Pappy a tiré sa révérence

Nancy (54) |

Notre camarade, Jacques Denis, dit Pappy, nous a quittés ce dimanche matin 22 mai à 10h ! Pour de nombreux camarades, des militants historiques ou des plus jeunes, il était un compagnon de tous les combats politiques anticapitalistes et syndicaux.

Nouvelle sonnerie du téléphone.

« Tu peux en être sûr, c’est encore lui ! »

Eh oui, c’était encore toi, Pappy. Toutes les dix minutes tu nous appelais pour savoir si nous avions pris une décision. Nous, c’était une dizaine de militants de la CFDT PTT de Meurthe-et-Moselle réunis à Leyr un soir de novembre 1988, réunion à laquelle tu ne pouvais pas être présent. Quelques mois auparavant nous t’avions élu secrétaire départemental de la CFDT PTT. Nous, c’étaient des fichés « moutons noirs », en désaccord profond avec la confédération et sa nouvelle orientation pour un syndicalisme d’adaptation voire un syndicalisme d’accompagnement comme celui apporté à la réforme des PTT, ne conservant de contestataire que la lutte contre les coordinations, contre la mobilisation des camions jaunes, la lutte contre nous, les « gauchistes » qui les soutenions. Après un long débat sur fallait-il rester à la CFDT pour continuer d’apporter notre opposition ou bien suivre l’exemple de nos camarades parisiens en créant ce nouveau syndicat Solidaires, Unitaires et Démocratiques initié par nos camarades, avec Annick Coupé à leur tête. Annick que tu ne cessas d’harceler au téléphone les jours, les mois et les années qui suivirent, assurant souvent le lien entre Paris et nous. Tu avais en effet cette faculté, cette obsession parfois agaçante pour nous, sans doute irritante pour nos dirigeants. Il en était de même pour ton humour de comique de répétition, parfois grinçant, toujours hilarant, les Suisses allemandes s’en souviennent encore.

Enfin, la décision fut prise de créer Sud. Avec l’aide de Martine Donio, que tu appelas avec affection notre marraine, le Miche déposa les statuts officiellement le 29 décembre 1988. Nous étions le premier syndicat départemental de la toute nouvelle fédération Sud PTT.

Rapidement, tu réunis autour de toi une équipe conséquente sur ton lieu de travail, les chèques postaux de Nancy. Cela se traduisit par des scores remarquables aux élections des représentants du personnel, qui nous permirent d’acquérir la représentativité et les droits qu’ils génèrent en termes de dépôts de préavis de grève, d’autorisations spéciales d’absence ou encore de locaux. Lors des premiers comités nationaux à Paris, tu te plaisais à décrire avec une gentille malice la surface spacieuse de nos locaux de la rue de la Hache et l’épaisseur de la moquette quand, à Paris, nos camarades logeaient étroitement sous les tuiles, évitant les gouttières.

Pappy, tu étais humour bien sûr, tu étais joie de vivre, tu étais bon vin et bonne chère, mais tu étais avant tout un homme de conviction, un homme de justice sociale, tu fis tienne notre motivation collective : faire vivre un syndicalisme de défense des salariés au quotidien et un syndicalisme de transformation sociale, défendre les services publics comme élément de justice sociale et d’égalité, notamment pour les plus défavorisés. Pendant plus de 30 ans, tu as construit Sud PTT en ayant le souci d’être toujours en lien avec tous les salariés, avec la base.

Parce que l’on ne mesure pas la qualité d’un homme par ce qu’il est ou ce qu’il a été, parce qu’il a dit ou n’a pas dit, par ce qu’il a pensé ou n’a pas pensé, mais par ce qu’il a fait. Pappy, avec d’autres, tu as fait Sud, tu as transmis tes connaissances du mouvement ouvrier et de la nécessité de l’action et de la lutte collective, tu nous as remonté le moral quand la mobilisation n’était pas à la hauteur des enjeux en affirmant au micro de la sono que nous étions plus nombreux que les étoiles dans le ciel. Ce soir nous en compterons une de plus, la tienne, côtoyant celles de Jacquouille, de Miche, de Régis et d’autres adhérents ou militants qui ont déjà rejoint le ciel étoilé du militantisme.

Il y aurait beaucoup à ajouter comme ton investissement interprofessionnel dans le groupe des 10 devenu Solidaires, ta participation importante dans la formation ou encore des dizaines d’anecdotes qui étayent le personnage important que tu étais pour Sud, pour Solidaires, pour nous. Pour tout cela...

Merci, merci Pappy. »

PNG - 162.4 ko

Notre camarade, Jacques Denis, dit Pappy, nous a quittés ce dimanche matin 22 mai à 10h !

Pour de nombreux camarades, des militants historiques ou des plus jeunes, il était un compagnon de tous les combats politiques anticapitalistes et syndicaux.

Il manifestait aux côtés des plus anciens dans les rangs du PSU, puis de la LCR, avant de trouver sa place et son identité militante au sein d’un syndicalisme de lutte et de transformation de la société. Pappy, c’était d’abord une figure du syndicat SUD PTT dans sa section des chèques postaux. Pappy c’était ensuite, dès le début, une figure de Solidaires. Il ne manquait pas un comité départemental parce que l’interpro, l’unité, le tous ensemble, était fondamental pour lui. Mais… son cheval de bataille c’était surtout les questions internationales. Au point qu’à chaque comité nous attendions ce qui était devenu sa « chronique » de fin de réunion où il nous relatait les derniers événements et luttes de Palestine, des femmes du Rojava, des Kurdes ou du Chiapas. Pour Pappy, il n’y avait pas de syndicalisme qui voulait sincèrement transformer la société sans internationalisme. Il n’y avait pas de militantisme sincère et combatif sans s’intéresser aux expériences qui, à l’autre bout de la planète, tentent de construire une société plus juste et plus humaine, des expériences qu’il fallait aider à essaimer chez nous. Pour Pappy, il n’y avait pas de peuple opprimé, où qu’il soit, dont on pouvait se désintéresser. De tout cela, c’est avec certitude que nous pouvons dire que chacun et chacune des militant·es que Pappy a croisé.e.s lui en est reconnaissant·e, que pas un ou une d’entre nous ne serait devenu le ou la militant·e que nous sommes aujourd’hui.

Pour les plus jeunes, Pappy, c’était la bienveillance, quand il rentrait dans le local de Solidaires le premier vendredi de chaque mois, les yeux malicieux, le sourire aux lèvres, sa casquette vissée sur la tête et lançant un « Salut les comiques ! » aux jeunes camarades de SUD Education qui s’affairaient à tirer et massicoter des tracts. Son sourire à Pappy, c’était autant pour lui la satisfaction de voir des jeunes s’engager que pour elles et eux un encouragement à continuer.

Pappy c’était aussi l’esprit de consensus, la conciliation. Combien de fois les inévitables engueulades en réunion s’achevaient-elles grâce à toi par une bonne rigolade. Ton humour parfois corrosif, tu l’insufflais dans toutes nos luttes et nos débats.

Quand cette saloperie de maladie s’en est prise à toi, nous avons tout de suite compris que les réunions, les débats ne seront plus les mêmes. Tu nous manquais déjà, Pappy. Quand on t’a revu dernièrement dans les manifs en soutien au peuple ukrainien, ça nous a fait du bien. Mais ton absence le premier mai dernier nous a fait comprendre que tu étais venu nous dire au revoir.

Pappy, tu vas nous manquer, tu nous manques déjà. Nous t’aimons à jamais camarade ! »

Des militant·es de SUD PTT et Solidaires 54