Une première assemblée antifasciste réussie à Nancy : vivement la deuxième !

Nancy (54) |

Le 8 février 2022, le Bloc AntiFasciste (BAF) de Nancy invitait toutes les personnes désireuses de lutter contre la montée de l’extrême droite à venir s’organiser. Pour un premier événement à l’initiative des militant·es du BAF, on peut considérer que cela a été plutôt une réussite, qui donne de la motivation pour s’engager en faveur d’une démarche antifasciste unitaire et large.

Il faut dire que depuis les dernières AG interpro datant de la mobilisation contre la réforme des retraites, donc d’avant la pandémie, il n’y avait pas vraiment eu d’occasion de se retrouver collectivement dans le cadre d’une assemblée large. Une centaine de personnes ont répondu présent·es, parmi lesquelles des syndicalistes et militant·es de Solidaires, de la CGT, de la FSE, de l’UCL, du NPA, de RESF, du Bloc Lorrain, du SAF, de la FSU, du Front Social ou du MOC, et des individu·es, y compris quelques-un·es venant de Metz. Beaucoup de jeunes et de têtes nouvelles, et ça c’est une très bonne nouvelle !

Après un rapide rappel de l’historique du BAF, la parole a circulé dans la salle avec de très nombreuses interventions portant tout autant sur l’analyse de l’extrême droite et de ses dangers que sur les moyens généraux ou concrets à mettre en oeuvre pour la combattre et sur des questions de stratégie.

L’extrême droite s’est implantée très largement dans la société pendant les quarante dernières années et on ne peut pas la réduire à Le Pen/Zemmour et aux groupuscules gravitant autour. Elle intervient sur des terrains multiples, semant le trouble et la confusion en se prétendant par exemple "féministe" (cf. le groupe fémonationaliste Némésis) pour en fait mieux maintenir l’oppression patriarcale, ou en faveur d’une certaine conception de la "laïcité", pour en fait mieux s’en prendre aux personnes assignées à être musulmanes et faire perdurer un racisme d’Etat. Ses thématiques sont largement reprises sur Internet, dans les médias, par les gouvernant·es (loi séparatisme, loi de sécurité globale...) ou par les syndicats de police. C’est aujourd’hui une option politique ouvertement appuyée par une fraction de la bourgeoisie, comme le confirme l’activisme du milliardaire d’extrême droite Bolloré, en vue d’une mise au pas des classes populaires.

Par conséquent, l’antifascisme ne peut pas être dissocié de la lutte des classes et de l’anticapitalisme, du combat contre les politiques qui servent la soupe à la bourgeoisie et, si celle-ci le décide, à l’extrême droite, comme de la lutte contre toutes les formes de domination et contre les discriminations. Il doit inclure les minorités racisées, LGBTQI, les personnes des quartiers populaires, ce qui suppose un travail d’implantation au long cours, parfois en travaillant avec et aux côtés des associations existantes, et qui ne se limite pas à la diffusion de tracts ou à l’organisation de manifestations. C’est aussi apporter un soutien concret aux migrant·es.

Il est nécessaire d’aller sur le terrain, de participer aux luttes sociales comme celles, récentes, des Gilets Jaunes ou contre le pass sanitaire, qui ne sont pas par essence d’extrême droite, quoi qu’en aient dit les médias et partis dominants. À ce sujet se sont exprimées des divergences fortes entre les partisan·es d’une participation aux manifestations antipass pour y disputer l’influence à l’extrême droite, et d’autres rejetant la ligne prétendument "citoyenne-apartisane-apolitique" des organisateur·ices de ces manifestations, qui laisse le champ libre aux antivax et à l’extrême droite, donc exclut de facto les minorités. Plus généralement, le point a été soulevé des lignes rouges à ne pas dépasser et du refus d’aller sur le terrain de l’extrême droite. On peut ainsi chasser l’extrême droite des manifs si on en a les moyens, et il est nécessaire de discuter avec les personnes influencées par son discours. Mais discuter avec ses militant·es, participer à ses médias ou faire vivre ses librairies, c’est contribuer à les renforcer, donc à les légitimer.

Il y a nécessité de s’organiser, de se coordonner, comme par exemple à l’image de VISA (Vigilance Intersyndicale Antifasciste), de se prêter mutuellement main forte en termes de formation politique mais aussi en matière d’autodéfense collective. Créer des canaux d’information à l’aide d’outils sécurisés qui permettent de prévenir rapidement les un·es et les autres quand des fachos interviennent, qu’ils tentent une action contre une réunion syndicale ou associative, quand il faut aller les décoller ou qu’ils diffusent leur prose dans la rue en plein jour. En résumé, se donner les moyens de riposter collectivement et de reprendre la rue.

Plusieurs perspectives d’événements publics ont été avancées pour les prochaines semaines, dont une manifestation et une soirée-concert. Ces perspectives, et d’autres, seront à l’ordre du jour des prochaines assemblées.