eux, nous aurions eu nettement moins d’inspiration !
J’ai fait plusieurs choses : je participais à la préparation, la vente et la gestion des pâtisseries et boissons, ce qui permettait surtout d’entamer la discussion au calme avec les étudiants qui se retrouvaient bloqués (et de détendre l’atmosphère avec certains opposants).
J’ai aussi aidé à organiser certaines manifestations et actions, et y ai participé, ainsi qu’à des débrayages lycéens.
J’ai fait partie du service d’ordre des manifestations pendant un très long moment.
J’ai participé à une AG nationale à Aix, sans pour autant être à la tribune, et j’ai aidé à organiser celle qui s’est tenue à Nancy.
J’ai pris part au blocage de la fac dans différents bâtiments.
B : J’ai rencontré un paquet de gens qui sont encore mes amis aujourd’hui, et c’est comme ça que j’ai rejoint la CNT et que je me suis formé politiquement. Sans ce moment de pause, les choses auraient été bien différentes. C’est pour ça que je serai toujours pro blocage et occupation. Il faut arrêter la marche « classique » des choses pour pouvoir enfin réfléchir. Comme le dit le slogan de Nuit Debout : « On s’arrête, on réfléchit, et c’est pas triste ! »
J’étais à la commission balai ! Il fallait nettoyer un peu l’amphi, c’était particulièrement dégueulasse entre les gobelets servant de cendriers et les mégots et papiers traînant un peu partout. Je participais aussi aux réunions de la commission mobilisation, au SO des manifs, au blocage des bâtiments… Un truc qui était vraiment génial, c’était la possibilité de pouvoir discuter avec tout le monde.
5. Tu peux me parler des opposan-e-s au mouvement ? Qui étaient-iles et quelles actions iles ont mené-e-s ?
A : Dans mon souvenir, il y avait différents types « d’opposant-e-s ». Notamment ceux qui étaient contre la loi égalité des chances mais contre les blocages ou formes de contestation qu’ils-elles considéraient comme « trop radicales » ou alors les gens qui n’étaient pas forcément contre cette loi et qui voulaient aller en cours, les plus virulents dans mon souvenir étant les étudiants de la fac de droit.
Les « anti-blocage » n’étaient pas forcément violents mais cela créait de gros débats plus ou moins passionnés dans les AG.
Les étudiants de la fac de droit, par contre, étaient parfois violents et pas seulement verbalement.
Et : Les opposants venaient ouvrir les bâtiments de force, tentaient de s’infiltrer dans les UFR… On ne sait pas trop pourquoi puisque les profs étaient en grève et refusaient de faire cours. C’était un peu devenu ridicule à un moment. On avait l’impression de jouer au chat et à la souris en permanence… Après des groupes plus violents sont également intervenus. On a vu passer des barres de fer, des gazeuses etc. Je ne sais pas si c’est vrai mais on avait le sentiment à ce moment là que si la direction et la présidence de la fac n’encourageaient pas forcément, en tout cas elles ne faisaient rien contre ces gens. Les actions des dirigeants de la fac se sont axées contre les grévistes, alors que le mouvement était national depuis de nombreuses semaines.
T : Iles étaient multiples, certain-e-s prêt au débat d’idée, contre la loi, mais qui ne voulaient pas que la fac soit bloquée, et qui venaient en AG faire valoir leur point de vue et d’autres qui ne voulaient pas que le monde change et prêts à le défendre. Je me souviens d’un débile de ma promo venu avec un marteau pour débloquer. Officiellement c’était symbolique mais ça fait tout de même bizarre de voir un mec armé débarquer un matin.
El : Honnêtement, je ne m’en souviens pas très bien. Il me semble qu’il y a eu des jets d’objets dans notre direction, des insultes, des menaces, notamment de la part d’autres étudiants. Même des coups, des bousculades. (j’ai longtemps fait un déni de la violence, je zappais ces moments de ma mémoire… je me suis soignée avec le temps, pas le choix dans mon métier).
Certains profs (mais alors aucun nom) ont participé aux AG.
B : Ils ont agressé à la lacrymo des camarades, et il y avait la légende du gars bizarre avec un marteau qui tournait autour de la fac pour péter une vitre et pouvoir rentrer… Pour moi, c’était proprement incompréhensible. Il y a eu aussi la grand messe des étudiants de droits à l’ENIM, deux cents étudiants de la première à la cinquième année mélangés, et 10 profs de droit qui se réunissent à l’ENIM pour dire qu’on est des sales gauchistes et faire semblant de faire cours… C’était juste fou comme comportement. Il y avait eu aussi leur délire de voter dans deux amphis séparés pour éviter que l’on « intimide » des gens qui ne seraient pas forcément « sûrs »de leurs idées. On aurait vraiment pas dû perdre autant de temps avec eux.
