Reims, nouvelle vitrine du complotisme et de l’antisémitisme à la française

Reims (51) |

À l’invitation d’un groupuscule d’extrême-droite local, Reims accueillera à nouveau fin octobre un conférencier conspirationniste aux propos profondément racistes, antisémites, et LGBTQIAphobes. Petit tour d’horizon du curriculum vitae de Lucien Cerise, expert auto-proclamé en ingénierie sociale, soralien de longue date, et désinformateur de premier ordre.

JPEG - 103.7 ko

Après avoir invité Cassandre Fristot, militante catholique intégriste notamment condamnée en 2021 pour avoir brandi une pancarte antisémite lors d’une manifestation anti-pass [1] , et l’abbé Matthieu Raffray, l’influenceur identitaire et figure montante du catholicisme « viril » d’extrême droite nostalgique des croisades et adepte de la bagarre et des armes à feu [2] , le groupuscule d’extrême droite Remes Patriam prévoit le 27 octobre 2023 une conférence avec Lucien Cerise, un écrivain conspirationniste. Le groupe rémois, né en décembre 2022, s’est rapidement illustré à travers plusieurs agressions violentes [3] et la dégradation d’un bar en Espagne, dans lequel ses membres avaient arraché un drapeau LGBT et laissé ses stickers en guise de signature [4] . Il confirme ainsi son adhésion aux discours conspirationnistes, antisémites, racistes et LGBTQIAphobes.

PNG - 419.8 ko
L’abbé M. Raffray à Reims.
PNG - 648.1 ko
Sortie bronzette saucisses pour les Remes.

Lucien Cerise, de son vrai nom Lucas Degryse, publie également sous le pseudonyme de Marion Thibaud. Docteur en philosophie, il se revendique aujourd’hui « chercheur en ingénierie sociale », bien qu’il n’ait jamais rédigé aucune publication scientifique sérieuse à ce sujet sous aucun de ses pseudonymes. Conférencier à tendance principalement complotiste, il fait partie de la sphère du notoire essayiste Alain Soral, condamné à de multiples reprises pour ses propos négationnistes, conspirationnistes, antisémites et homophobes, et dont il partage le même argumentaire. Il a publié plusieurs ouvrages chez les maisons d’édition Kontre Kulture [5] (fondée par Alain Soral) et Culture et Racines, dont les collections ne laissent aucune place à l’ambiguïté.

Lucien Cerise se distingue par ses discours aux relents principalement conspirationnistes, et par essence également antisémites, racistes et LGBTQIAphobes. Ses thématiques reprennent les grandes lignes des théories phares de la complosphère : l’humanité serait dirigée par des élites omniscientes (et souvent franc-maçonnes et juives, le hasard faisant bien les choses) préparant en secret l’avènement d’un « nouvel ordre mondial » [6] ayant pour but de détruire les sociétés occidentales et leurs valeurs à travers le mondialisme, l’immigration (le « Grand remplacement »), ou le progressisme (le « lobby LGBT »). Pour parvenir à leurs fins, elles manipuleraient entre autres les populations au moyen de « l’ingénierie sociale » dont Lucien Cerise se revendique lui-même expert, une pratique ayant pour but de modifier les comportements des groupes sociaux à leur insu. Lucien Cerise profite de la pandémie de COVID-19 pour rebondir sur la dénonciation du Great Reset [7] , une manœuvre destinée à asservir les populations et à les uniformiser par le transhumanisme afin de remodeler le monde en instaurant un « régime marxiste totalitaire », et oriente aujourd’hui son discours sur l’invasion russe de l’Ukraine selon un angle résolument pro-Poutine. Il s’agit là d’une rhétorique profondément paranoïaque, largement reprise par l’extrême droite en France comme ailleurs.

Sous son pseudonyme M. Thibaud, il co-écrit en 2010 G5G-Déclaration de guerre : La guerre de cinquième génération avec le tristement célèbre militant d’extrême droite Serge Ayoub et Michel Drac. Dans Clément Méric, victime d’un coup monté ? (2013) [8], Lucien Cerise soutient que l’assassinat de Clément Méric (battu à mort par des militants du groupe néonazi Troisième Voie, dont le même Serge Ayoub était alors le leader) serait une machination planifiée avec la complicité de la police et de ses services de renseignement intérieur, les accusant de complaisance avec les impérialismes occidentaux, et sous-entendant l’ingérence d’Israël lui-même et des « réseaux atlanto-sionistes infiltrés au plus haut niveau de l’État français (!) ».

