Appel à rassemblement urgent en soutien à Afrin

Nancy (54) |

Depuis fin janvier, soit plus de 50 jours, l’armée de l’Etat turc fasciste et nationaliste d’Erdogan a engagé une opération militaire d’ampleur pour conquérir l’enclave kurde d’Afrin au nord de la Syrie. Depuis 2012, à Afrin comme dans le reste du Rojava et de la Fédération Démocratique de Syrie du Sord, s’épanouit un projet politique fédéraliste fondé sur la démocratie directe, les conseils de quartiers, la cohabitation multi-ethnique et multi-confessionnelle, le féminisme et les organisations autonomes de femmes. Depuis 2012, c’est un espoir de paix au Moyen-Orient, une inspiration vivante pour toute la gauche internationale et les libertaires. Depuis 2015, les Forces Démocratiques Syriennes organisées autour des forces kurdes YPG/YPJ ont été les seules à combattre Daech au sol dans la région, et reprendre notamment Raqqa, avec le soutien d’une partie de la coalition internationale (USA en tête, mais également la France). C’est tout cela que l’attaque aujourd’hui cherche à détruire.

Pour la Turquie d’Erdogan, engagée depuis plusieurs années vers la voie d’une dictature fasciste clairement assumée - purges massives dans tout ce qui prétend s’opposer au régime, dizaines de milliers de personnes en prison, légalisation du permis de tuer "des terroristes" pour des groupes miliciens, terreur, couvre-feux et assassinats dans les villes du Kurdistan de Turquie - l’attaque d’Afrin permet de s’opposer à son pire cauchemar : la constitution d’une région autonome et stable, entre autre peuplée de kurdes, à ses frontières, d’un contre-modèle parfait à la politique de guerre intérieure de son Etat-nation islamo-fasciste.

Au nord de la Syrie, au Rojava, comme à Idlib ou dans les dernières enclaves rebelles de la Ghouta orientale, la stabilité de la Syrie n’arrange aucune des puissances internationales. Un sanglant bal des hypocrites est en cours, qui se chiffre déjà dans la guerre en Syrie en centaines de milliers de morts et millions de déplacé-e-s, et à Afrin en centaines de morts et dizaines de milliers de déplacé-e-s. Pendant qu’Erdogan massacre des civil-e-s à Afrin et s’apprête à peut-être commettre un génocide, le boucher Assad liquide les dernières poches issues de la révolution et de la résistance syrienne à Idlib (tout ce qui reste des quelques projets civils, des comités et conseils de quartiers, etc), et dans la Ghouta orientale en banlieue de Damas.

Le 24 février le conseil de sécurité de l’ONU a voté une résolution appelant à un cessez-le-feu humanitaire d’un mois dans toute la Syrie, dans les zones d’Idlib, de la Ghouta, mais également d’Afrin. Dés le lendemain il était brisé par l’armée d’Erdogan. Dans le silence et la complicité internationale la plus atroce. Aujourd’hui, la deuxième armée de l’OTAN bombarde des civils et assiège Afrin avec des tanks allemands, avec des armes issues notamment de l’Union Européenne. Aujourd’hui, Erdogan se croit tout permis parce que les Etats européens lui vendent des armes par dizaines de milliards, et le financent grassement, par le biais d’un accord européen à 7 milliards, pour éviter l’invasion de réfugié-e-s syrien-ne-s et les gérer à ses frontières. Ses frontières qu’il ne cesse de mettre à feu et à sang depuis des années. Les récentes déclarations diplomatiques de la France occultent – et donc légitiment - complètement l’attaque turque en Syrie. Pour la « patrie des droits de l’homme », la stabilité de son « allié turc » est plus importante que le soutien à un projet politique démocratique, aux forces arabo-kurdes des FDS qui ont été bien utiles, pendant quelques temps, pour liquider Daech au sol, mais qui pèsent visiblement aujourd’hui moins lourd que l’État turc dans « l’eau glacée des calculs égoïstes » et des intérêts froids de la raison d’État.

