[Montreuil & Lyon] Deux récits des gardes à vue dans l’affaire de l’usine Lafarge



Lundi 5 juin, à travers la France, une quinzaine de personnes sont perquisitionnées et interpellées, accusées d’avoir participé à l’« invasion-sabotage » de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air (13, Bouche-du-Rhône), le 10 décembre 2022, dont les dommages sont estimés à hauteur de 6 millions d’euros. Cet article recense deux récits de ces perquisitions et gardes à vue par des proches des personnes arrêtées à Montreuil et à Lyon, alors que, le mardi 20 juin, 18 personnes ont de nouveau été arrêtées dans des conditions similaires.

Aussi, une cagnotte afin d’aider tout.es les militant.es qui font face à la représsion de ces dernières semaines : https://www.helloasso.com/associations/cacendr/collectes/caisse-de-solidarite

Petit point sur les garde à vue de Montreuil dans l’affaire de l’usine Lafarge

(Article initialement publié sur Paris-Luttes.info.)

Ce qu’on leur reproche :

  • Détérioration du bien d’autrui par moyen dangereux, avec la circonstance aggravante de « bande organisée », cette qualification fait de cette procédure une procédure « criminelle » ;
  • Association de malfaiteurs formée en vue de la commission d’un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement, qui s’étendrait du 1er janvier 2022 au 10 décembre 2022 ;
  • Dégradation en réunion avec dissimulation du visage ;

Il semble que la SDAT ait été chargée de toute l’enquête depuis au moins février 2023, et qu’elle ait ordonné toutes les arrestations en France. L’enquête est dirigée par deux juges d’instruction à Aix-en-Provence dont Laure Delsupexhe. Les 5 garde-à-vue ont duré 82 heures. Pendant les garde-à-vue, le chef d’inculpation de "refus de donner le code de déverrouillage de téléphone et d’ordinateur" a été ajouté. Les 5 personnes gardées-à-vue sont sorties libres, sans contrôle judiciaire. Si elles sont convoquées par les juges d’instruction, elles pourront être mises en examen, ou qualifiées de « témoin assisté » ou de « témoin », et risqueront alors un procès. Il est aussi possible que les poursuites soient abandonnées (mais en vrai qui y croit au vu des moyens employés ?). 3 personnes sont convoquées dans un an pour refus de signalétique.
Les 5 gardé.es-à-vue ont tenu le "je n’ai rien à déclarer" pendant tous les interrogatoires.

Les infos que les keufs ont.

Les policier.es ont obtenu les images de vidéosurveillance de l’intérieur des bus passant par la zone commerciale de Plan de campagne, en direction de Marseille, du 10 décembre.
Avant d’exploiter le matériel saisi lors des perquisitions, les policiers avaient déjà enquêté sur :

  • Les factures détaillées de lignes téléphoniques (l’entièreté des connexions aux antennes, c’est-à-dire la totalité des endroits où on a borné, à qui on a envoyé des messages en clair, qui nous a envoyé des messages en clair, qui nous a appelé en clair, qui on a appelé en clair, la durée des appels, quand et depuis où, mais pas le contenu des conversations) associées par les keufs aux personnes interpellées ont été analysées sur une durée de 1 an (temps maximum de conservation des fadettes) ;
  • Très probablement des écoutes téléphoniques des appels en clair pour au moins une personne ;
  • L’activité de comptes bancaires associés par les keufs aux personnes interpellées : tous les achats par carte bancaires (dont ceux sur internet), virements (sommes, dates et destinataires), retraits d’espèces (sommes, lieux et dates) ;
  • Les antécédents judiciaires (les précédentes garde-à-vue, les condamnations) de manière très détaillée ;
  • Des réflexions des enquêteurs laissent penser que les personnes mises en garde-à-vue avaient été suivies les jours précédant la gav.

Sur l’action, les policier.es disent que les premier.es participant.es sont arrivé.es proche de la zone dans la matinée, et que l’action a débuté plus tard dans l’après-midi. Sur le site de Lafarge, les dégradations sont estimées à 6 millions d’euros. Iels ont parlé d’un « groupe commando » séparé du reste de l’action, qu’iels considèrent « plus offensif », qui serait parti à la fin de l’action « par la forêt », qui aurait brûlé des affaires le long d’un chemin, et d’un groupe principal, parti en traversant une voie ferrée, qui aurait brûlé des affaires dans un brasero.

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Petit point sur les garde à vue de Montreuil dans l’affaire de l’usine Lafarge

Lundi 5 juin 5 personnes ont été perquisitionnées à Montreuil, puis mises en garde-à-vue par la sous-direction antiterroriste (SDAT), dans ses locaux à Levallois-Perret. Les personnes sont accusées d’avoir participé à l’« invasion-sabotage » de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air (13, Bouches du Rhône), le 10 décembre 2022. C’est le premier communiqué concernant les personnes de Montreuil sur le sujet, il n’est pas complet, d’autres suivront peut-être.

À lire sur Paris-luttes.info

Récit de la garde à vue du 05/06 à Lyon dans le cadre d’une enquête sur le sabotage d’une usine Lafarge

(Article initialement publié sur Rebellyon.info.)

