La bataille du 5 janvier n’a pas eu lieu : retour sur l’annulation de la manifestation de l’extrême droite radicale

Nancy (54) |

Le 5 janvier dernier devait se tenir dans la vieille ville de Nancy une marche aux flambeaux censée réunir les différents courants d’extrême droite de la région sous l’égide du groupe identitaire Aurora.

Si la date anniversaire du 5 janvier, qui correspond à la commémoration de la « bataille de Nancy », un événement qui a marqué l’histoire locale au XVe siècle, est depuis longtemps investie par l’extrême droite « traditionnelle » (FN/RN, catholiques intégristes, royalistes) sous la forme d’un rassemblement place de la Croix de Bourgogne, c’est la première fois depuis bien longtemps qu’une manifestation devait avoir lieu à cette occasion. Il faut y voir là le signe d’un renouvellement générationnel dans le paysage de l’extrême droite locale marqué par l’émergence de nouveaux groupuscules, tels que Aurora, qui s’inscrivent dans le sillon creusé depuis plusieurs années par Génération Identitaire et ses rejetons.

Si jusqu’ici, on avait surtout vu Aurora s’agiter dans l’agglomération messine, malgré quelques incursions à Nancy et dans les Vosges, ce projet de manifestation témoigne alors des ambitions de ce groupuscule : se poser en organisation politique influente au niveau régional et réunir autour de lui les différentes franges de l’extrême droite « radicale » (hooligans, jeunes de l’Action Française, membre des Active clubs locaux ou encore du groupuscule vosgien « Au four et au moulin »). Pour s’affirmer sur la scène régionale, Aurora a besoin d’occuper le terrain politiquement mais aussi « culturellement ». Alors, en bons héritiers de la mouvance identitaire, ses membres n’hésitent pas à instrumentaliser l’histoire pour servir leur cause. Ainsi célébrer l’indépendance passée du duché de Lorraine reviendrait à défendre sa « terre », sa « patrie », son « sang ». Il n’était donc pas question pour nous, antifascistes, de laisser ce projet de manifestation aboutir.

Dès que nous avons eu vent de ce projet, un appel à organiser un rassemblement antifasciste a circulé qui a rapidement recueilli le soutien de plus d’une trentaine d’organisations en provenance de toute la région. Les choses se sont alors mises en ordre, et la veille du 5 janvier, après que nous avons refusé de décaler le lieu de notre rassemblement malgré la pression des RT, la préfecture a décidé d’interdire notre rassemblement et leur manifestation pour risque de trouble à l’ordre public.

Il faut dire que le lieu que nous avions choisi pour nous rassembler se trouvait en plein sur le parcours par lequel devait passer le défilé des fachos. Malgré un référé-liberté déposé par chacun des deux camps, la préfecture maintiendra son interdiction et déploiera même un dispositif policier hors du commun pour une ville comme Nancy, avec notamment l’utilisation d’un drone pour la vidéo-surveillance. A noter qu’Aurora a bénéficié, dans sa démarche de référé-liberté, du soutien de l’ASLA (association de soutien aux lanceurs d’alertes), une structure para-juridique née des cendres de Génération Identitaire. Ce qui confirme les liens que le groupuscule entretient à l’échelle nationale avec les autres factions de la mouvance identitaire. Face au maintien de l’interdiction par la préfecture et l’annulation de son défilé par Aurora, nous avons annulé notre appel à rassemblement antifasciste. Nous ne voulions pas courir le risque de nous exposer inutilement à la répression.

Leur manifestation n’a donc pas eu lieu. Certes c’est la conséquence d’un arrêté préfectoral qui a également visé le rassemblement antifasciste, renvoyant dos à dos l’un et l’autre selon un schéma devenu bien trop courant. Certes nous savons que l’État et la justice sont tout aussi prompts à réprimer les manifestations de notre camp social et politique. Mais pour nous l’essentiel réside bien dans le fait que le défilé aux flambeaux des fachos n’ait pas eu lieu. Et ceci grâce à une mobilisation large et unitaire. Frustrés de n’avoir pu manifester en ordre serré à la lueur du feu sacré et purificateur (lol) une trentaine de fascistes se prirent malgré tout en photo le 5 janvier devant le pub Mac Carthy, posant fièrement, le torse bombé, derrière une croix celtique et un drapeau de la Lorraine, oubliant au passage à quel point cette région était aussi une terre d’immigration et de résistance.

La commémoration habituelle place de la Croix de Bourgogne a quant à elle malheureusement bien eu lieu, regroupant comme à son habitude un public familial et rance estimé à soixante-dix personnes. Ce n’est pas celle-ci que nous visions, mais bien la manifestation prévue en centre-ville. Quoi qu’il en soit, si un tel projet de manifestation de la part de l’extrême droite radicale devait à nouveau voir le jour à Nancy, dans les mois qui viennent ou bien le 5 janvier prochain, ils nous trouveraient une fois de plus sur leur chemin. Car si nous voulons préserver les libertés et conquérir l’égalité entre tout·es, le combat contre les idées d’extrême droite doit être mené partout. Face à l’extrême droite électoraliste à la Le Pen, Maréchal et Zemmour, face aux politiques d’extrême droite reprises par les partis au pouvoir, face aux médias de Bolloré qui les soutiennent, face aux nervis fascistes qui déambulent dans les rues... ne cédons jamais le terrain !

Signatures
Assemblée antifasciste de Nancy · BAF Nancy · Assemblée antifasciste de Moselle · CNT SEST Lorraine · CNT interco 57 · Collectif contre la statue de Bigeard à Toul · Comité Local du NFP Nancy 54 · Épinal populaire et Insoumise · ESPOIR · FA Groupe de Metz · FLL · LFI 54 · LFI 88 · MELP · NPA L’Anticapitaliste Nancy 54 · Pays de Bitche Antifasciste · SNESUP-FSU · Solidaires 54 · UCL Nancy · UL CGT Nancy · UNEF Lorraine