6. Quelles étaient les relations de la mobilisation avec le président de la fac Richard Lioger ?
A : M. Lioger n’était clairement pas dans l’apaisement. Il a même fait appel à une société de sécurité privée pour empêcher l’accès et le blocage des bâtiments de l’université.
Et : Je pense que j’ai répondu au dessus. En tout cas, pour ceux qui ne le connaissaient pas, on a compris à qui on avait à faire. Quelqu’un de carriériste et autoritaire. Sa participation à la mairie socialiste suivant, si je ne ditspas de bêtise, puis son ralliement à Macron, n’ont fait que confirmer ce qu’on pensait de lui. Son départ de la présidence aura laissé moins de vide qu’il n’y aura pris de place.
T : Ce mec est une baltringue. De façade gentil et compréhensif mais en réalité il attendait le moindre affaiblissement du mouvement pour nous dégager. Y’a qua voir son parcours politique pour comprendre.
El : Tendues, surtout à la fin. Un sit-in pour sa démission avait été organisé. Son appel à des vigiles m’avait sidéré.
B : C’était écrit sur un des murs du prefab à la fin. Plus sérieusement, c’était un vrai politique. Il a soufflé le chaud et le froid, drapé dans une sorte de posture sérieuse et raisonnable. Il avait déjà les dents qui rayaient le parquet et c’est pas étonnant que Yoann ait fini par être son vide président, c’étaient les mêmes !
7. Il y a eu des actions menées tout le long du mouvement comme l’occupation de la gare le 30 mars, le peinturlurage du MEDEF le 3 avril ou encore le sabotage d’horodateurs le 6. Tu peux nous en parler (de celle là où d’autres) ?
A : Je me souviens du blocage de la gare, c’était impressionnant de voir autant de monde sur les voies et cela a également marqué l’élargissement du mouvement en dehors de l’université. Nous avons également réalisé une maquette en carton du MEDEF que nous sommes allés brûler sur le secteur de St Avold,il me semble… je ne sais plus trop pourquoi, est-ce que le MEDEF organisait une réunion ? je ne sais plus mais c’était quelque chose dans ce goût-là. Nous n’avons évidemment pas pu accéder à cet évènement car nous avons été stoppés par des cordons de CRS.
Et : Je n’étais pas au sabotage des horodateurs, je gardais l’amphi avec quelques copains. Le MEDEF, j’y étais. On a défilé jusqu’au siège local et on l’a bombardé de ballons remplis de peinture. C’est pas grand-chose quand on voit ce que eux pensent et font aux étudiants. De manière vicieuse en plus, lobbyiste. Ils ne sont pas un parti politique. Ils ne font pas de proposition de loi. Mais ils soutiennent les lois qui font systématiquement mal aux précaires et aux étudiants. Le CPE à l’époque, la LRU, la baisse des APL… Bref, quelques litres de peinture c’est pas bien méchant.
T : Je m’en souviens oui, j’ai fait la gare, j’étais à la manif qui a marché vers le medef aussi sans oser le « bombarder ».
Quand j’y pense on y est toutes et tous allés comme ça, sans se cacher le visage ni rien. On manquait clairement de formation sur la répression.
El : J’ai déjà évoqué deux d’entre eux. Des moments inoubliables (dommage pour la fin de la gare).
Je me souviens aussi du sit-in bâillonné, est-ce que ce n’était pas devant le tribunal ? Roh la la la , cette mémoire qui fout le camp !
Je n’ai pas participé à la réfection de façade du MEDEF. Je faisais autre chose, je me souviens qu’on s’était réparti des actions, mais alors je ne sais plus quoi ?!
B : Je me rappelle bien du peinturlurage du MEDEF, j’ai fini en garde à vue à la fin ! A posteriori y’avait vraiment pas de quoi fouetter un chat. C’était de la peinture à l’eau… Bon, après coup, on se rend compte que l’action était ridicule, également. Il y avait sans doute autre chose à faire qu’un truc aussi symbolique. En plus, j’ai appris des années après que le MEDEF n’occupait qu’un étage de ce bâtiment. Confusément, j’étais persuadé qu’ils possédaient tout l’immeuble. La garde à vue, rien de spécial à signaler. Les flics n’étaient pas encore en roue libre comme maintenant. D’ailleurs, j’ai pas de souvenir des répression terribles comme on peut en voir maintenant avec les manifs Loi Travail, gilets jaunes ou contre la loi sur le séparatisme. Y’a vraiment quelque chose qui a changé et pourri dans ce pays depuis ces années.
