Arrêter, arrêter la musique ?
Ce rassemblement citoyen était ouvert à toute forme d’expression culturelle. L’avant-veille, la préfecture a convoqué le déclarant et posé une condition de « sécurité » jusque-là inédite : « A l’exception des prises de parole, les démonstrations musicales ou intermèdes musicaux sont interdits lors de ce rassemblement ».
La légalité de cette mesure reste à démontrer.
En attendant, la manifestation s’est déroulée sans musique amplifiée, sans musique acoustique, sans musicien ! Une première dans notre département, peut-être même en France ? Elle n’est pas belle, la vie en Vosges ?!
Isolément ou en groupes improvisés, les manifestant.es ont modulé leurs prises de paroles avec des sons divers et variés. Des artistes, écrivains et troubadour, ont manifesté leur attachement à l’eau à travers des textes, poèmes, dessins. Bravo et merci à eux !
Jusqu’où les autorités iront-elles avec leurs mesures autoritaires de « sécurité » ? Jusqu’où ira notre laisser faire ?!
En finir avec la marchandisation et la destruction de la ressource en eau !
Il est acquis aujourd’hui que notre ressource en Eau est menacée dans l’ensemble de notre département. Les sécheresses répétitives depuis plusieurs années font prendre conscience à chacune et chacun de la pression qui s’exerce sur cette ressource vitale.
Il faut en finir avec les activités industrielles et agro-industrielles qui s’accaparent la ressource en eau, la détruisent : surexploitation jusqu’à épuisement, pollution des eaux superficielles et souterraines, arrachage des arbres, bétonisation des sols, …
La liste de ces activités est longue dans les Vosges. Sans vouloir être exhaustif, arrêtons-nous à quelques exemples de marchands d’eau, de pilleurs pollueurs.
- Dans les Vosges, SUEZ, VEOLIA et LA SAUR se partagent le marché de la distribution de l’eau. Pour leur plus grand profit et aux dépens des populations, en particulier des plus précaires, car le coût de revient du m3 d’eau en gestion privée est 25 % plus élevé qu’en régie publique. Dans les communes où ils existent encore, les syndicats des eaux ont bien du mal à résister. Le modèle de gestion publique est le seul qui peut aller vers la gratuité des premiers m³ indispensables à la vie.
- A Vittel, NESTLE continue de pomper dans les trois nappes du secteur pour embouteiller l’eau sous ses marques Vittel, Hépar, Contrex. La nappe profonde, d’où est extraite l’eau du robinet, est en voie d’épuisement. Au pillage industriel s’ajoute la pollution par le plastique et les transports de bouteilles massivement exportées. Tout cela sur fond d’accaparement de terres, de verdissage, influence, conflits d’intérêts (procès Vigie de l’Eau- Claudie Pruvost reporté), pillages illégaux (plainte en cours)…
- A Mirecourt, un entrepreneur vient d’être autorisé à construire un circuit automobile sur l’ancien aéroport de Juvaincourt. Un projet du « monde d’avant ». Outre les rejets de CO2 colossaux, les nuisances sonores qui empoisonneront la vie des riverains, ce projet expose les eaux souterraines à une grave pollution. Ainsi, les ruisseaux et leur biodiversité, des stations de pompage et des fontaines de villages environnants seront, à terme et pour longtemps, impactés.
- A Epinal-Golbey, la papèterie NORSKE SKOG vient d’abandonner un projet de chaudière qui aurait augmenté de 65% sa production de CO2. Cependant, l’augmentation de ses poids lourds sur les routes vosgiennes pollue en particules fines et gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. L’usine déverse ses rejets dans la Moselle. Avec la baisse notable du débit moyen de cette rivière, les polluants vont se concentrer et leur impact sur la qualité de l’eau de la rivière va s’aggraver.
