La zad de Lützerath est plus active que jamais !

Lützerath (DE) |

La zad de Lützerath lutte près de Cologne contre l’extension d’une mine de charbon. Les militant.es allemand.es occupent ce terrain depuis maintenant plus d’un an. Voici quelques nouvelles récentes pour vous encourager à y aller !

1. Pourquoi une lutte à Lützerath ?

Bref historique de la défense des forêts en Allemagne

Pour continuer sa folle course à la croissance, l’économie capitaliste ravage les écosystèmes. En Allemagne, de nombreuses luttes se focalisent sur la défense des forêts. Les militant.es allemand.es occupent les forêts, y construisent des cabanes dans les arbres, des barricades et y résistent sous un format proche des Zones À Défendre (ZAD) francaises. Voici deux exemples parmi les plus connus de forêts occupés.

La forêt de Hambach est occupée depuis 2012 pour empêcher l’extension d’une mine de charbon. Elle a été expulsée et réoccupée de nombreuses fois. Pendant l’expulsion en 2018 de 86 cabanes dans les arbres, un journaliste militant est mort en tombant d’un arbre alors que la police s’approchait de lui pour l’expulser1. Depuis, l’expulsion a été jugée illégale et la lutte à Hambach est gagnée. Des militant.es continuent d’habiter à « Hambi ».

En septembre 2019, la forêt de Dannenröder, surnommée Danni, est occupée afin de bloquer la construction d’une nouvelle autoroute (A49). Après 1 an et demi d’occupations, les militant.es sont expulsé.es de leurs cabanes (plus de 702) en novembre 2020 en pleine pandémie de Covid-19.

La lutte contre les mines de charbon en Allemagne

L’Allemagne exploite des immenses mines de charbon avec des machines gigantesques : des excavatrices à godets. Sur les emplacements des mines de charbon se trouvent souvent des villages habités qui sont alors expropriés et détruits afin de laisser la place à la mine à ciel ouvert. Les églises de ces villages ont été également détruites ce qui a créé des alliances étonnantes dans la lutte contre les mines de charbon entre religieux.ses et militant.es écologistes. Voilà le vrai visage du capitalisme et de l’extractivisme qui n’hésitent pas à détruire des villages anciens en expulsant les habitant.es pour répandre le désert de la mine.

La mine de Garzweiler a déjà expulsé de nombreux villages (voir les dates sous les villages). Aujourd’hui, Immerath est un village fantôme et il ne reste plus que la zad et un agriculteur à Lützerath. Souce : wikipedia

La situation à Lützerath

Lützerath n’est pas situé sur une forêt à proprement parler. La zad se situe à 20 minutes en voiture de Hambi, la forêt occupée depuis 2012 et est sur la propriété d’un paysan qui refuse d’être expulsé par l’entreprise d’électricité RWE qui exploite la mine de charbon. Mais les techniques de défense des forêts occupées y sont massivement présentes : sur ce petit terrain, pas moins d’une 30aine de cabanes dans les arbres sont présentes. Le matériel d’escalade mis en commun est impressionnant.

À quelques centaines de mètres de ce terrain, on peut voir le Bagger 288 travailler 24h sur 24, un gigantesque monstre de métal de 240m de long et de 96m de haut.
Le Bagger n’a pas le droit de fonctionner proche d’arbres ou d’habitations. En occupant le petit terrain de Lützerath, la zad empêche donc l’agrandissement de la mine de charbon et l’extraction de 650 millions tonnes de charbon.

On peut voir le bagger 288 depuis Lützerath. Pour l’anecdote, il s’agit du même Bagger qui était à la mine de Hambach à 22km de là.

Pour le moment, le terrain occupé par l’agriculteur n’est pas encore expulsable. La justice allemande doit statuer pour déterminer la légalité de l’expropriation de l’agriculteur par RWE. Récemment, la date du rendu du jugement initialement prévue le 7 janvier a été reportée.

Quelques raisons permettent d’être optimistes : la région est dirigée par un membre du parti écologiste allemand et la police affirme avoir besoin de temps (quelques semaines) pour préparer l’expulsion de la ZAD Rhineland. Le temps pourrait donc jouer en faveur des militant.es car la saison de coupe du bois se finira fin février 2022. Si la Zad tient jusque là, RWE devra attendre octobre 2022 avant de couper les arbres situés sur le terrain de Lützerath.

2. La vie quotidienne à Lützerath

Avec pas moins d’une cinquantaine de cabanes sur un terrain aussi restreint et deux maisons occupées, la zad de Lützerath ressemble à un petit village ou à un camp autogéré permanent. Tous les jours, le camp fourmille d’activités.

Toujours plus de cabanes !

Tous les jours à 9h30, quelques personnes se partagent ce qu’elles prévoient de construire pendant la journée. Les tâches vont de la construction de nouvelles cabanes dans les arbres ou sur terre à la construction de structures défensives (tripodes, barricades, etc.) en passant par l’amélioration d’anciennes cabanes (isolation, réparation, etc.).

L’allée centrale du camp est entourée de cabanes

La sécurité prise au sérieux : Covid, incendie, escalade...

À Lützerath, on ne rigole pas avec la possibilité de transmettre le Covid-19. Lors des réunions en intérieur, tout le monde porte le masque sans aucune exception et sous peine d’un rappel à l’ordre immédiat. Toutes les semaines, tout le monde sur place fait un auto-test Covid afin de détecter l’arrivée du Covid sur le camp. Si une personne est positive au Covid, le protocole prévoit d’effectuer au plus vite un test PCR et l’habitation dans une cabane spécifique avec des toilettes spécifiques également.