8. Raconte une action à laquelle tu as participé alors que tu étais en désaccord
A : Je ne me souviens pas avoir participé à une action sur laquelle je n’étais pas d’accord…
Et : Peut être les derniers blocages symboliques (et qui n’ont rien bloqué au final). Je sais pas si j’y participerais aujourd’hui. Le déblocage avait été voté et la loi abrogée. Ça a duré quelques jours puis ça s’est évaporé.
T : Je n’ai pas fait d’action avec lesquelles j’étais en désaccord.
El : Je n’ai jamais participé à quelque chose pour lequel j’étais en désaccord. Le jour-là, je suis partie.
B : J’étais en accord avec toutes les actions menées.
9. Raconte une proposition de revendication ou d’action à laquelle tu tenais et qui a été suivie
A : Le blocage de la fac, au moins pendant un temps.
Et : Bah le blocage ! Tout bêtement. Parce qu’on avait besoin de pouvoir aller manifester. Le blocage servait à faire sauter les cours et ne pas pénaliser les étudiants qui ont un temps présentiel obligatoire, notamment les boursiers, qui sont par définition déjà précaires, et qui auraient pu voir sauter leurs bourses si les cours avaient été maintenus.
T : Rien ne me vient.
El : C’est un peu petit peut-être, mais c’est la tenue du stand café / pâtisserie, et le fait d’aller en proposer aux étudiants bloqués pour ouvrir le dialogue et l’échange, au calme et au chaud dans l’amphi Lemoigne. J’ai argumenté pour, porté l’idée et participé très activement à la mise en place.
D’autres, pour lesquelles je ne me suis pas exprimée publiquement, j’y tenais et ont été suivies (toutes celles citées) ; et les débrayages. Le dialogue, l’échange !
B : En soi, j’ai pas proposé d’actions, la majorité de mes interventions c’était surtout dans le cadre du vote du blocage ou non.
10. Bien qu’à Metz, le mouvement était majoritairement calme, la répression policière fut pressante. Cette violence répressive s’exprime au cours des actions et des manifestations qui ponctuent la lutte. En as-tu été témoin ou victime toi-même ?
A : Tout à fait ! Notamment à St Avold comme je le disais précédemment. Également lors d’une manif à Metz où il y a eu beaucoup de monde mais je ne me souviens plus de la date. Des camarades ont été interpelés. J’ai moi-même reçu un coup de matraque sur la tête lorsque les CRS ont voulu nous faire reculer (place de la République). Nous nous sommes fait gazer plusieurs fois… et les violences policières dont j’ai parlé précédemment lors de la manif à Paris m’ont également beaucoup marqué.
Et : Témoins oui, des arrestations brutales, arbitraires, des gazages, des matraquages… Mais pas victime.
T : J’ai eu la chance d’y échapper, juste peut-être un peu les yeux qui pleurent à une manif.
El : Victime, non. Témoin, je crois oui. Lors d’une manif au tout début, des fourgons garés près de la préfecture, certains étaient emmenés entre, disparaissaient à la vue … Je pense que c’était très louche. C’est ce qui m’a donné envie de faire partie du service d’ordre, pour protéger les manifestants. C’est très impressionnant de faire cordon face aux forces de l’ordre les premières fois. De savoir qu’on est fiché…
B : Comme j’ai dit plus haut, j’ai fini en garde à vue suite à l’action MEDEF. Ces connards de la BAC se relayaient pour nous mettre des coups de pression au fur et a mesure que les gens étaient libérés, disant aux derniers en cellule qu’on allait passer en comparution immédiate avec mandat de dépôt. Ensuite, quelques coups de matraque mais je ne me rappelle de rien de méchant comparé à la répression que subissent les jeunes qui bloquent les facs récemment. Ensuite, je suis blanc, donc peut être que j’ai été traité avec plus de ménagement que d’autres camarades ?
11. Si tu as participé à des coordinations étudiantes, raconte la manière dont tu as été mandaté-e , et sur place comment cela s’est passé ?
