Lettre ouverte de la FSE à la Présidente de l’Université de Lorraine



Syndicat étudiant, il nous tient à cœur d’interpeller dès le début de son mandat la nouvelle Présidente de l’Université de Lorraine sur nos conditions d’études et sur l’état de l’Enseignement Supérieur actuel. C’est pourquoi nous souhaitons publier cette lettre ouverte afin qu’elle prenne conscience des conséquences du mandat de son prédécesseur qui n’a qu’aggravé la situation précaire des étudiant.e.s, la libéralisation de l’ESR et les discriminations subies au sein de l’Université.

Lettre ouverte à Madame Boulanger, Présidente de l’Université de Lorraine

Madame la Présidente de l’Université de Lorraine,

Etudiant-e-s engagé-e-s depuis deux ans contre la précarité et pour la défense de nos droits à l’Université de Lorraine, nous vous écrivons au nom de celleux dont le mandat de votre prédécesseur a atteint la dignité et compromis les conditions de vie et d’études. Vous entamez un mandat qui ne pourrait rester dans la ligne du précédent sans enterrer une bonne fois pour toutes les espoirs d’une jeunesse trop souvent négligée. En effet, si la crise Covid a permis de mettre en lumière les difficultés des étudiant-e-s, ce récent regain d’intérêt de la part du grand public n’a pas suffit à imposer aux administrations telles que la vôtre la prise de mesures concrètes nécessaires pour garantir notre protection. 10 ans de mandats Mutzenhardt vous précèdent, et ce sont autant d’années de destruction de l’université et surtout de mépris à notre égard. On connaît l’estime que, la liste sur laquelle vous avez été élue, a vis-à-vis de nos besoins : en pleine crise covid, alors que nous avions revendiqué la distribution de masques FFP2 pour tout-e-s, ne nous avait-elle pas répondu que nous n’aurions pas les compétences nécessaires pour savoir porter lesdits masques ? Réjouissons-nous, du moins, que nous ayons les compétences de vous partager par cette lettre notre désarroi. La jeunesse n’est peut être pas si perdue que les institutions chargées de la défendre tendent à le croire.

Ce qui n’a pas été perdu sous le présidence de M. Mutzenhardt, au reste, c’est l’argent du contribuable. Pas perdu, certainement, dans l’exonération des frais d’inscriptions des étudiant-e-s ; ni dans le chauffage, ni dans la salubrité de nos salles de classes ; dans la créations de plans d’aides financières à destination des étudiant-e-s ; dans l’ouverture de places en licence ou master ; dans les financements de thèses ou les embauches de nouveaux personnels. Votre conseil d’administration se vante d’un surplus de plusieurs millions d’euros sur l’année 2021, année marquée par le suicide de nombreux étudiant-e-s partout en France. Force nous est de constater que nos vies ne semblent pouvoir contrebalancer l’attractivité du secteur immobilier dans lequel votre administration concentre la plupart de ses investissements - ce qui, reconnaissons-le, comporte son lot d’ironie quand on sait que nos amphis délabrés sont si pleins que certain-e-s étudiant-e-s reprennent leurs cours assis sur le sol. A moins que ce ne soit le surfinancement dont bénéficient les recherches prisées par le secteur privé, comme votre projet de “trains du futur” (urban loop), qui éclipse l’extrême rareté des contrats doctoraux proposés à la suite des masters de recherches pourtant nombreux en sciences humaines. D’ailleurs, si la masse salariale n’augmente pas d’année en année, on remarque tout de même le vieillissement des professeur-e-s installés, qui, par ancienneté, gagnent plus : cette prouesse de gestion budgétaire ne submerge-t-elle pas de fait une précarisation des jeunes enseignant-e-s et un recours croissant à l’embauche de vacataires aux contrats peu sécurisés ? Là où l’argent de l’université n’est pas non plus allé, c’est dans les autres sites comme Epinal, Saint-Dié-des-Vosges, Thionville, Metz, Bar-le-Duc… On y observe ce désinvestissement certain, qu’il soit financier ou humain avec des professeur-e-s en sous nombre qui ne peuvent se déplacer, des bâtiments qui s’effondrent… Des licences qui continuent à fermer en nombre car considérées comme faisant “doublon”, pour qu’au final toutes ces licences soient centralisées sur le site de Nancy, obligeant les étudiant-e-s à se déplacer de plus en plus loin. Et tout ça au prix de la qualité d’enseignement de ces étudiant-e-s. Ce partage des fonds inégal entre les différents sites, se constate au sein même de Nancy, avec des campus qui se portent mieux que d’autres, selon qu’ils accueillent des futur-e-s ingénieur-e-s ou des futur-e-s psychologues. Autres obligations que l’université peine à remplir c’est celles qu’elle prend envers certaines écoles, tel que l’IRTS ; des salles devaient être fournies et le réseau wifi Eduroam devait être installé, ce qui n’a jamais été fait.

Aussi, il ne faut pas oublier que cette année d’abondance pour vous, a principalement été synonyme pour notre part de l’augmentation des frais d’inscription en licence pour les étudiant-e-s étranger-e-s de 170€ à 2770€, décision qui a contribué à mettre certain-e-s d’entre nous à la rue. C’est une mesure contre laquelle nous nous battons depuis deux ans et pour laquelle nous avons organisé de nombreux rassemblements. Elle met en place des modalités racistes d’exonération des frais d’inscriptions, asymétriques selon que les étudiant-e-s soient ressortissants de l’Union Européenne ou d’Afrique. Racisme au sujet duquel nous constatons votre administration au mieux passive, au pire complaisante, alors que nous avions signalé cette année que des étudiant-e-s faisaient des saluts nazis aux fenêtres du campus de lettres, et que certains d’entre eux s’accordent l’autorisation de venir en cours avec des pendentifs en forme de croix gammées.

Nous n’oserions vous demander où en sont les procédures disciplinaires, tant nous avons déjà fait fasse au mur institutionnel qui attend les victimes dans votre université. La passivité, chez vous, n’est pas ennemie de l’ingérence, en outre lors d’affaires de harcèlements sexuels de la part de professeurs. Certains témoignages ont mentionné une pression subie par les victimes à ne pas parler, pour ne pas porter préjudice à vos formations. Mais tandis que des professeurs accusés d’agressions sexuelles sont défendus par l’administration, ou que des étudiant-e-s auxquels on reproche des faits de même nature n’écopent de rien de plus qu’un blâme (et encore !) en commission disciplinaire, nous pouvons vous assurer que ce ne sont pas les victimes qui portent préjudice à vos formations. L’hypocrisie de M. Mutzenhardt a, à ce sujet, parfaitement fait ses preuves seule, notamment quand il a eu recours à des agents de sécurité de l’université, de la municipalité et des forces de police pour empêcher des étudiant-e-s protestant pour la démission d’un professeur accusé d’agression sexuelle. Nous sommes néanmoins ravi-e-s d’accueillir une nouvelle présidente au lieu d’un président. Il demeurt qu’à défaut de vous espérer féministe engagée, nous attendons à minima de vous la décence et la dignité que votre prédesseur n’a pas su démontrer.

C’est certes sans grande cordialité mais avec l’assurance de ne pas vous laisser entreprendre trop seule les lourdes tâches qu’imposent vos responsabilités, que nous vous souhaitons une bonne prise de fonction,

Les étudiant-e-s de la Fédération Syndicale Etudiante de Nancy
La lettre ouverte au format PDF