1 - Salut, est-ce que vous pouvez nous faire une petite présentation du lieu et de ce qui s’y passe ?
Quartier libre est un lieu indépendant qui est à la fois une librairie militante, une bibliothèque et un café associatif. Il a ouvert ses portes dans la vieille ville de Nancy pour contribuer autrement à la culture, à la diffusion d’informations critiques et alternatives pour tous les âges, notamment autour du livre. C’est aussi un petit endroit convivial d’échanges et de rencontres. On peut y venir pour découvrir un auteur, bouquiner, se rencontrer, discuter, s’informer, jouer (on a quelques jeux de société en libre accès, dont certains sont coopératifs), participer à un atelier, assister à une projection, partager un verre, etc...
Comment est né le projet et l’envie de créer un tel lieu ?
Il y avait deux fils conducteurs au départ. D’un coté, on voulait ouvrir un lieu participatif indépendant pour tous les âges. Un endroit où venir lire, jouer, partager un verre ou simplement discuter, sans que la consommation soit au coeur des échanges. Du coup, en journée, les boissons du café asso’, bio et locales autant que possible, sont à prix libre en soutien au lieu. Bien entendu, pas d’obligation de consommer pour venir bouquiner. De l’autre, on avait des ami(e)s qui étaient dans l’édition de livres libertaires ou engagés et c’était l’occasion de participer à la diffusion leurs bouquins.
2 - Vous êtes combien à gérer Quartier Libre ? C’est une histoire de potes ? Vous vous connaissiez déjà tou-te-s avant ou certain-e-s sont venu-e-s se greffer au projet par la suite ?
Actuellement, on est 4 à s’occuper de l’asso pour l’organisation quotidienne mais y’a des habitué.e.s qui viennent aux événements et participent aux ateliers. On ne se connaissait pas tou.t.e.s au départ. C’est un des aspects chouettes : rencontrer des gens d’horizons différents avec lesquels on partage des idées et construire ensemble la suite du projet.
3 - Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés au départ ? Qu’est-ce qui fut le plus difficile pour vous lancer dans l’aventure ? Trouver un local ? de la thune ? du temps ?...
Pour faire vivre l’idée de départ, il a fallu trouver un local et lui faire peau neuve grâce à des ami.e.s qui ont mis la main à la pâte pendant le chantier. Côté finances, on a démarré grâce à des soutiens participatifs. Au départ on est passé par une plateforme en ligne mais ça a capoté... Avec cette plateforme c’était tout ou rien. Comme on n’y connaissait pas grand chose, on n’a pas atteint l’objectif qu’on avait certainement mal fixé... Du coup, on n’a rien récupéré de ce côté-là. Par contre, ça nous a permis de diffuser un peu le projet et, les gens (surtout des potes mais pas que...) qui voulaient vraiment le soutenir, ont fait des dons divers (argent, matériel, meubles...).
Malgré les frais du lieu (local, livres, café, organisation des événements, défraiements...), on ne fait volontairement pas de demande de subventions.
Le défi de ce projet, c’est de pérenniser un lieu indépendant qui vive par et pour les gens qui le fréquentent régulièrement, mais aussi celles et ceux qui passent, le découvrent et ont envie de soutenir l’initiative.
4 - Et au quotidien, qu’est-ce qui est le plus chiant, et au contraire le plus plaisant lorsqu’on fait vivre un lieu comme celui-ci ?
Le plus compliqué c’est le temps qui manque parce que ça représente beaucoup de choses différentes à prendre en charge (communiquer, gérer le stock de livres, organiser des événements.....), en plus de la tenue des permanences les jours d’ouverture. On est tous bénévoles et c’est un véritable investissement. On a (très) souvent la tête dans le guidon !
Le plus plaisant, ce sont les rencontres qui naissent d’un tel projet et de pouvoir faire quelque chose qui corresponde à notre façon de voir.... de pouvoir faire en sorte que les rencontres, les échanges, contribuent à d’autres relations sociales.
5 - Vous avez assez de monde qui passe en général ? Ce sont plutôt des personnes déjà familières au milieu militant ou est-ce qu’il y a un peu toutes sortes de gens ?
Lorsqu’on organise des événements (présentations de livres, projections etc...) y’a généralement du monde, même si tout est relatif : On a déjà eu des salles combles mais aussi de super présentations devant 10 personnes.