Nous sommes des proches de la personne arrêtée à Lyon, et comme les proches des interpellées de Montreuil, nous allons faire ici le récit de l’interpellation de notre camarade.

Nous décidons d’intervenir aujourd’hui en publiant ce texte afin de mettre en lumière les méthodes employées par l’État et ses chiens pour mater tout ce qui semble lui faire opposition ; pour rendre publique le récit d’une expérience qui nous concerne toutes et tous.

1. Perquisition

Lundi 5 juin, 3 flics sonnent à la porte de l’appartement de notre camarade à 6h du matin, la porte leur est ouverte – se présentent deux gendarmes de Marseille et un troisième qui dit être lyonnais sans préciser le service auquel il est rattaché. Rétrospectivement, notre ami a émis un doute sur la provenance de ce dernier ; doute alimenté, plus tard, par des remarques faites à la volée qui révèlent une méconnaissance de la ville. Parmi les 2 personnes présentes dans l’appartement, l’une est recherchée, l’autre est soumise à un contrôle d’identité avant d’être autorisée à partir avec son ordinateur à condition de le déverrouiller afin de « prouver qu’il lui appartient ». Suspectant la méthode, elle refuse : on ne peut pas faire confiance à la police. Son ordinateur est finalement saisi avant qu’elle ne quitte l’appartement.

S’ensuivent 2h30 de fouille minutieuse de l’appartement. L’un des gendarmes s’occupe de l’administratif, l’autre fouille l’appartement et le "lyonnais" prend des photos :

  • Ils fouillent les canapés, les déhoussent, retournent les matelas, tirent chaque meuble jusqu’aux derniers tiroirs, inspectent toute la vaisselle, vident les paquets de pâtes et les bocaux fermés ;
  • tous les supports numériques de l’appartement sont saisis sans exception : ordinateurs, clés USB, téléphones, disques durs, même les emballages des cartes SIM ;
  • ils inspectent chaque livre, chaque carnet comme s’ils cherchaient des inscriptions ou des informations dissimulées. Saisissent les livres aux titres les plus « aguicheurs », comme Insurrection 1977, ou Investigation et téléphonie mobile : un guide à l’usage des avocats de Haurus, embarquent tous les livres présents en plusieurs exemplaires (ils demandent au camarade s’il en fait commerce).
  • Ils fouillent les papiers administratifs, regardent attentivement les tickets de caisse, semblent vouloir créer un lien avec la ville de Marseille. Par exemple, en tombant sur un contrôle technique provenant du garage **** ils s’exclament « Ah mais y’en a un avec le même nom à Marseille ». En revanche, ils n’ouvrent pas les lettres postales fermées.
  • Chaque vêtement est scrupuleusement inspecté. Le matériel de protection de chantier (masque, gants) est saisi ; ils prennent aussi des lunettes de piscine, des casques de moto, des gants de ski : en somme, tout ce qui pourrait permettre de constituer le profil (ici, disons le style) du « black bloc ».
  • Ils cherchent des tote bags et semblent très satisfaits lorsque qu’ils en trouvent un (« Ah ! Encore un tote bag ! »)

Tout ce qui n’est pas perquisitionné est pris en photo et une partie de la saisie sera rendue à la fin de la garde à vue, ils conserveront uniquement le matériel informatique chiffré, matériel dont notre ami a évidemment refusé de donner les codes. Les clés USB non-chiffrées sont passées en revue une par une puis, faute d’informations intéressantes à leurs yeux, elles lui seront rendues à l’issue de la garde à vue.

Pendant la perquisition, les gendarmes posent des questions auxquelles le camarade essaye de ne pas répondre (leur sont donnés des haussements d’épaules, des pets de bouche et des gestes d’incompréhension). Globalement, ils alternent entre questions anodines, questions en lien direct avec l’enquête, questions de profilage "on vient pour l’affaire de l’usine Lafarge, tu vois de quoi je parle ?" [première question posée à leur entrée], "Est-ce que tel ou tel objet est à toi ?", "Qu’est-ce que c’est ça ?" [en montrant les objets qu’ils prennent], "Tu vis avec qui, t’es en coloc ? Tu fais quoi comme métier, comment tu payes ton loyer ?"

Le camarade n’est pas menotté pendant la fouille. Les policiers agissent calmement,sans provocation, en suivant minutieusement la procédure. Enfin, ils ferment l’appartement à clé et embarquent notre ami en lui demandant "personne d’autre a la clé de l’appartement ?", question à laquelle il ne repond pas.

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Récit de la garde à vue du 05/06 à Lyon dans le cadre d’une enquête sur le sabotage d’une usine Lafarge

Lundi 5 juin, à travers la France, une quinzaine de personnes sont perquisitionnées et interpellées, accusées d’avoir participé à l’« invasion-sabotage » de l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air (13, Bouche-du-Rhône), le 10 décembre 2022, dont les dommages sont estimés à hauteur de 6 millions d’euros. Nous rédigeons ce communiqué alors que, le mardi 20 juin, 18 personnes ont de nouveaux été arrêtées dans des conditions similaires.

Ci-joint une cagnotte afin d’aider tout.es les militant.es qui font face à la représsion de ces dernières semaines : https://www.helloasso.com/associations/cacendr/collectes/caisse-de-solidarite

À lire sur Rebellyon.info