Lettre ouverte au Maire de Briançon

Leyr (54) |

Lettre ouverte à

Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
membres élus du conseil municipal de la charmante ville de Briançon,

Cet été, nous avons été invités dans un chalet d’altitude par une amie native de Villard St Pancrace.

De nos randonnées, nous avons pu apprécier et approcher la richesse de la faune, le bavardage des marmottes par exemple, et de la flore, la discrétion des edelweiss en particulier. Vos magnifiques montagnes semblent dresser un rempart naturel et protecteur autour de votre cité, qui respire tranquillité et sérénité.

Au cours d’une journée consacrée à la visite de votre ville, nous avons pu également fréquenter avec plaisir vos commerces et admirer la richesse artistique de vos étals. Nous pouvons attester que vous méritez assurément votre inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de vos fortifications de Vauban.

Ville d’Art et d’Histoire, nous avons été agréablement surpris de votre gratitude à l’égard des troupes d’Afrique qui ont pris part à la libération de votre ville en septembre 1944 par la pose de cette plaque mémorielle fixée sur un rempart à l’entrée du fort.

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Des troupes de ce continent avaient déjà été débarquées des bateaux à la première guerre mondiale pour combattre à la libération d’un sol qu’elles ne connaissaient pas. Vous le savez peut-être, ce sont 30 000 Hommes africains qui sont morts aux combats et qui "reposent" dans les cimetières en Lorraine.

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Brehima DIARRA, jeune migrant sans papier, à la nécropole de Champenoux près de Nancy, sur la tombe d’un arrière grand parent... mort pour la "France"

Nouvelle agréable surprise, au détour d’une rue, notre guide nous a montré "la maison des migrants" devant laquelle quelques jeunes d’origine africaine semblaient tuer le temps, rassurés d’avoir un toit après les nuits et les journées d’horreur à tenter de survivre à la chaleur du désert, à la précarité de leur embarcation sur une mer menaçante et aux températures glaciales de vos belles montagnes.

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De retour à la maison, ce mercredi 23 septembre, la lecture du "Canard enchaîné" a refroidi la chaleur que nous portions à votre commune. Il semblerait que vous envisagiez "de fermer le refuge pour les migrants". Vous mesurez sans aucun doute la détresse de ces jeunes. Après avoir miraculeusement survécus aux radeaux, ils se retrouvent en galère. Sans papier, sans identité reconnue, ils n’existent pas. Ils sont dans l’impossibilité de trouver un travail, un logement, une vie sociale !

Pensez-vous que les Africains des deux guerres mondiales avaient le droit de mourir pour sauver nos ascendants et pensez-vous que les jeunes Africains, descendants des premiers, auraient le devoir de mourir parce que la gratitude n’est pas un bien d’héritage et parce que notre pays leurs refuse l’article 1 de la déclaration de droits de l’Homme : "les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits" ?

Selon que l’on soit né-e ici, nous aurions le droit de vivre.
Selon que l’on soit né-e ailleurs, nous aurions le devoir de mourir ?
L’eau, l’air, la lumière, biens communs universels, ne connaissent pas de frontières. Pourquoi les Humains s’acharnent-ils à en dresser et à s’entretuer pour les défendre quand ce n’est pas pour les étendre ?
De son histoire, l’humanité retient ou devrait retenir que la lutte contre l’injustice est un devoir permanent.
De son histoire, l’Homme sait ou devrait savoir qu’il s’élève quand il s’abaisse pour relever le plus faible.
De son histoire, l’Homme a conscience ou devrait avoir conscience qu’il est plus facile de détourner les yeux que d’affronter la réalité et de refuser l’injustice.

Mesdames, Messieurs, Monsieur le Maire, je crains que ces quelques lignes ne vous fassent pas changer d’avis et pourtant si vous maintenez ce refuge vous vous éviterez le déshonneur de devoir retirer votre plaque de reconnaissance aux Africains qui ont libéré votre ville et vous donnerez à leurs enfants un signal fort de solidarité et de fraternité. En cette période de pandémie et aux portes de l’hiver, vous savez que ne pas accueillir c’est condamner à mourir, c’est renier le traditionnel, l’historique et le noble secours montagnard.

A Leyr, le 24 septembre 2020.
Léon de Ryel.

Si vous souhaitez signer la pétition, voici le lien : Pour que le Briançonnais reste un territoire solidaire avec les exilés

Télécharger la lettre ouverte au format PDF : ici.


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