La précarité brûle



La précarité tue. Et tout brûle encore.
Vos routes, vos bâtiments, vos symboles de pouvoir et nos corps.

Car on étouffe, on manque d’air. On s’asphyxie de votre austérité, de vos mesures politiques, de vos coupes budgétaires, de vos gaz lacrymogènes.
On crève du nouveau monde, de son autorité drapée dans un costume de velours, de sa matraque feutrée, de son horizon plus noir que le feu d’une barricade.
On vomit ses start-ups, son exploitation d’auto-entrepreneurs, ses morts du travail, ses plans de carrières épuisants et vides, ses métropoles lisses, ses désirs virtuelles, son self-contrôle et ses uniformes.

Tout se fissure et on attend avec impatience le grand séisme qui viendra tout bazarder.
Renverser ce monde minable qui transforme un étudiant en brasier de colère.
Qui éborgne et mutile.
Qui tue crânement l’enfance d’un quartier, ou plus insidieusement dans les couloirs vides d’une école tard la nuit.

On débecte vos lois travail, vos parcoursup, vos réformes des retraites, vos expulsions, vos contrôles au faciès, votre état d’urgence.
On crache sur vos partis, vos éditorialistes fascisants et vos indignations de circonstance.
Sur votre monde aussi pathétique qu’un plateau de Cnews.
Sur vos institutions de contrôles, sur votre traque des chômeurs, sur vos réflexes racistes.

On est devenu allergique aux uniformes, allergique à votre autorité merdique.
On est fatigué de vos effets de langage, de votre habitude malsaine à vous dédouaner, de vos spécialistes en communication.
On en est à se demander qui ose encore vous prendre au sérieux.

Qui s’étonne encore des tirs de mortiers et des guerres au palais.
Qui s’étonne encore des Fouquet’s incendié, des arcs de triomphes saccagés, des portes de ministères enfoncés.
Quoi d’étonnant devant tant d’obscénité.

Nos désirs sont des marées jaunes fluorescentes, des Champs-Elysées vivants, des universités bloquées, des resto U autogérés, des cortèges de tête et des communes en forme de ronds-points.
On se laissera pas crever d’ennuis, de précarité et de désespoirs.
On veut des vies riches et exaltantes.
On bousculera vos présidences la rage au ventre.
Et nos grèves viendront éteindre votre normalité morbide.

La précarité tue.
Et du chili au Liban la rue secoue les tyrans.
Partout on se jette dehors avec le diable au corps.
Partout on s’engage, on s’enrage, on s’enjaille.
Et les balles sifflent et les corps tombent et les corps brûlent. Consumés.
Et la goutte d’eau devient torrent et l’intelligence collective se fraie un chemin à l’assaut du ciel.

On veut tout maintenant.
Le feu et la joie.
On a déjà trop attendu de cette société malade qui convulse depuis tant d’années déjà.
On cédera pas au chantage ni à la peur ni à la déprime.
On prend le risque de tout renverser et de regarder ce qu’il y a derrière.
On a finit d’attendre les royaumes célestes et les grands soirs.
On veut des aubes incandescentes.
On veut pouvoir pleurer, rire et s’aimer et surtout ne plus jamais avoir à s’immoler.

Anonyme