A : Un souvenir qui m’a beaucoup marqué c’est ma participation à une coordination nationale étudiante (c’était à Lyon pour moi je crois). Des débats interminables pour prendre des décisions sur tout et n’importe quoi (est-ce qu’on peut fumer dans l’amphi ? est-ce que la pause c’est 10 min ou plutôt un quart d’heure ?... et des choses bien plus philosophiques et profondes !) mais c’était mon premier vrai exercice de démocratie directe et je pense un vrai déclencheur pour moi. Cela peut paraître futile ou idiot dit comme cela mais c’était tellement intéressant. Et aussi épuisant car nous devions débattre et prendre de vraies décisions que nous devions rapporter à Metz et aussi respecter les mandats que nous avions de notre AG pour représenter le plus fidèlement les étudiants de Metz sur le plan national. J’ai pris cet exercice très à cœur et j’y repense encore très souvent aujourd’hui. C’était interminable toute la journée et même une bonne partie de la nuit. Mais on prenait le temps de débattre.
Et : Je n’y suis jamais allé.
T : J’en ai pas fait, je me sentais pas la capacité de représenter tout le mouvement d’une ville.
El : Étonnament, je ne m’en souviens que très peu. J’ai dû me présenter pourtant pour aller à Aix, mais zéro souvenir de comment, etc… Ce qui m’étonne vu ma difficulté (de l’époque, mais toujours un peu, on ne change pas complètement) à m’exprimer en public. Une fois sur place, je me souviens de la difficulté de suivre les débats, les discussions….
Et j’ai été à la tribune de celle organisée à Nancy… Mais pareil, les souvenirs peinent à revenir…. Je devais être tellement intimidée / stressée par la situation que mon cerveau a bien zappé.
12. Un souvenir marquant et/ou perso sur toute cette période ? Raconte un moment fort pendant l’occupation de l’université.
A : Je crois que tous les souvenirs cités plus haut sont parmi mes souvenirs les plus marquants.
Et : Bah quand Chirac a retiré le CPE. On avait gagné. C’était mon premier mouvement social d’envergure et on l’a gagné. C’est classe non ?
T : Je me souviens d’un soir, il y avait une action qui se préparait, le sabotage des horodateurs il me semble mais pas sûr, les gens étaient chauds et tout le monde est parti en ville et je me suis retrouvé seul dans l’amphi. Je me suis mis en bas, assis sur la table à écouter le silence et à prendre conscience des événements que je vivais en regardant ce grand amphi tout vide. C’était magique et un peu flippant, si des flics, fachos ou antiblocage débarquaient j’aurais pas pu faire grand-chose.
El : Un souvenir plutôt négatif : j’ai cru que j’allais me faire taper par (toujours le même) un certain personnage un soir. Je n’étais pas d’accord que les chiens dorment dans les gradins, j’ai argumenté, l’autre s’est énervé et m’a bien fait flipper… Cris, menaces, tout ça…
Le choc d’entendre aux infos des étudiants renversés par une voiture lors d’une manifestation.
J’étais sûrement naïve, mais les violences qu’il a pu y avoir… (quand on pense à maintenant, c’est pipi de chat….) des deux côtés. Je ne la nie plus, mais je ne comprendrai jamais…
Après, j’ai plusieurs souvenirs qui m’ont marqué.
Celui du blocage de la gare, particulièrement, tous ensemble, à scander les slogans, bras dessus, bras dessous… Il faisait beau, plutôt bon, un petit vent. Des bruits de train au loin qui klaxonnent. Pourquoi celui-là plus qu’un autre ? Mais je n’oublierai pas !
Mais il y en a tant d’autres, même si ça paraît si loin, un peu flou….
Au café de la Lune, pour l’interview par le Républicain Lorrain aussi…
La rencontre avec la personne qui est encore mon meilleur ami 15 ans après.
Et cette manifestation, toute ma famille y était, et moi je faisais le service d’ordre. Ces manifestations avec des milliers de personnes à Metz, qui ne se sont jamais reproduites ! C’était fou ! 😊
B : Je n’ai pas spécialement de moment fort en tête. Il y a eu l’AG où l’on recevait les infos des différentes écoles post-bac et facs de Metz qui se mettaient en grève les unes après les autres… C’était enthousiasmant ! Tout le reste s’est un peu confondu mais il reste cette sensation qu’on faisait quelque chose d’important et qui avait du sens, et l’acharnement à empêcher les occupations de fac montre que le pouvoir en a bien conscience. Une occupation, c’est 200 étudiants en formation politique accélérée...
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