Lettre d’outre-tombe



D’Otto à Manu

Mein lieber Manu,

Félicitations mon ami. En politique, il faut accorder plus de calculs à la stratégie qu’aux idées. Je ne t’apprends rien. Tout a commencé pour toi en 2016. Face aux guéguerres internes des partis de droite comme de gauche, aux scandales multipliés de corruption, d’utilisation du pouvoir à des fins personnelles morales ou financières, de la montée des extrémistes de droite nationalistes aux idées fascisantes, tu as créé à partir de tes initiales (même le Grand Charles avec qui j’en parlais hier n’aurait osé le faire) tu as créé non pas un parti mais un mouvement : En Marche ! Habile et prudent, tu as volontairement omis de préciser si c’était En Marche Avant ou En Marche Arrière !

A propos d’arrière, tu n’ignores pas que je suis le premier au monde à avoir mis en place, en 1889, un système de retraite par répartition en Allemagne, ou plutôt en Prusse à l’époque. Ce qui pouvait ressembler à une mesure sociale, n’était en fait qu’un écran de fumée pour anéantir un mouvement ouvrier grandissant. C’est donc avec un délicieux cynisme que j’ai fixé l’âge de départ à la retraite à 65 ans, m’assurant ainsi que cette réforme ne me coûterait rien ou pas grand-chose puisque l’âge moyen de mortalité d’un ouvrier ne l’atteignait qu’à de très rares exceptions.

Dans le même esprit, mein lieber Manu, après avoir dû souffrir des avancées mises en place notamment par le Conseil National de la Résistance à la sortie de la seconde guerre mondiale puis à partir du 1er avril 1983 avec l’âge de la retraite fixé à 60 ans, la France revient enfin à une position « plus responsable » en reculant l’âge de départ à 64 ans... qui est l’âge moyen de départ en « bonne santé ». Et tant mieux pour ton économie grâce à celles et ceux qui ne seront pas en « bonne santé » et qui auront la bonne idée de nous rejoindre rapidement outre-tombe.

Je te félicite encore et je te demande, mein lieber Manu, de m’accorder l’honneur de te considérer comme mon fils spirituel.

Enfin, je ne doute pas que tu auras l’élégance, quand l’âge de 64 ans sera venu pour toi, de me rejoindre à toutes fins de ne pas grever les caisses de retraite par ton régime spécial de Président de la République.

Léon De Ryel, sous la dictée d’Otto Von Bismarck.