En journée, sur les créneaux d’ouverture de la librairie-café, c’est vraiment variable. On aimerait que le lieu vive davantage, que les gens n’hésitent pas à passer faire un brin de causette, partager une verre, bouquiner, passer avec des enfants aussi. En passant le pas de la porte, personne n’est obligé de consommer, c’est un lieu ouvert. Avec nos voisins, on partage la cour de ce batiment associatif et culturel chargé d’histoire et c’est très sympa, notamment aux beaux jours.
Pour le moment, on n’a pas organisé d’événement ensemble, mais on se file des coups de main. Côté fréquentation, y’a des gens du mileu militant, mais aussi des personnes qui viennent d’horizons différents avec une sensibilité pour les préoccupations sociales : des gens de passage et aussi des habitué.e.s.
6 - Vous vous êtes constitué un chouette petit stock de bouquins qu’on ne trouve pas dans la plupart des librairies classiques, comment vous êtes vous constitué ce stock ? Ce fut beaucoup de boulot ? Les éditeurs vous les filent en dépôt ou est-ce qu’il a fallu que vous déboursiez de l’argent ?
On connaissait quelques éditeurs indépendants sourtout du milieu libertaire et, entre rencontres et rencontres, au fils de temps on en a connu d’autres, notamment des maisons d’édition du coin qui font des trucs chouettes pour tous les âges.
C’est grâce à tous ces éditeurs qu’on a constitué notre stock de bouquins. On voulait absolument aussi développer un rayon jeunesse pour enfants et ados, avec des livres qui aiguisent l’esprit critique et ouvrent l’esprit à l’interculturel. Au départ on a commencé grâce à du dépôt. C’est vraiment une relation de confiance et un engagement militant avec ces éditeurs, parce que c’est pas du tout facile à gérer, ni pour nous, ni pour eux. C’est une prise de risque et une marque de confiance, surtout pour les petits éditeurs. Notre trésorie ne nous permet pas d’acheter beaucoup de bouquins en ferme commme le font les librairies classiques. Il y a des éditeurs qui choisissent de ne pas travailler en dépot parce c’est vraiement galère, du coup, on leur en achète quand on peut.
7 - Et vous les choisissez comment tous ces jolis bouquins ? Ce sont exclusivement des livres (ou brochures, BD, fanzines...) avec un contenu social et politique ?
Les livres ont clairement un contenu social et politique. On a des livres sur l’histoire de la mouvance libertaire, sur l’écologie radicale, les pédagogies émancipatrices, l’histoire des mouvements révolutionnaires, l’histoire de l’anarchisme, la décroissance etc. On a aussi des livres de poésie, quelques romans, et pour les enfants un joli panel d’ albums, de contes et de romans. On a aussi un petit peu de BD et quelques revues spécifiques, mais pas encore des masses. La partie brochures et fanzines est peu developpée, mais on aimarait bien le faire davantage pour les mettre à prix libre ou simplement à prendre gratuitement.
Il ne faut pas oublier qu’on a une petite bibliothèque avec des livres de récup’ assez variés. Certains reprennent les mêmes thématiques que ceux de la librairie mais il y a aussi plus de romans. Par contre y’a des sujets qui ne sont pas les bienvenus. Par exemple, tout ce qui touche au racisme, à l’autoritarisme, à l’homophobie, au sexisme... aux discriminations en général.
8 - Est-ce que vous en auriez quelques-uns à nous conseiller ? Les derniers en date qui vous ont marqué et qu’on peut se procurer à Quartier Libre ?
Question difficile ! La liste pourrait être bien longue...
Dans ceux dont on a fait les présentations avec les auteurs, dernièrement :
- La colonisation du savoir de Samir Boumedienne (éditions des mondes à faire).
- Dans le genre incisif, drôle et mordant : Trop classe ! Enseigner dans le 9-3 de Véronique Decker (éditions libertalia)
- Y’aurait bien aussi Refuser de parvenir, ouvrage collectif coédité par le CIRA de Lausanne et les éditions Nada. Le refus de parvenir est un concept intéressant à l’heure de la réussite sociale à toutes les sauces...
9 - Sinon vous avez des projets à venir ? Des évolutions de prévues pour le lieu ?
On aimerait bien converger davantage avec d’autres lieux militants et d’autres collectifs de Nancy - ou d’ailleurs, comme à Bure par exemple – et développer les programmations communes.
10 - Un petit mot de la fin ? Un message à faire passer ?
Venez ! :-)
Quartier Libre se trouve 11 Grande Rue à Nancy.
Interview parue dans FREAKS #3, août 2017.
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