Tattoo d’un facho !

Nancy (54) |

Au début de l’été, nous avons pris le temps de flâner dans les allées d’une convention de tatouage dans la banlieue de Nancy. Nous sommes évidemment rentré.es franchement à gauche, nous aurions pu en ressortir tatoué.es franchement à droite : croix celtiques, white power, croix gammées, etc. Ambiance, ambiance...

Les camarades antifas de La Horde en parlent depuis au moins deux ans : certains fascistes "tentent de s’immiscer dans le milieu du tatouage, (...) une bonne couverture pour être dans ce milieu." [1]. En suivant les aventures du naziskin Serge Ayoub, La Horde a montré la porosité existant parfois entre certain.es dans ce milieu du tatouage et les militant.es d’extrême droite, très friand.es de tattoos aux références mythologiques, mais surtout hitlériennes ou mussoliniennes.

Mais ce n’est pas une grande surprise pour les militant.es antifas de Nancy qui surveillaient, comme le lait sur le feu, la vie du "Sanctus tattoo", salon de tatouage au centre de la ville, géré d’avril 2016 à octobre 2022 par deux naziskins notoires : le nancéien Jérémy Felt et le multi-condamné "marseillais" Jérémy Recagno. Un article bien détaillé, photos et infos, raconte la vie et les fréquentations de ces deux néonazis : "Blood and Honour", violences, incarcérations, armes, etc. [2]. Une mobilisation pour la fermeture de ce salon avait débuté dès l’ouverture, avec la signature d’une pétition en ligne [3]. Depuis maintenant quatre mois, le néonazi Jérémy Felt a ouvert un nouveau salon de tatouage dans le centre-ville de Toul (à 25 km de Nancy) : "Kingdom tattoo". Et un tatoueur plus ordinaire semble maintenant aux commandes du nouveau "Sanctus tattoo".

Par ailleurs, à la mi-juin, une nouvelle édition du "Day of glory", une soirée néonazie et MMA, a rassemblé environ 300 personnes à "La Taverne de Thor" à Combres-sous-les-Côtes, dans la Meuse (55). Jérémy Flament, un autre Jérémy donc, est le propriétaire depuis 2015 de cette maudite "taverne", un ancien hangar agricole, et il était le co-organisateur de cette soirée de l’enfer avec, comme autre organisateur, le combattant néonazi français Tomasz Szkatulski [4], aka "Gamin". Ce Jérémy Flament est également propriétaire d’un salon de tatouage installé à Jarny (54). Il était déjà l’organisateur du "White X-Mas", le "Noël blanc"... et nazi, aussi organisé dans la Meuse, à Souilly plus précisément, en décembre 2015 [5]. Enfin, Christophe Saccavini, le responsable de la sécurité de ce rendez-vous nazi de juin, est également... tatoueur [6]. Ce Hammerskin ancienne génération gère depuis vingt ans le salon de tatouage "Old skull" à Bar-le-Duc (55). Il a déjà participé à la sécurité de plusieurs évènements Hammerskins. Cette journée à Combres était également un défilé de marques de fringues d’extrême droite (avec notamment la table de merchandising de la marque "Pride France" de Szkatulski) et un véritable festival de tatouages : croix gammées, marteaux des Hammerskins, white power, runes diverses et variées, soleils noirs, soldats nazis, guerriers vikings, valknuts, etc.

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Les amateur.rices de runes récupérées par l’extrême droite étaient en joie ... (photos d’illustration)

Alors, avec tout cela en tête, nous sommes allé.es faire un tour, il y a quelques semaines, dans un festival de tatouage qui a eu lieu dans la grande banlieue de Nancy. Soyons clair.es dès le départ : après vérifications du contenu de cette manifestation, notre propos n’est pas dire que les organisateur.trices sont d’extrême droite. Par contre, nous avons fait quelques découvertes inacceptables sur les tables de trois tatoueurs [7] sur la quarantaine de professionnel.les présent.es. Afin de bien comprendre toutes nos explications et nos références, nous renvoyons vers le site pédagogique et fort détaillé du collectif "Indextreme" [8]. Tout y est bien expliqué.

