Petit syndicat, tout petit rectorat



France Police est un petit syndicat de policiers qui se définit comme 100 % apolitique, 100 % patriote et 100 % encore un tas d’autres choses. Au total, ça fait 600 % de choses qui sentent le renfermé, si on se fie au site internet dudit syndicat, qui affirme sur fond tricolore que la France est sous la coupe des « islamo-gauchistes ».

« Mais qu’est-ce que c’est que ces gens qui ne savent pas faire un pourcentage ? », aurait pu s’interroger Jacques Prévert, poète 100 % libertaire.

Ayant progressé de manière fulgurante aux dernières élections professionnelles (de 0,95 %, en 2014, à 3,95 %, en 2018), le petit syndicat 600 % méchant se sent pousser des ailes.
Le voilà qui se mêle d’éducation.
Il faut dire que la période est propice. Le gouvernement ayant décidé d’envoyer la police faire régner l’ordre dans les universités, puis dans les lycées, comme à Mantes la Jolie, où des policiers ont fait mettre les élèves à genoux les mains derrière la tête, pour leur apprendre à manifester, on ne voit pas ce qui empêcherait la police de se sentir légitime pour faire régner l’ordre dans les écoles primaires.

Or, voici qu’à l’école Jacques-Prévert de Ludres, on étudie en classe des chansons, en particulier, Pour louper l’école, d’un artiste bisontin nommé Aldebert.
On en reproduit les paroles ci-après.
Las ! Deux ou trois vers de trop poussèrent des parents d’élèves à faire appel au petit syndicat patriote.
L’édition en ligne du Figaro du 31 mars 2019 rapporte ainsi que (F)rance Police, ne se sentant plus d’aise, a porté plainte contre le directeur de l’école et l’Éducation nationale pour « diffamation, incitation à commettre un crime ou un délit, et incitation au terrorisme pour les paroles “prendre en otage ma petite sœur” et “faire sauter la salle de classe à la dynamite” ».
Excusez du peu !
Dans la petite tête du petit syndicat, apprendre une chanson non autorisée par la police est donc susceptible de conduire en prison pour de longues années.
On aurait pu en rire, mais on apprend à la même source que le rectorat qui pouvait proposer aux petits syndicalistes de retourner en classe pour apprendre, entre autres, la différence entre une école et une caserne, a courageusement « décidé de “ne plus faire chanter la chanson aux enfants” ».
Décidément, ses nouvelles ailes de géant n’empêchent pas le petit syndicat de vouloir nous faire marcher au pas cadencé.

On savait depuis la fin des franchises universitaires (cf. RésisteR ! n° 60) et l’affaire de Mantes-la-Jolie que la police était chargée de la discipline dans les écoles de la start-up nation de Macron, la voici dorénavant chargée des programmes.
La Marseillaise, chant qui appelle au meurtre des gens au « sang impur », sera affichée à côté d’un drapeau tricolore dans toutes les salles de classe, tandis que les poèmes et chansons pas assez patriotes aux yeux de la police en seront bannis.
Aux dernières nouvelles, le petit syndicat est 100 % content.
Mais méfie-toi quand même petit syndicat, car « nul n’est insensé qui ignore la loi » et c’est Jacques Prévert qui te le dit.

Victor K

Pour louper l’école

Allez les kids, c’est l’heure
Oh non !
Allez, debout, faut y aller là !
Mais non, laisse-nous dormir !

Pour louper l’école
Je ferais n’importe quoi
Pour louper l’école
Moi, j’irais jusqu’à

Faire le tour de la maison
En pyjama, pour choper froid
Manger des tartines au goudron
Pour avoir mal à l’estomac

Faire mon service militaire
Traverser la Manche en bouée
Chatouiller une panthère
Faire pipi sur un policier

Pour louper l’école
Je ferais n’importe quoi
Pour louper l’école
Moi, j’irais jusqu’où

Pour louper l’école
Je ferais n’importe quoi
Pour louper l’école
Moi, j’irais jusqu’à

Devenir magicien
Pour me faire disparaître
Prier pour que les Martiens
M’enlèvent sur leur planète

Prendre en otage ma petite sœur
Terminer mes choux de Bruxelles
Manger des crayons de couleur
Pour vomir un arc-en-ciel

Sans arme, contre un gladiateur
Je serais prêt à me battre
Imiter les cascadeurs
Espérer finir dans le plâtre

Avaler deux cents limaces
Pour effrayer les instit’
Faire sauter la salle de classe
À la dynamite

Pour louper l’école
Je ferais n’importe quoi
Pour louper l’école
Moi, j’irais jusqu’à

Pour louper l’école
Je ferais n’importe quoi
Pour louper l’école
Moi, j’irais jusqu’à

Pour moi, c’est pire que le bagne
Et lorsqu’il l’eut inventé
Ce sacré Charlemagne
Aurait dû rester couché

Comptez pas sur moi, les gars
C’est sympa mais c’est sans moi
Oui, j’ai eu cette idée folle
Un jour d’éviter l’école

Bon allez, là il faut y aller maintenant
On veut pas y aller
Ah si si, vous y allez !
Bah pourquoi ?
Bah vous avez signé, vous y allez
Mais on a rien signé du tout

On veut pas y aller
On préfère rester couchés
Haut les mains, peau de lapin
La maîtresse en maillot de bain

On veut pas y aller
On préfère rester couchés
Les cahiers au feu
La maîtresse au milieu

Jouer à Fortnite sur les mains
Emménager à la cantine
Chanter du Black M en latin
Me faire tatouer les canines

Passer la nuit sans wi-fi
Me parfumer au roquefort
Compter jusqu’à l’infini
Faire la teuf en Corée du Nord

Sauter dans le compost tout nu
Tester le kebab au chlore
Gifler le gars de la sécu’
Avoir comme coloc’ un croque-mort

Courir dans le désert en doudoune
Faire mon anniv’ aux urgences
Traiter Dark Vador de clown
Regarder le Tour de France

Pour louper l’école
On ferait n’importe quoi
Pour louper l’école
On irait jusqu’à

Pour louper l’école
On ferait n’importe quoi
Pour louper l’école
On irait jusque

Là !

Aldebert
Enfantillages, 2008

Article paru dans RésisteR ! #61, le 13 avril 2019.