Un peu partout dans le camp, on trouve des messages pour rappeler de porter le masque en intérieur, une règle très respectée sur place.

La police avait prétexté la protection face à la possibilité d’incendie pour justifier l’expulsion de la forêt de Hambach en 2018 et donc de nombreux extincteurs sont sur place dans toutes les cabanes. Le matériel d’escalade collectif est régulièrement vérifié afin d’éviter des accidents possiblement mortels.

Une cuisine excellente et organisée

La KÜFA (Küche Für Alle – Cuisine pour toustes) est un élément central de l’organisation du camp. Tous les jours, les repas, toujours excellents, sont distribués à des heures précises (8h30-9h30, 13h-14h et 18h30-19h30). Pour les préparer, une équipe à part s’occupe de toute la cuisine. Elle respecte des règles strictes d’hygiène afin d’éviter la transmission de maladies : masque, désinfection régulière des mains, etc.

Les repas proposés par la Küfa sont dignes des meilleurs restaurants vegans.

Un tableau d’autogestion pour les tâches quotidiennes qui fonctionne

En plus des tâches pour aider la Küfa (découpe des légumes, vaisselle, ou service), on trouve sur le tableau d’autogestion les tâches d’accueil des nouvelleaux, de nettoyage des toilettes et des poubelles du camp et les vigies de nuit. Tout le monde est encouragé à s’inscrire à au moins une tâche par jour. Et ça marche plutôt bien.

Des groupes de travail nombreux et variés

De nombreux groupes de travail se réunissent régulièrement pour s’occuper de sujets spécifiques : communication, awareness (voir plus tard), infrastructure, action (vigies et légal team), accueil, antiracisme, etc.

3. Ce qui m’a surpris à Lützerath

Quand on a l’habitude des occupations en France, on peut se sentir un peu déboussolé.es de comment s’organise la vie à Lützerath.

Une attention à l’intégration des international.es

Pendant les AG régulières, des traductions en simultanée est faite pour les personnes ne parlant pas l’allemand. Quand une personne ne parlant pas allemand est présente dans un groupe de travail, la réunion se déroule en anglais. Même si de nombreux efforts sont faits pour faciliter l’intégration de non germanophones, cela est évidemment loin d’être parfait et on peut se sentir un peu perdu.e les soirs autour du feu quand les allemand.es font des blagues dans leur langue natale.

Une équipe awareness extrêmement active

L’équipe awareness s’occupe de faire attention à l’inclusivité du camp pour toustes : pour les personnes subissant des oppressions systémiques et pour les personnes ne se sentant pas bien sur le camp. Ainsi des espaces de repos en dehors du camp sont prévu.es pour les personnes ne se sentant pas bien et de nombreux « safer space » en mixité choisie existent : pour personnes MINT (Meuf Intersexe Non-binaire Transsexuel) (FLINTA en Allemand), pour personnes neurodiverses, pour personnes racisées, etc.

L’antiracisme est une valeur fortement présente à Lützerath : chaque AG commence par la lecture d’un texte antiraciste et la discussion en petits groupes du contenu de ce texte.

Des réunions nombreuses et très préparées

L’agenda du camp est extrêmement chargé en réunion : autant dire qu’il faut choisir ses groupes de travail avec parcimonie si l’on veut pas passer l’intégralité de ses journées en réunion ! Ici, les réunions sont facilitées de manière très précises. Les AG par exemple suivent toujours le même déroulé en des temps courts. En 1h30, la facilitation enchaîne l’organisation de la traduction, l’explication des signes en réunion, la lecture du texte antiraciste, des discussions en petits groupes de ce texte, des annonces générales, et finalement des débats sur différents thèmes proposés par les personnes présentes en petits groupes avec des restitutions en grand groupe.

Une attention au partage de compétences

Si autant de personnes savent construire des cabanes dans les arbres et grimper aux arbres, c’est en partie parce que la tradition du « skill share » (partage de compétences) est très présente en Allemagne. Si vous voulez apprendre des bases en escalade, vous ne serez pas déçu.es à Lützerath !

Il faut des équipes de policiers spécialisés pour évacuer les militant.es situé.es à plus de 2m50 au dessus de sol.

Cette habitude du partage de compétences est ce qui a permis à une zad aussi récente que Lützerath (l’occupation n’a commencé qu’en 2020 à proprement parler) d’avoir pas moins d’une trentaine de cabanes dans les bois !

Une communication assez consensuelle

L’objectif affiché de la zad est de massifier le mouvement contre le charbon afin de gagner la bataille médiatique et d’empêcher la mine de charbon. Pour cela, la majeure partie de la communication est faite sur les réseaux sociaux (twitter, instagram, youtube) et utilise des formulations consensuelles afin de convaincre le plus largement possible.

Sur place cohabitent ainsi à Lützerath des anarchistes prêt.es à s’affronter avec la police (en témoignent le nombre de tags ACAT – All Cops Are Targets) et des membres d’ONG comme Greenpeace. La culture politique radicale ne semble pas y être majoritaire et beaucoup de discussions se focalisent sur des comportements individuels.

Beaucoup de personnes sur la zad viennent de mouvements pour le climat ou de fridays for the future et lützerath est leur premier contact avec l’action directe et le milieu autonome.

Post-scriptum

Pour plus d’infos sur la lutte à Lützerath, consultez alle-doerfer-bleiben.de et luetzerathlebt.info.