Ce qui se passe actuellement, dans un silence international fort, est une honte immense, une indignité totale, à se saisir de ce qui se joue au même moment à Afrin et dans le reste des enclaves syriennes. D’un côté la liquidation de tout ce qui restait de la révolution civile syrienne. De l’autre les tentatives d’entamer fortement le projet politique de paix et stabilité constitué au Nord de la Syrie autour des forces kurdes des YPG, et des forces multi-ethniques des FDS (Forces démocratiques syriennes). De le liquider et de trahir les FDS qui ont pourtant permis de combattre Daech.

Ce qui se passe à Afrin et dans le reste nous concerne directement. En 2015, à Kobané, la résistance des kurdes à Daech avait reçu un soutien international massif, des manifestations s’étaient organisées partout, puis quelques pays avaient commencé à soutenir les kurdes du bout des lèvres. Après la victoire à Kobané les forces kurdes, puis multi-ethniques des FDS (composées de troubes arabes, syriaques, etc), avaient commencé à reprendre lentement tout le "califat" des mains de l’Etat Islamique.

Maintenant que Daech n’existe quasiment plus comme force territoriale, une nouvelle phase de la guerre s’ouvre. La Turquie, connue pour soutenir logistiquement depuis longtemps les différentes brigades jihadistes intervenant en Syrie, se voit forcée d’intervenir directement en Syrie et plus uniquement par des supplétifs islamistes. Cette fois, à Afrin, ce n’est pas contre Daech que les kurdes se battent mais contre un de ses soutiens principaux : l’État turc, ses blindés allemands, ses avions de chasse, ses frappes aériennes incessantes, son budget de guerre de plusieurs milliards. Il est déjà incroyable que la deuxième armée de l’OTAN ait pu être contenue pendant plus de 50 jours par les forces YPG au sol, mais le déséquilibre militaire des forces est, à terme, trop grand.

Afrin est l’exacte réplique, trois ans plus tard, de la bataille de Kobané. Mais cette fois l’hypocrisie internationale ne peut pas condamner unanimenet la Turquie comme elle l’avait fait pour les djihadistes. Cette fois, au Bakur (Kurdistan de Turquie) notamment, toutes les formes de manifestations et d’oppositions sont muselées dans le sang et dans les prisons. Il y a donc plus que jamais besoin d’une solidarité politique internationaliste pour s’opposer à ce massacre programmé. Pour demander, au minimum, la constitution d’une zone d’interdiction de survol aérien sur Afrin et le respect de la résolution de l’ONU du 24 février. Pour réaffirmer le soutien au projet politique de démocratie radicale portée à Afrin et dans le Rojava-Fédération Démocratique de Syrie Nord.

Après près de 50 jours de résistance très forte où l’armée turque n’a pas pu avancer, les combats se sont accélérés ces derniers jours avec la capture de villes stratégiques pour l’État turc, à Jindires le 8 mars notamment. L’armée est maintenant à 1km d’Afrin et les avions commencent à bombarder la ville de partout. La ville est coupée de ses accès à l’eau. Près d’un million de réfugié-e-s et déplacé-e-s s’y sont regroupé-e-s. La situation humanitaire menace de dégénérer et un massacre est possible.

Depuis des semaines les kurdes appellent à des soutiens internationaux. Il y a quelques jours, une volontaire française internationale, Maria, a publié une vidéo pour nous alerter sur la situation et demander une réaction de solidarité internationale « maintenant, et pas demain ». En France régulièrement des manifestations s’organisent dans la plupart des grandes villes, à Melbourne le consulat de Turquie a été occupé, partout en Europe les kurdes et leurs ami-e-s descendent dans la rue…

Retrouvons-nous mardi 13 mars à Nancy, à 19h, place Maginot, pour un rassemblement de soutien à Afrîn ! Puis une discussion sur comment continuer d’organiser le soutien aux kurdes, et leurs allié-e-s, à Afrîn et dans le reste du Rojava !

Afrîn n’est pas seule ! Soutien aux forces du FDS, des YPG/YPJ ! Bîjî berxwedan Afrînê !