Un petit collège où il ne se passe jamais rien



Niché au cœur des Vosges du Nord, ce charmant petit collège a la réputation d’être tranquille. Quelque trois cents élèves y passent une scolarité le plus souvent paisible. C’est le genre d’établissement où les élèves vous disent « Bonjour » plusieurs fois par jour, à chaque fois qu’ils vous croisent, ce qui surprend parfois les gens de l’extérieur.

Là, pas de vague. Ou rarement. Le personnel, qu’il s’agisse des enseignant·e·s, du personnel de la vie scolaire, des agent·e·s, de l’administration, tou·te·s s’activent pour faire tourner cet établissement dans la sérénité. Un établissement familial en somme. En règle générale, peu de grévistes, pas de revendications. Tout se passe aussi bien que possible, avec bien sûr les aléas que connaissent tous les enseignant·e·s et tous les établissements.

Mais à la rentrée de septembre 2020, voilà une nouvelle principale ! Et au fur et à mesure qu’elle prend ses marques, un vent nouveau commence à souffler sur ce paisible établissement. L’atmosphère se met peu à peu à changer. Imperceptiblement. Au début du moins. Cela a commencé tout doucement. On aurait pu mettre les premières remarques au compte d’une absence de savoir vivre, d’un manque de finesse. Mais bien vite, l’un·e ou l’autre collègue a été pris·e en grippe. Un petit coup d’autoritarisme, puis une caresse dans le sens du poil. Le travail de l’un·e est dénigré, on met des bâtons dans les roues de l’autre sans que personne comprenne pourquoi. L’humeur est changeante, tout simplement. Certain·e·s finissent par ressentir cela comme du harcèlement moral.

En plus de cette atmosphère délétère, la cheffe a la volonté de tout régenter, seule. Ce qui ne fonctionne pas longtemps. La charge de travail est importante, mais, au lieu de s’appuyer sur des équipes solides et rodées, la principale prend de mauvaises décisions, se contredit, et se permet de disparaître lorsque les choses ne fonctionnent pas comme elle le souhaite, parfois un jour entier sans que personne sache ce qu’elle est devenue.

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Le problème prend de l’ampleur. L’ensemble du personnel partage majoritairement le constat : les choses ne peuvent pas continuer ainsi. Quelques collègues décident alors, individuellement d’abord, puis collectivement, de réagir. En adressant directement un courrier à la DRH (et oui, ça existe !) du rectorat. Démarche difficile, qui demande du courage ! Mais ces courriers doivent être adressés « sous couvert du chef d’établissement ». Pas facile ! Et si au fur et à mesure de l’avancée, certain·e·s s’abstiennent, si d’autres veulent rester dans le « pas de vague » si cher à l’éducation nationale, un noyau de courageuses·eux réfractaires ose, se serre les coudes et va au bout de son initiative pour le bien de l’établissement et des élèves. Après réflexion donc, ces mêmes courriers passent par la cheffe d’établissement.

Et le résultat ne se fait pas attendre. L’administration ne peut plus jouer la sourde oreille car la cheffe a déjà fait parler d’elle. Un peu partout où elle est passée, semble-t-il. Décision administrative : la cheffe est destituée et remplacée par quelqu’un faisant fonction. Soulagement !

L’union fait la force ! C’est bien parce que des collègues se sont mobilisé·e·s pour leur établissement que cette décision administrative a été possible.

Mais une question demeure : pourquoi a-t-il fallu en arriver là ? Puisque l’administration connaissait le parcours de cette personne, pourquoi rien n’a-t-il été fait auparavant afin de l’empêcher de nuire ? On a préféré la placer dans un établissement rural, en se disant : « Pas de vague ! ». C’est encore une fois aux personnels qu’il a été demandé de réagir.

Bravo aux collègues qui se sont mobilisé·e·s ! Même si cela n’a pas été facile. Vive le collectif ! Vive la lutte !

Article paru dans SUD éducation Lorraine Info n°43, avril 2021