Lucien Cerise dispense des conférences pour le compte d’Égalité & Réconciliation, l’association d’Alain Soral et l’un des principaux sites conspirationnistes français, qui publie en échange ses billets, et participe à ses « cycles de formations ». Il est également un intervenant familier des chaînes YouTube Culture populaire et TVLibertés en compagnie d’autres conspirationnistes tels que Claire Séverac, Alain Soral, Dieudonné M’Bala M’Bala, Pierre Jovanovic, Charles Gave, André Bercoff, et de nombreuses autres personnalités proches de l’extrême droite connues pour leur propension à s’écarter de leurs champs d’expertise (pour peu qu’elles en possèdent un) et de la réalité des faits jusqu’à ignorer les consensus scientifiques. Parmi les autres points forts de sa carrière, on peut retrouver ses nombreuses interviews pour le site identitaire Breizh-info.com, l’un des sites de désinformation les plus influents de France relayant quotidiennement fake news racistes et paranoïaques sous couvert de « réinformation » [9] .

Il qualifie les personnes LGBTQIA+ de « mondialisme dégoulinant  » et conseille de lire Mein Kampf. Dans un récent article, il loue « l’interdiction [en Russie] de la propagande LGBT et du “mariage homosexuel”, qui pose ainsi des limites au transhumanisme et qui rétablit un clivage fondateur avec l’Occident et ses développements pédophiles institutionnels  ». On retrouve là encore toute la rhétorique LGBTQIAphobe d’extrême droite visant à amalgamer la pédophilie et les mouvements LGBT qui auraient pour seul dessein de déconstruire les valeurs occidentales traditionnelles. Les conséquences de ces discours : justifier et légitimer toutes les mesures restrictives et oppressives à prendre à l’encontre des communautés LGBTQIA+.

En 2017, il accompagne Alain Soral en Corée du Nord aux côtés de Dieudonné « par sympathie pour le régime  » et Adnan Azzam en Syrie en 2019 [10] . En 2018 et 2019, il participe à La Fête du Pays Réel initiée par l’organisation d’extrême droite Civitas, aujourd’hui dissoute suite aux graves propos antisémites tenus lors de son université d’été 2023. En juin 2020, il organise une conférence sur le thème « Ingénierie du COVID » pour le Cercle Edouard Drumont, nommé d’après l’un des plus célèbres militants antisémites français. Il intervient également en 2022 sur la radio identitaire nationaliste québécoise Infocité, relais francophone majeur de la propagande prorusse antisémite. Dans son ouvrage Le suprémacisme blanc, paru en 2021, il relaie les pires thèses racistes en basant son argumentaire sur le concept du Grand remplacement de Renaud Camus [11] , et propose ses solutions pour protéger les peuples blancs autochtones d’Europe de la disparition : il soutient le « nationalisme autochtone » comme réponse à la menace du « Grand Reset transhumaniste  », défend un « nationalisme blanc rationnel  » à ne pas amalgamer avec le suprémacisme blanc (selon lui trop souvent diabolisé), et déplore « l’invasion et le métissage des peuples blancs  ». Sous couvert de promotion de l’ingénierie sociale et de dissidence, Lucien Cerise se fait donc également le porte-parole des théories suprémacistes blanches chères aux extrêmes droites les plus radicales.

PNG - 59.6 ko
Lucien Cerise sait comment plaire aux lecteurs/-rices de la presse d’extrême droite.

Les conséquences des discours conspirationnistes, aussi délirants semblent-ils, sont réelles : elles entretiennent les angoisses et contribuent à la stigmatisation de communautés déjà victimes de discriminations systémiques récurrentes et bien réelles, renforcent la méfiance à leur égard, justifient, encouragent et banalisent les violences qui leur sont infligées. Nous appelons toutes les organisations progressistes à alerter des dangers de la venue d’une personne comme Lucien Cerise. Le complotisme, le racisme, l’antisémitisme et la LGBTQIAphobie n’ont leur place nulle part, ni à Reims, ni ailleurs.



Articles de la même thématique : Vie politique locale

Foot en mixité choisie

Orage en décembre