Valknuts, runes nordiques et références douteuses

Le premier tatoueur, venu de Poitou-Charentes, était très branché Vikings, guerriers musclés et runes nordiques. Il proposait de nombreux tatouages, souvent issus du mysticisme nazi et actuellement très appréciés par toute l’extrême droite européenne : valknut, marteau de Thor, Vegvisir – aussi appelée boussole nordique –, Irminsul, croix celtiques ou diverses runes (Tyr, Odal, Algiz, etc.) [8]. Cela sentait bien fort la testostérone sur son stand décoré avec des haches et des peaux de bête !

Le deuxième, venu de Franche-Comté, affichait deux grands drapeaux noirs "100% comtois", appuyés par deux drapeaux français et par le slogan régionaliste "Comtois, rends toi ! Nenni ma foi !". Il proposait des tatouages de valknut, des portraits de guerriers gaulois, spartiates ou vikings. Une table pour les hommes, les vrais, les forts, les tatoués.

Dans les allées de ce rassemblement, nous avons pu par exemple y croiser un "biker 1%" (ces motards se revendiquant hors-la-loi) avec son pote également motard, affublé d’une croix de fer allemande et d’un patch de Punisher bleu-blanc-rouge (un justicier dans l’univers des comics de chez Marvel) cousus sur son blouson en cuir noir, accompagné de la devise états-unienne "In God we trust". Le Punisher, un anti-héros dont la propre devise bien gerbante est "God will judge our ennemies, we’ll arrange the meeting" (soit "Dieu jugera nos ennemis, nous organisons la rencontre"), est très en vogue chez les forces de l’ordre nationalistes américaines et françaises. On a d’ailleurs pu voir, lors de la cérémonie officielle du 8 mai dernier, un patch Punisher bleu-blanc-rouge, fixé illégalement sur l’uniforme d’un policier municipal dans la ville RN de Fabien Engelman, à Hayange en Moselle [9].

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Les croix celtiques pour les naziskins, courtes ou longues, ils avaient le choix ! (photos d’illustration)

Ensuite, dans ses porte-vues transparents, le troisième tatoueur proposait tranquillement un grand nombre de tatouages de croix celtiques courtes et longues, de croix gammées incurvées (parfois nommées croix circulaires), de croix solaires, etc. Des croix de la haine, en veux-tu en voilà ! Ce tatoueur n’avait pas l’air d’être spécialement friand de nazisme, il reste qu’il ne voit pas de contradiction à se faire un peu d’argent en tatouant des symboles nazis.

Et pour celleux qui aimaient vraiment tout cela, ielles pouvaient, pour parfaire leur collection faisandée, parfois aussi acheter certains de ces symboles sur d’autres stands en broches, en pendentifs ou en boucles d’oreilles. Une vraie fashion week !

Bon d’accord, la majorité des tatoueurs et tatoueuses rencontré.es ce week-end-là ne sont pas d’extrême droite. C’est sûr. Mais il reste qu’un certain nombre d’entre elleux proposaient clairement et tranquillement de tatouer des symboles haineux, des références nazies et suprémacistes à qui sortait sa carte bleue. Après la banalisation du lepénisme, certain.es semblent aujourd’hui travailler tranquillement à la normalisation du nazisme. Et cela, pour nous, ce n’est pas acceptable !

Bloc antifasciste de Nancy (BAF)

P.-S.

Photos : droits DR et captures d’écran


Notes

[1Plusieurs articles sont à lire sur le milieu du tatouage, dont le dernier en date : https://lahorde.info/Fin-du-chapitre-le-livre-des-Gremium-se-referme

[6https://exif-recherche.org/?p=12020 (un article très détaillé en allemand, avec de nombreuses photos)

[7Nous ne donnons volontairement pas leurs noms.

[8Plus d’explications sur https://indextreme.fr/

[9Photos et explications sur le Punisher par ici : https://indextreme.fr/categories/cranes/punisher/