Confinement, élévation de température dans la marmite, à quand l’envolée du couvercle ?



Dans l’ambiance du moment, admirablement résumée par le billet de Frédéric Lordon, je désire vous faire part de l’énorme boule de rage qui me contamine, m’envahit, et presque me submerge.

Pourquoi ? L’incurie avec laquelle est mené ce confinement, son arbitraire policier (amendes, gardes à vue, plaintes), son arbitraire judiciaire à tout va (à toute manifestation de joie de vivre, à toute initiative individuelle paraissant insouciante, même prudente, est opposée une nouvelle restriction, loi, par exemple hier la fermeture des plages !!!), l’insupportable flou de la communication gouvernementale, voire son flou criminel (« allez bosser, allez voter, c’est in-dis-pen-sa-ble ! Pensez à l’é-co-no-mie, on vous dit ! », « les masques, les tests, le gel, l’intendance (comme dirait un certain GdG) suivront... mais surtout restez chez vous sinon on vous taxe, on vous enferme », etc. etc., le tout en vous culpabilisant à l’envi, un petit extrait ? ces « français débiles qui ne comprennent pas la nécessité de se soumettre », « les cons, les connes, les inconscients !!! »), et cerise sur le gâteau, l’incapacité manifeste de ce gouvernement comme des précédents à assurer le minimum vital : équipements insuffisants, abandon de tous les cas jugés hors norme (prisonnier.ères, migrant.es, handicapé.es, dépendant.es, personnes psychiquement fragiles), etc.

Et nous sommes nombreux et nombreuses à le savoir, tous ces discours, toutes ces injonctions pour surtout ne pas dire que l’objectif n’est pas d’arrêter la propagation mais bien d’éviter l’engorgement des services santé afin de faire face à l’état des services publics qui subissent une casse généralisée depuis, en gros, la chute du mur. La casse étant menée ardemment et avec constance... Et pendant tout ce temps, les soignant.es ont annoncé encore et encore la catastrophe...

Tout cela me met dans une colère noire. En plus du contexte, cette colère est aussi due à l’impuissance dans laquelle je me trouve. J’ai le choix entre la peste et le choléra, mauvais jeu de mots mis à part...

Option 1

Je refuse de me soumettre à toute mesure de confinement. Mais outre que je risque gros (se retrouver en GAV en ce moment n’est certainement la meilleure idée qui soit), comment être certaine que je ne risque pas de contribuer à aggraver la situation catastrophique dans laquelle se trouvent tous les soignants et accompagnants dès à présent, sans même oser penser à ce qui se profile ? Et c’est bien cette seconde question qui est la plus importante, qui me fige et me tétanise pour le moment, et me conduit immanquablement à m’orienter vers la seconde option, toute aussi insupportable.

Option 2

Je me soumets en supportant l’insupportable, c’est-à-dire que j’accepte et laisse faire :

  • l’arbitraire policier (comme si un policier, à cause de son uniforme et grâce à son préfet (?), était plus capable que moi de faire entrer les multiples raisons valables que je pourrais avoir de sortir dans les quatre pauvres alinéas de l’attestation de déplacement dérogatoire ?),
  • l’amateurisme du gouvernement et de sa communication à la fois anxiogène et inefficace,
  • les discours grandiloquents et guerriers de tous ceux et de toutes celles qui croient avoir un quelconque pouvoir (à commencer par monsieur « j’ai un projet !!! » et par le préfet de Paris...),
  • le manque d’interaction sociale libre qui, entre autres, fige notre réflexion collective,
  • la dépendance aux technologies et toutes les difficultés que cela incombe notamment en matière de protection de la vie privée,
  • le constat toujours renouvelé de la détresse des soignant.es, de toutes celles et de tous ceux qui n’ont pas le choix, de tous et de toutes les oubliées (salarié.es en travail forcé sans pour autant être protégé.es, prisonnier.ères, migrant.es, handicapé.es, dépendant.es, personnes psychiquement fragiles et globalement tous ceux et celles qui sont considérées comme ne comprenant pas...),
  • les soi-disant mesures visant à prendre en main la situation,
  • l’augmentation en flèche du nombre de morts,
  • l’incertitude dans laquelle nous sommes maintenus à coup de communication assourdissante et vide d’éléments tangibles (combien d’infectés et pas seulement de diagnostiqués, quel est le taux de contamination, comment protéger les autres, etc. etc.).

Alors voici mon espoir, ce qui me fait tenir : que collectivement, en dehors des abrutis qui prétendent nous gouverner, nous construisions, patiemment et sérieusement, des manières de faire face, d’aider partout où c’est possible, de choisir d’appliquer des mesures de prudence, de nous distancier socialement mais pas trop et en nous assurant de ne pas aggraver la situation (par exemple s’autoriser une balade solitaire en forêt/en montagne, est-ce utile pour la santé mentale de l’intéressé.e, est-ce dangereux pour la situation sanitaire) ; de poursuivre notre travail, oui, mais pour le bien commun et uniquement pour le bien commun. La question que je me pose et que je pose à qui désire se la poser aussi, c’est de savoir comment entrer en résistance afin d’éviter d’entrer en révolte idiote et néfaste ?

Je ne sais pas. J’imagine que vous non plus. Mais j’espère qu’à tous et toutes les sincères, les préoccupé.es du bien commun, nous trouverons, ou à tout le moins, que nous imaginerons des tentatives non dangereuses et bien sûr améliorables... Je voudrais sans la nommer vous parler d’elle....

Sinon, histoire de vous préciser d’où je vous parle. Dans la situation actuelle, je suis clairement quelqu’un de privilégié. Mon salaire est assuré. En termes de lieu de vie, je suis extrêmement chanceuse là encore : je vis en province, dans une grande maison avec une bonne connexion internet, j’ai de la place, des livres, je fais de la musique, je suis au milieu des arbres. Bref, par rapport à tout ce que j’entends et je lis, j’ai presque honte d’être dans une telle rage. Mais je le suis néanmoins. Et ça m’étonnerait que je décolère avant longtemps. Parce que non contents de nous construire gentillement une catastrophe sanitaire, et tous les morts, les burn-out, les suicides qui risquent d’aller avec, viendra ensuite la crise économique, crise que les demeurés qui nous gouvernent voudront à nouveau faire payer aux plus démuni.es d’entre nous...

Caracole