GrosGnon est une sale bête



Lorsqu’une personne ou une famille connaissait le malheur à répétition, dans certaines contrées reculées, comme le bocage mayennais ou normand, on considérait qu’elle avait été ensorcelée. Il fallait alors aller voir un désensorceleur, qui permettait de faire en sorte que le mauvais œil soit éloigné.

GrosGnon et le mauvais œil

Ces pratiques avaient encore cours dans lesdites régions reculées dans les années 70-80 [1]. Devant les malheurs à répétition que subit, à l’heure actuelle, l’équipe de RésisteR !, et cela va de la panne de photocopieuse à l’impossibilité de trouver un tire-bouchon lors du comité de rédaction, certains membres de l’équipe ont évoqué l’idée de mêler pratique de la magie blanche et rejet du bouc émissaire en suggérant de clouer sur une porte de grange, ou sur celle du lieu nous accueillant lors de nos réunions, de clouer, donc, GrosGnon. Je ne suis pas un rapace, chouettes animaux qui étaient autrefois tout désignés pour subir ces sombres pratiques. Non, je ne suis pas une buse, ni même un fauxcon… Je vous rassure ou, du moins, je me rassure : il ne s’agissait en fait que de clouer la page du journal, afin que ma présence sans doute plus ou moins maléfique éloigne le mauvais esprit.

GrosGnon n’aime pas les sports d’hiver

Et non ! J’aime pas ! Et si en plus il s’agit d’aller à Gstaad, j’ai bien trop peur d’y rencontrer non le diable, ni même un vampire ressuscité, mais bien pire : Paul en ski !
Trêve de jeux de mots faciles ! Les intellectuels français se font une spécialité de vénérer des êtres vénéneux et de les présenter comme des anges du style ou de la pensée. Bien avant cette rétrospective Polanski, c’était Céline, dont certains ont autant chanté le style rabelaisien que la personne d’écrivain maudit. Bien que j’apprécie Le Voyage au bout de la nuit, je ne peux qu’éprouver du dégoût face à ce type, qui s’est réfugié à Sigmaringen avec le gouvernement de Vichy et qui osa quasiment écrire dans D’un château l’autre qu’il était une victime de la Seconde Guerre mondiale, qu’on lui avait volé son fric, etc. J’arrête, c’est à vomir. Plus près de nous, il y a eu cette publicité pour les œuvres du « divin Marquis » – « L’enfer sur papier bible » : c’est sûr que Sade est un personnage « divin », quand il violait des servantes ou des paysannes. Et tout cela, sans parler du cher Voltaire et des bénéfices de la traite négrière, etc.

GrosGnon atteint le point Godwin

Eh bien oui ! Après ce qui vient d’être dit, je ne peux tout de même pas passer sous silence le penseur en culottes de peau. Celui que tous les pseudo-philosophes révèrent et qui leur permet, paraît-il, de penser le nazisme et l’extermination des juifs, tziganes, homosexuels, débiles mentaux, communistes, etc., comme une conséquence des Lumières et de la technoscience. Celui qui voyait dans une centrale électrique sur le Rhin la destruction de la nature par cette fameuse technoscience et le déplorait. Celui qui ne voyait, en 1942, alors qu’il faisait encore partie de la commission du NSDAP chargée du droit allemand, aucun problème dans la mise en œuvre de la solution finale. Celui que, depuis des années, des soi-disant philosophes défendent en expliquant qu’il avait quitté toute fonction officielle dès 1934, qu’il avait pris ses distances. Non ! Une crapule de ce type reste une crapule ! Et des crapules comme certains écrivains, cinéastes sont bel et bien définitivement des crapules. On ne peut pas totalement distinguer l’œuvre et l’homme. Rosemary’s Baby ou Le Bal des Vampires sont de bons films, mais Polanski reste un violeur en cavale.

Article paru dans RésisteR ! #52, le 11 novembre 2017


Notes

[1Cf. Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts.