Nancy : actualités de la mise à mort par l’exclusion.

Nancy (54) |

La semaine passée deux détenus se sont suicidés à la prison de Nancy. Comme d’habitude on ne s’intéresse à un phénomène que lorsqu’il ressemble à une mode, alors allons-y.

Il est assez étonnant de voir comment nos sociétés ont réussi à faire passer la mise à mort par pendaison ou guillotine comme un acte barbare d’ancien régime. Pourtant à quelques kilomètres de chez vous, tout près, on peut encore entendre les gorges se faire trancher et les respirations s’arrêter pour de bon si on sait tendre l’oreille.

La différence est simplement qu’on ne paye plus des bourreaux pour le faire, on recrute des matons et des sénateurs.

Le principe est finalement assez simple. On enferme les gens, pauvres de préférence. On les isole, on les maltraite, on les humilie eux et leur familles, au tribunal ou au centre pénitentiaire, et une fois qu’on a bien rabaissé l’homme à la condition de fantôme social on le laisse utiliser un moyen sordide pour se foutre en l’air.

L’an dernier 131 êtres humains ont décidé de ne plus l’être à cause de leur incarcération. Le suicide apparaît comme l’aménagement de peine le plus efficace pour certains de ces détenus. Un tel phénomène pourrait attirer l’attention des « responsables (…) politiques »…

Et c’est le cas ! Olivier Jacquin, sénateur 54 et membre du Parti socialiste, s’y est rendu. L’occasion pour L’Est républicain du 7 mai 2019 de faire un bel article pour nier la réalité du système carcéral :

Citation :

« Le double suicide pourrait-il être le révélateur d’un malaise ou d’un problème au sein du centre pénitentiaire nancéien ? A priori non. « C’est une série noire sans logique », confie le sénateur Olivier Jacquin qui a pu visiter, ce lundi, la prison. »

Bravo Jacquin. Bravo. C’est aussi peu logique que de voir des tas de merde en costume se revendiquer du socialisme dans les assemblées du pays. 6 fois plus de suicide dans les prisons que dans la société et le type ne voit pas de liens entre les différentes plaintes de l’Union européenne à l’encontre du système pénitentiaire français et l’un des taux de suicide carcéral les plus élevés d’Europe ?

Ce qui se passe à Nancy est un phénomène de déshumanisation organisé par l’Etat. Juges, policiers, matons et politiques sont autant de rouages indispensables à la mise à mort généralisée qui s’y déroule.

Il ne s’agit pas de pleurer en accusant toutes ces personnes qui maintiennent de façon inavouée la peine de mort en France, il s’agit de cibler un problème pour le combattre. Aujourd’hui la France n’a jamais eu autant recours à l’incarcération pour punir. Aujourd’hui la France n’a jamais autant déshumanisé des individus par le recours aux technologies, le manque de moyens et l’humiliation par les traitements et les discours avilissants.

Pourtant rien n’est fait… comme si les luttes anti-carcérales étaient has-been.

Peut-être le sang gicle-t-il trop près de nous pour que nous osions nous essuyer le visage et regarder en face « l’inconscient de nos institutions ».

Car c’est cela la prison. Toute l’accumulation de frustration refoulée de la société qui s’agglutine dans des murs froids comme un corps pendu au bout de lacets de chaussures.

Soit nous ne le voyons pas, soit nous refusons de le voir mais il y a tout près de chez nous des mises à mort qui s’organisent.

Je dédicace cet article à tous ceux qui ont préféré s’autodétruire en prison plutôt que d’attendre d’être « mis en liberté ».

Une phrase aussi pour toutes et tous les détenus qui ont des pensées noires et qui les affrontent au quotidien. Tenez-bon.

Une pensée pour les familles de ceux qu’on « défamilise ».

Et une autre pour les gamins qu’on voit courir dans les couloirs des prisons pour aller voir leur parents.

En espérant que votre monde sera moins carcéral que le nôtre et que vous courrez toujours en grandissant.

Enfin une pensée pour les lacets de chaussures des magistrats.

Serrez-les fort car vous finirez par courir vous aussi.