Le concept de fémonationalisme, inventé en 2013 par la chercheuse Sara R. Farris, désigne l’instrumentalisation de la question du féminisme et de l’émancipation des femmes à des fins électorales, islamophobes, racistes ou xénophobes. D’abord incarné par les partis d’extrême-droite comme le Rassemblement national, il est aujourd’hui repris par les partis néolibéraux, notamment la République en Marche ou des associations fémonationalistes (Caryatides, Némésis ou Manif pour tous).
Ce fémonationalisme se traduit par le fait de pointer les étrangers et les français racisés comme principaux responsables des violences sexistes et sexuelles, en particulier dans l’espace public, afin d’alimenter les représentations racistes et stéréotypées de l’étranger, ce barbare en puissance responsable de toutes les violences, cette menace permanente contre l’ordre social et l’identité nationale. Pour séduire l’électorat féminin, le Rassemblement national a développé cette rhétorique fémonationaliste ces dernières années, stigmatisant les quartiers de banlieues populaires comme territoires où le sexisme régnerait plus qu’ailleurs, présentant sa politique anti-immigration comme une garantie de sécurité pour les femmes. On peut également citer les prises de positions « d’organisations de femmes ainsi que de bureaucrates de haut rang des agences gouvernementales pour l’égalité des sexes (Marlène Schiappa ou Élisabeth Badinter par exemple en France), qui ont tous·te·s identifié les pratiques religieuses islamiques comme particulièrement patriarcales, soutenant qu’elles n’avaient aucune place dans la sphère publique occidentale. En conséquence, ils/elles ont endossé des propositions législatives telles que l’interdiction du voile, tout en dépeignant les femmes musulmanes comme des victimes passives qui ont besoin d’être sauvées et émancipées. Ce front féministe hétérogène anti-islam présente donc le sexisme et le patriarcat comme le domaine presque exclusif de l’Autre musulman. » (Sara R. Farris, Au nom des droits des femmes ? Fémonationalisme et néolibéralisme)
Ce fémonationalisme, rance idéologiquement, pétri de bonne conscience raciste et nationaliste (la France, blanche et chrétienne, ce grand pays pour les droits des femmes) se fonde sur une bonne dose de manipulation et de malhonnêteté intellectuelle.
Faut-il encore rappeler des évidences ? L’enquête Virage menée par l’INED en 2016 montre que les 3/4 des viols ou tentatives de viol sont le fait d’un proche, membre de la famille ou ami. Le travail d’Anaïs Bourdet depuis 2012, à travers le site Paye ta schnek recueillant des témoignages de harcèlement de rue, montre qu’il a lieu partout, est le fait de n’importe quel homme. La libération de la parole depuis #Metoo a montré l’ampleur de l’oppression systémique subie par les femmes, dans tous les espaces et milieux professionnels.
La transphobie quotidienne (administrative, médicale, sociale) que subissent les personnes trans, dont nous avons aussi des exemples tragiques au sein de l’Éducation nationale, montre aussi son caractère systémique, dont les tenants du fémonationalisme se font aussi le relais (Valeurs actuelles se montre prompt à dénoncer les agresseurs de Julia, mais n’a pas de scrupules à mégenrer l’acteur Elliot Page après son coming out trans).
Refuser de voir cela, c’est perdre d’avance la lutte contre l’oppression patriarcale. Laisser fleurir les amalgames et raccourcis racistes concernant les violences faites aux femmes, c’est être à la fois complice de l’oppression raciste (par la stigmatisation des personnes racisées) et de l’oppression sexiste (en protégeant la majorité des agresseurs, blancs).
Lire notamment :
Article paru dans SUD Éducation Lorraine Info n°47, avril 2022.
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