- A Epinal, un Stade d’Eaux Vives va être construit sur le port de la Moselle pour l’entrainement d’ équipes de canoë-kayak en vue des JEUX OLYMPIQUES de Paris 2024. La surface du parc sera réduite... Ce projet de sport business va surtout profiter aux bétonneurs, banquiers, sponsors des JO… Il fait peser un danger supplémentaire sur l’eau de la Moselle et sur les vivants qui la peuplent ou la côtoient.
- A Gérardmer, une usine de blanchiment textile est à l’origine d’une pollution grave des ruisseaux par les pesticides (coton OGM importé d’Inde et du Pakistan).
- Dans le massif des Vosges, les industries du ski consomment de très grandes quantités d’eau qu’elles stockent pour la fabrication d’une neige artificielle polluante. Alors que, depuis plusieurs années, les sources, ruisseaux, lacs sont périodiquement en situation de pénurie d’eau.
Ces activités, ces industries sont-elles réellement « essentielles » ? Pour nous, nos enfants, les populations ? Pour les transnationales et leurs actionnaires ? Je vous laisse juge de la réponse.
Ne pas dissocier Eau, Climat et Biodiversité !
Les exemples d’activités humaines évoqués ci-dessus montrent de manière évidente que la défense de l’eau, du climat et de la biodiversité sont indissociables.
Encore deux exemples évoqués lors du rassemblement :
- Dans la forêt vosgienne, le manque d’eau est dévastateur. Cette forêt qui nous accueille, protège notre eau, nos sols, nos paysages, est aussi menacée par l’industrialisation soi-disant « verte ». Elle est en train de devenir « une usine à biomasse ». Les forestiers de l’ONF, de moins en moins nombreux, lancent alerte après alerte. Ils ne sont pas entendus. Au feu !
- Aux pieds du massif vosgien, le lac de Pierre Percée (situé en Meurthe et Moselle) voit son niveau baisser d’année en année. Ce lac de barrage a été créé par EDF pour le refroidissement de la centrale nucléaire de Cattenom située 140 km en aval. Le nucléaire n’est pas compatible avec l’évolution du climat : deux à trois étés très secs consécutifs obligeront la centrale à s’arrêter.
L’eau est un bien commun de l’humanité à transmettre aux générations futures.
Il est urgent de la protéger et d’en assurer une gestion démocratique et citoyenne.
Agir pour l’environnement, c’est aussi agir pour l’emploi durable.
Favoriser une entente des luttes !
Plus d’une vingtaine d’organisations avaient appelé à ce rassemblement (voir la liste dans l’appel à rassemblement).
Dans le Monde Diplomatique de mars, Fréderic Lordon, un intellectuel qui compte, pose cette question : « Comment favoriser l’entente des luttes ? ».
En reconnaissant d’abord que, si nos luttes ont des périmètres différents, elles sont toutes égales en légitimité. Puis en recommandant que la séparation entre elles cède le pas à une attention réciproque. En refusant enfin qu’une lutte puisse nuire aux autres luttes.
Nos luttes, autonomes, se recouvrent plus ou moins.
Avant tout, elles ont en commun de combattre la mainmise des transnationales sur nos ressources qu’elles pillent, polluent, marchandisent, financiarisent, pour leur plus grand profit et aux dépens de l’intérêt général.
Elles ont aussi en commun de s’opposer au Pouvoir (autorités, élus, experts, médias…) au service de ces multinationales. Déni de démocratie, mensonges, conflits d’intérêt, répression, atteintes aux libertés individuelles et collectives, voilà ce que ce Pouvoir essaye de nous faire avaler tous ensemble, oui, tous ensemble.
La lutte pour l’eau bien commun est emblématique de la nécessité d’un rassemblement et encore mieux, d’une entente des luttes.
Ce 21 mars, veille de la Journée Mondiale de l’Eau et aussi Journée Mondiale de la Forêt, deux cents personnes ont répondu à l’appel d’une vingtaine d’organisations pour défendre un bien commun et c’est heureux.
La lutte continue !
— leauquimord
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