Pas de retraite sans grève générale



Retour sur l’impact de la réforme des retraites pour les personnels de l’Éducation nationale.

Retraites solidaires

Dans un système de retraite par répartition, les cotisations versées par les actif-ves aujourd’hui servent directement à financer les pensions des retraité-e-s la même année. C’est pas parfait, n’empêche qu’environ 24 % de la masse des pensions permet d’accorder des droits à des salarié-e-s qui n’ont pas pu cotiser pendant certaines périodes car momentanément hors travail (maladie, maternité, invalidité, chômage indemnisé), par exemple.

Au point où on en est

Dans un système de retraite par capitalisation, les actif-ves épargnent en vue de leur propre retraite dans un cadre individuel ou collectif. Ils et elles versent leurs cotisations dans un fond (de pension par exemple), qui place les sommes au nom de chaque cotisant, et les lui restitue (ou pas) sous forme de rente (ou parfois de capital) au moment de partir à la retraite. C’est la dernière saloperie pondue par des gouvernements s’acharnant à détruire toute solidarité.
Depuis 30 ans, prétextant le cataclysme, ielles ont :

  • indexé le salaire pris en compte pour le calcul des pensions sur les prix et non plus sur le salaire moyen (qui augmente plus vite) ;
  • calculé la pension sur les 25 meilleures années (au lieu de 10 avant 1993) dans le privé ;
  • augmenté la durée de cotisation (de 37,5 à 40 ans en 1993 pour le privé et en 2003 pour la fonction publique, à 41,5 ans en 2010, 43 ans prévus en 2035) ;
  • inventé la décote (de 1,25%) qui est opérée par trimestre manquant avec un maximum de 20 trimestres (25 %) ;
  • augmenté la cotisation salariale (en 2013 l’augmentation de la cotisation patronale est compensée par une baisse des cotisations « famille ») ;
  • reculé l’âge d’annulation de la décote : âge de départ auquel on peut obtenir un taux plein de remplacement, même en cas de trimestres de cotisation manquants (de 65 à 67 ans en 2010) ;
  • reculé l’âge légal de départ de 2 ans (de 60 à 62 ans en 2010 alors que l’âge moyen de cessation d’activité reste inférieur à 59 ans) ;
  • diminué les solidarités (carrières longues, pénibilité...).

Si le cataclysme est toujours imminent, c’est qu’ielles sont incompétent-e-s.

Serre les dents (et les poings)

Le système actuel en annuités est loin d’être parfait. Il réduit partiellement les inégalités (l’écart de 1 à 6 des revenus se réduit de 1 à 4 pour les pensions) mais le déclenchement d’un trimestre cotisé ne prend pas en compte les faibles salaires dans le privé, notamment le temps partiel imposé, il désavantage les femmes qui en sont victimes.

Ce défaut est accru par les "réformes" imposées depuis 1993. Le système à points ne corrigerait pas ce défaut, car peu d’euros cotisés donneront peu de droits. Et l’objectif des gouvernants et capitalistes est clair : diminution des pensions pour toutes et tous, précarité universelle (sauf pour le MEDEF et les guignol-e-s qui nous gouvernent). La preuve ? « Le système par points ça permet une chose : diminuer chaque année le montant des pensions. » dixit François Fillon.

L’exemple suédois

Macron en rêve. La Suède a mis en place en 1994 un système de retraites par point au détriment du système par répartition. La comparaison avec le système français actuel est édifiant :

  • Alors que le taux de pauvreté des 65-74 ans est de 7,5% (chiffres INSEE) en France (le plus bas d’Europe), il est de près de 15 % en Suède, soit le double.
  • Les pensions par points sont tout sauf garanties : les pensions des retraité-e-s ont baissé en Suède en 2010, 2011, et 2014.
  • En une vingtaine d’années en Suède, la part de retraité-e-s percevant un salaire (donc obligée de travailler pour vivre) a doublé.
  • Les Suédois-es ont anticipé la baisse programmée de leur pension et investi en masse dans des fonds par capitalisation... qui ont perdu 40% de leur valeur globale avec la crise de 2008.
  • Environ 9 Suédoises sur 10 auraient eu une meilleure retraite dans le système précédent les retraites par points. Le système de retraites par points n’offre aucune garantie aux salarié-e-s, encore moins aux femmes : c’est un système qui répond aux désirs des capitalistes.

On est gouvernés par des imbéciles

Non seulement ielles nous infligent des baisses de pensions allant jusqu’à plus de mille euros, mais en plus ielles ne sont même pas capables de fournir un simulateur fonctionnel, non mensonger et fiable. En revanche, ça, à SUD Éducation, on sait faire, le simulateur est ici : https://retraites.sudeducation.org/

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Le gouverne ment

Parmi les multiples manipulations pour faire passer la pilule, il en est une remarquable : « La dette de la Sécu a été logée dans une structure appelée Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES). Tous les ans, la CADES est alimentée par des recettes (la CRDS, des fractions importantes de CSG, ...). En 2024, grâce à ces recettes, la dette de la CADES aura été entièrement remboursée ! Les recettes de la CADES sont estimées à 24 Milliards en 2024. Elles seront donc disponibles TOUS LES ANS, sans aucun prélèvement supplémentaire ! (…) Compte tenu de la marge de manœuvre énorme suite à la fin de la dette logée dans la CADES, la mise en place d’un âge pivot ou d’équilibre ne s’impose absolument pas. » (extrait du blog de Christian Eckert (12 décembre 2019), précédent secrétaire d’état au budget, que l’on ne peut vraiment pas taxer « d’extrême gauchiste »).

