Luttes contre l’enfouissement des déchets radioactifs en France



Retour sur la lutte contre l’enfouissement des déchets radioactifs à la fin des années 1980

A l’occasion du débat public sur le projet d’enfouissement de déchets radioactifs Cigéo, la lutte antinucléaire refait parler un peu d’elle. Ce projet est prévu à Bure, petite commune située à la limite entre la Meuse et la Haute-Marne. A priori, cette région faiblement peuplée et irriguée financièrement depuis vingt ans par le nucléaire ne semble pas être un terreau bien fertile pour la lutte contre la grosse poubelle nucléaire.
Si l’Andra1 s’y est installée, c’est d’ailleurs justement pour ça. Parce qu’elle sentait bien qu’ici, elle risquait peu de se heurter à une forte résistance.

En 1989, un rapport de l’administrateur du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) disait ceci : « Il apparaît de plus en plus que la contrainte principale dans ce domaine [l’enfouissement des déchets radioactifs] est la capacité de la population locale à accepter le principe de stockage, beaucoup plus que les avantages techniques relatifs des différents types de sols (granit, schiste, argile, sel). Dans ces conditions, il semble indispensable que le choix du site soit fait rapidement par les pouvoirs publics pour éviter toute cristallisation de l’opinion publique sur des projets dont trois sur quatre seront en tout état de cause abandonnés. Pour ce choix, le souci d’éviter un phénomène de rejet relayé au niveau national, comme ce fut le cas en son temps pour le projet de centrale nucléaire à Plogoff, doit être un critère majeur. » Si le CEA fait une telle analyse en 1989, c’est que l’enfouissement des déchets radioactifs a déjà été l’objet d’une importante mobilisation à la fin des années 1980.

La première solution industrielle promue par les nucléocrates pour se débarrasser de leurs déchets consistait à les déverser dans les océans. Dans les années 1970, des traités internationaux viennent fortement limiter l’utilisation de cette technique. Dès lors, l’enfouissement à plusieurs centaines de mètres en profondeur des déchets radioactifs devient la seule « solution » que propose l’industrie nucléaire pour « évacuer » les déchets qu’elle produit. Il lui faut alors absolument mettre en place ce projet. En effet, il est inimaginable pour l’industrie nucléaire de continuer à se développer sans pouvoir affirmer qu’elle maîtrise la gestion de ses déchets.

1987, annonce des projets et premières mobilisations

Le 18 mars 1987, quatre régions sont sélectionnées par l’Andra pour étudier la possibilité d’y implanter un dépôt géologique de déchets radioactifs. Ces quatre sites se trouvent au-dessus de formations géologiques différentes. Il s’agit de l’argile dans l’Aisne, du sel dans l’Ain, du schiste dans le Maine et Loire et du granit dans les Deux-Sèvres. Au Bourg d’Iré, dans le Maine et Loire, et à Neuvy-Bouin, dans les Deux-Sèvres, une lutte importante contre le projet de l’Andra eu lieu de 1987 à 19902. Celle-ci prend de nombreuses formes. De la mobilisation des élu.e.s à l’affrontement avec les forces de l’ordre. Des manifestations au sabotage des forages. De la signature de pétition aux barricades.

Au lendemain de l’annonce du choix des sites, des groupes anti-déchets se forment. Et en mai 1987 a lieu la première coordination entre des collectifs constitués dans les quatre régions choisies par l’Andra. Plusieurs manifestations regroupant plus d’un millier de personnes ont lieu à Segré dans le Maine et Loire. Durant l’été, de nombreux conseils municipaux se prononcent contre le projet d’enfouissement. Les premières prospections sont perturbées pendant plusieurs jours. Dans les Deux-Sèvres, l’Andra installe des locaux à La Chapelle Saint Laurent. Le maire met alors à disposition des opposant.e.s le terrain situé en face de celui de l’Andra. Une caravane y est installée, depuis laquelle les allées et venues des employé.e.s de l’agence ainsi que les visites qu’elle reçoit sont observées. En août, les locaux de l’Andra sont visités et l’ensemble des documents qui s’y trouvent subtilisés. Cinquante tonnes de granit dont l’Andra vante tant les mérites sont déposés devant ses portes.

1988, la lutte continue

Début mars 1988, la Coordination anti-déchets de l’Anjou édite le premier numéro de « L’Anti-Déchets ». Ce journal est tiré à 16 000 exemplaires, qui sont distribués dans toutes les boîtes aux lettres du secteur.

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