Deux livres pour les soirées pluvieuses...



En voulant poursuivre sur la période précédant l’avènement du 3ème Reich en Allemagne, j’ai lu ou relu ces deux ouvrages qui évoquent la montée et les méfaits de l’extrême droite.

Février 1933, l’hiver de la littérature

Récit
Uwe Wittstock : allemand, journaliste et critique littéraire, a été correspondant pour Die Welt à Paris.

Uwe Wittstock choisit de nous accompagner pendant ce mois de février 1933, dans le microcosme intellectuel des écrivains et artistes vivant en Allemagne, il y a ceux qui veulent espérer, ceux qui doutent, ceux qui fuient... L’auteur nous raconte, journée après journée de ce mois de février, les brimades et persécutions auxquelles ils sont confrontés, leurs hésitations. Parmi eux je citerai juste : les écrivains Bertold Brecht, Thomas et Heinrich Mann, Erich Maria Remarque, Gottfried Benn, Alfred Döblin, Else lasker-Schüler (poétesse, dessinatrice), Carl Zuckmayer, Klaus (écrivain) et Erika Mann (comédienne, écrivaine), les enfants de Thomas, Alfred Kerr, Käfhe Kollwitz (sculptrice), Willi Münzenberg (journaliste éditeur).

Février 33 page de couverture

L’Académie des écrivains est contrôlée par les nazis, le président de la section littéraire Heinrich Mann démissionné d’office, l’Ecole Nationale des Beaux arts est investie par les SA. Les représentations de pièces non conforme à l’idéologie nazie sont perturbées puis interdites et les directeurs des théâtres licenciés.

Je couvrirai les policiers qui feront usage de leur arme à feu dans l’exercice de cette obligation quels qu’en soient les effets

... Cette circulaire envoyée par Göring à toute la police prussienne le 17 février est un véritable appel à tirer sur toute personne n’appartenant pas à une organisation nationaliste.

Meeting, réunions, rassemblements de personnes étrangères à l’idéologie nazie sont perturbés, empêchés et tous ceux qui sont de près ou de loin opposés à celle-ci n’osent plus circuler seuls dans les rues. Nombreux sont ceux qui, en ayant encore la possibilité, fuient sans bagage.

La nuit du 27 au 28 février les nazis incendient le Reichstag, ils en accusent le KPD et le SPD, c’est un déchainement de violence qui s’abat alors sur ceux dont les noms sont inscrits sur de longues listes noires préparées depuis plusieurs mois.

Plusieurs milliers de personnes sont arrêtées et entassés dans des prisons de fortune.

Le 5 mars les élections donnent une majorité à la coalition NSDAP (Nazis) / DNVP (Parti Populaire National Allemand). Le 23 mars seront votés les pleins pouvoirs à Hitler.

Arrestations, perquisitions, autodafés se déchainent.

Rappel chronologique Février 1933 :
  • 30 Janvier : Hitler chancelier nommé par Hindenburg
  • 27-28 février : incendie du Reichstag
  • 28 février : décret de l’incendie du Reichstag : suspend les droits civils, permet emprisonnement sans procès, permet au gouvernement de rejeter des lois et de renverser les gouvernements des différents états (Lânder) constitutifs de lAllemagne.
  • 5 mars élections… ouvre la voie à la coalition Nazis DNVP et au renversement des gouvernements régionaux au profit de commissaires du Reich

La suite :
22 mars : premier camp de concentration à Dachau pour les opposants politiques
23 mars : Loi des pleins pouvoirs pour Hitler
...

Remarques

Février 1933, présenté comme le mois charnière qui voit l’Allemagne basculer dans la barbarie n’est en fait que l’aboutissement d’un processus de petits et grands renoncements des gouvernements successifs et des "dites élites" qui font la part belle à la droite dure et ouvrent la porte à l’extrême droite.

Chaque journée se conclut dans l’ouvrage par le nombre de morts et de blessés chez les nazis et leurs opposants. Ceci semble présenter dos-à-dos la violence des rouges et des bruns... On sent une sympathie de l’auteur pour la bourgeoisie libérale...

Par curiosité j’ai tapé dans un moteur de recherche la phrase "Je couvrirai les policiers qui feront usage de leur arme à feu dans l’exercice de cette obligation quels qu’en soient les effets"... devinez les pages qui m’ont été proposées !

Tu ressembles à ma mort

Roman noir
Frédéric-H. Fajardie (1947-2008) écrivain et scénariste français, auteur de romans noirs et policiers

Mars 1938, en France, Blum est encore chef du gouvernement. Nous sommes au surlendemain des émeutes fomentées par l’extrême droite en 1934 et au lendemain des grandes grèves de 1936, en pleine guerre d’Espagne.

Tu ressembles à ma mort page de couverture

Et justement, c’est avec la toute jeune SNCF (1937) que des "trains spéciaux" roulent à destination des républicains espagnols.
Or La Cagoule (extrême droite) perpètre des assassinats de cheminots. Le commissaire Henri Perlbag est chargé de l’enquête.

Tu ressembles à ma mort est donc un roman policier qui plonge dans une époque bousculée. Les syndicalistes sont traqués par les fascistes que la presse d’extrême droite encourage en déversant moult calomnies et très largement les poisons antisémites.

Fajardie restitue avec talent l’atmosphère empreinte d’espoir et de désillusion. En avril 1938 l’arrivée de Daladier à la présidence du Conseil sonnera le glas du Front Populaire.

F. Fajardie

Frédéric Fajardie est l’auteur de nombreux ouvrages, romans noirs, polars, qui explorent les travers de la société avec lucidité mais également avec une profonde humanité. Bonnes lectures !

P.-S.

Photo de l’article : 30 janvier 1933, Hitler devient chancelier du Reich