Mépris de classe

Lors de son allocution du 11 décembre devant le CESE (Conseil Économique, Social et Environnemental), Édouard Philippe a prouvé, si besoin était, toute l’estime qu’il a pour les plus précaires d’entre nous. Tout en reconnaissant que les plus pénalisé-e-s par la réforme des retraites seraient les personnels de l’Éducation nationale, il a, à peu de frais, rayé de la carte les administratif-ve-s, les AED, les AESH, les contractuel-le-s… qui ne seront pas concerné-e-s par les prétendues revalorisations salariales envisagées pour les enseignant-e-s. Sans doute s’agit-il d’un calcul stratégique de sa part. Sans doute s’est-il dit « avec leur salaire de misère, ces personnels-là ne pourront de toute façon pas se mettre en grève, il n’y a donc rien à craindre de ce côté »… Alors pour une fois, et une fois seulement, merci Édouard d’avoir donné le plus légitime motif de colère à tou-te-s ces femmes et hommes qui bossent pour des clopinettes, emmerdé-e-s à longueur de journée par des chef-fe-s et des sous-chef-fe-s, sans aucune reconnaissance professionnelle ni salariale. Merci d’avoir dit explicitement que pour toi comme pour ton caniche de ministre de l’Éducation, les personnels non enseignant-e-s ne sont ni plus ni moins que des invisibles !

De rien à moins que rien

Ne nous y trompons pas, si les profs n’ont pas été invisibilisé-e-s, c’est pour mieux leur enfoncer la tête sous l’eau. Dans une profession marquée par la souffrance des personnels dont les suicides sont le symptôme le plus insupportable, Jean-Michel Blanquer ne se contente pas de ne pas nous entendre, il nous pousse littéralement vers la sortie. Ce n’est pas une, mais deux réformes dont personne ne veut qu’il compte mener. En plus d’un soi-disant rattrapage de salaire pour compenser les pertes de pension engendrées par la réforme des retraites, voilà qu’il nous annonce une redéfinition du métier et du temps de travail. On n’a rien sans rien ? Non, là on a déjà rien et on aura moins que rien. Un gouvernement qui a fait du point d’indice le permafrost de la fonction publique et qui vient nous promettre que nos salaires seront revalorisés en conséquence… mais pas tout de suite… Qui peut encore croire à ça ? En revanche, pour ce qui est de nous faire bosser pendant les petites vacances (stages obligatoires, école ouverte, devoirs faits, liaisons inter-degrés…), le ministre fourmille d’idées à imposer dès la rentrée prochaine. Pour la mise en place de nouvelles missions particulières aussi, rien de tel que des nouvelles hiérarchies intermédiaires et des nouvelles primes pour accroître la division des personnels, l’inégalité de traitements, et le mal-être enseignant ! Mais qu’on se rassure, avec les 400 millions mis sur la table on aura tou-te-s 30 balles par mois pour acheter à crédit un casque de réalité virtuelle afin d’oublier qu’à 64 ans on sera encore devant des mômes.

Nos revendications

Pour SUD éducation, le système transparent de Macron pourrait se résumer à travailler plus pour travailler plus... et regarder baisser les pensions.

Nous revendiquons :

  • L’abrogation de toutes les réformes régressives,
  • Un taux de remplacement à 75 % des dix meilleures années ou du dernier indice,
  • Une durée de cotisation de 37,5 années pour le taux plein,
  • Intégration des régimes complémentaires dans les régimes de base en annuités,
  • Pas de pension inférieure au smic,
  • L’égalité entre les hommes et les femmes au travail comme dans la retraite,
  • Départ à 60 ans, à 55 ans pour les métiers pénibles, pas de recul sur les droits acquis,
  • Taxation de tous les revenus distribués dans les entreprises, y compris les dividendes,
  • Prise en charge de la perte d’autonomie à 100 % par la Sécurité sociale,
  • Annulation de la décote,
  • Sur-cotisation sociale patronale équivalente à celle d’un taux plein sur l’emploi à temps partiel,
  • Maintien des avantages préférentiels pour les femmes tant que l’égalité des salaires et de la prise en charge des enfants n’est pas réalisée, vers la majoration des retraites du niveau des inégalités de salaires constatées,
  • Développement des équipements de la petite enfance.

La seule solution...

...c’est la grève générale et le blocage total de l’économie. Jusqu’à la victoire, voire plus si affinité ! Car puisque les gouvernements successifs qui détruisent nos vies ne comprennent que le rapport de force, il est peut être enfin temps de les dégager et d’étendre l’autogestion à l’ensemble de la société.

Article paru dans le bulletin local d’information syndicale de Sud-éducation Lorraine, n°38, janvier 2020.